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02/04/2024 | FRANCE | N°21NC00766

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 02 avril 2024, 21NC00766


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Samson a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire, émis le 14 juin 2019 à son encontre par la commune de Still, pour un montant de 11 650 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, ainsi que de condamner la commune de Still à lui verser la somme de 1 507,27 euros TTC, qu'elle estime due au titre de l'exécution du lot n° 4 " charpentes métalliques " de l'opération de restructuration de la mairie.



Par un jugement n° 1906858 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Samson a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire, émis le 14 juin 2019 à son encontre par la commune de Still, pour un montant de 11 650 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, ainsi que de condamner la commune de Still à lui verser la somme de 1 507,27 euros TTC, qu'elle estime due au titre de l'exécution du lot n° 4 " charpentes métalliques " de l'opération de restructuration de la mairie.

Par un jugement n° 1906858 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la commune de Still présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 mars 2021 et 16 mars 2023, la SAS Ateliers de construction métallique Samson Emile, anciennement société Samson, représentée par Me Broglin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le titre exécutoire, émis le 14 juin 2019 à son encontre par la commune de Still ;

3°) de fixer le décompte du marché à la somme de 27 240 euros HT soit 32 688 euros TTC et le solde lui restant dû à 1 507,27 euros TTC, et de condamner la commune de Still à lui verser cette dernière somme, assortie des intérêts moratoires à compter du 5 février 2021 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Still une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le décompte est devenu définitif ; elle a présenté un projet de décompte le 15 décembre 2020 et le maître d'œuvre a établi un décompte définitif reçu en mairie le 23 octobre 2018, sans que la commune notifie de décompte général définitif ; en application de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG), la société Samson a notifié le projet de décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur, par un courrier du 5 février 2021 reçu par la commune le 9 février 2021, avec copie au maître d'œuvre, sans que la commune établisse le décompte dans le délai de 10 jours qui lui était imparti ; en l'absence de précisions contraires, il y a lieu d'appliquer le CCAG applicable au moment de son offre, soit la version modifiée en 2014 ; son courrier du 5 février 2021 valait mise en demeure à la commune de lui notifier le décompte général définitif ;

- à titre subsidiaire, la commune ne pouvait lui notifier un titre exécutoire portant sur des pénalités de retard avant l'établissement du décompte général définitif ;

- le maître d'ouvrage a renoncé, dans son décompte du 1er juillet 2021, à lui appliquer des pénalités de retard ;

- aucun retard ne lui est imputable, au regard du décalage du planning d'exécution et des aléas liés au comportement des autres constructeurs, de sorte que les pénalités de retard sont injustifiées.

Par un mémoire enregistré le 30 août 2021, la commune de Still, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la société Samson sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a notifié à la société requérante le décompte général définitif du marché le 3 juillet 2021 ;

- la requête est irrecevable ; il y a lieu d'appliquer le cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de travaux de 2009, dans sa version approuvée par l'arrêté du 8 septembre 2009, au regard de la commune intention des parties ; la société requérante ne saurait se prévaloir de la version de ce document résultant de l'arrêté du 3 mars 2014 ; le projet de décompte général que la société Samson lui a notifié le 5 février 2021 n'est pas devenu définitif ; le décompte général définitif que le maître d'ouvrage a notifié le 3 juillet 2021 n'a pas fait l'objet d'un mémoire en réclamation ;

- subsidiairement, la requête n'est pas fondée ; les pénalités de retard étaient dues de plein droit et pouvaient être imputées à titre provisoire, avant l'intervention du décompte général et définitif, alors que l'article 20.1.1 du CCAG 2009 prévoit qu'elles sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre et qu'il est de pratique constante et usuelle que des pénalités de retard soient imputées au titulaire par le pouvoir adjudicateur à titre provisoire avant même l'intervention du décompte général et définitif du marché ; ces pénalités ont de surcroît été intégrées dans le décompte notifié le 3 juillet 2021 ;

- les pénalités sont justifiées ; un planning prévisionnel d'exécution a, en tout état de cause, été établi ; la société requérante avait accepté le calendrier qui avait programmé ses travaux pendant les semaines 46 et 47 de novembre 2016 ; elle ne justifie pas que les retards seraient imputables à d'autres constructeurs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

- et les observations de Me Koromyslov, pour la commune de Still.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une opération de restructuration de la mairie, la commune de Still a confié le lot n° 4 " charpentes métalliques " à la SAS Samson, par un contrat conclu le 20 octobre 2016. Un avenant portant le prix total des travaux du lot n° 4 à la somme de 27 240 euros HT a été signé le 31 mai 2017. La réception des travaux est intervenue sans réserve le 27 février 2018. Par lettre reçue en mairie le 23 octobre 2018, la SAS Samson a transmis un document qualifié de " décompte définitif " faisant apparaître un solde en sa faveur d'un montant de 1 507,27 euros TTC. Ce décompte a été approuvé par le maître d'œuvre, la société M-Associés architectes. Le 14 juin 2019, la commune de Still a émis un titre de perception d'un montant de 11 650 euros à l'encontre de la SAS Samson, portant sur des pénalités de retard. La société Samson a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, l'annulation de ce titre exécutoire et la décharge de l'obligation de payer et, d'autre part, la condamnation de la commune de Still à lui verser la somme de 1 507,27 euros TTC qu'elle estime lui être due au titre du solde du marché. La société Samson, devenue société Ateliers de construction métallique Samson Emile, fait appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant au paiement du solde du marché :

En ce qui concerne la détermination du CCAG applicable :

2. D'une part, il est vrai que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché liant la société Samson et la commune n'identifie pas de cahier des clauses administratives générales (CCAG) parmi les pièces contractuelles. Toutefois, l'article 2.1 du CCAP intitulé " pièces contractuelles " stipule : " Pour ce qui est des pièces générales, elles ne sont pas jointes au dossier, le soumissionnaire étant censé les connaître. " En outre, plusieurs clauses de ce CCAP sont rédigées " conformément au CCAG " ou, au contraire, " par dérogation au CCAG " et l'article 11 du CCAP, dédié aux dérogations aux documents généraux, énumère des dérogations au CCAG. Ces renvois permettent de déduire qu'est visé le CCAG Travaux du 8 septembre 2009, ce qui n'est au demeurant pas contesté.

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 3 mars 2014, modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur au 1er avril 2014./ Les marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication avant cette date demeurent régis, pour leur exécution, par les dispositions du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux auxquels ils se réfèrent dans leur rédaction antérieure aux dispositions du présent arrêté ".

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions figurant sur l'ordre de service n°1, que la procédure de passation du contrat liant la société Samson et la commune de Still a été lancée en septembre 2016, soit postérieurement au 1er avril 2014. Si le maître d'ouvrage soutient que la commune intention des parties était de soumettre le marché au CCAG 2009 dans sa version initiale, aucun élément soumis à l'instruction ne permet de tenir pour établi que les parties se seraient accordées pour ne pas appliquer le CCAG alors en vigueur, mais une version antérieure.

5. Dans ces conditions, le contrat était soumis au CCAG applicable aux marchés de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014.

En ce qui concerne leur recevabilité :

6. Les premiers juges ont retenu que les conclusions de la société Samson tendant à la condamnation de la commune de Still à lui régler le solde restant dû au titre du marché étaient irrecevables au motif que la commune n'avait pas établi le décompte général définitif et que le titulaire du marché n'établissait pas avoir mis en demeure le maître d'ouvrage d'établir ce décompte, avant de saisir le tribunal.

7. La société Samson, sans d'ailleurs développer de motif contestant expressément l'irrecevabilité ainsi retenue par le tribunal dans son jugement du 22 janvier 2021, fait valoir qu'elle a mis en demeure le maître d'ouvrage d'établir le décompte, par un courrier reçu par ce dernier le 9 février 2021 et adressé en copie au maître d'œuvre, et qu'un décompte tacite est né du silence gardé par l'administration.

8. Il est vrai que, conformément à l'article 13.4.4 du CCAG applicable, auquel le CCAP ne déroge pas sur ce point, le silence gardé pendant un délai de dix jours par la commune de Still sur cette mise en demeure, à laquelle était jointe un projet de décompte général, a fait naître un décompte général et définitif tacite. Toutefois, cette mise en demeure n'a été réalisée que postérieurement au jugement litigieux, de sorte qu'elle demeure sans incidence sur le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges et par suite sur la régularité du jugement. La société requérante n'est donc pas fondée à contester le jugement en tant qu'il rejette ses conclusions relatives au règlement du solde du marché comme irrecevables.

Sur les conclusions contestant le titre exécutoire :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune :

9. L'irrecevabilité des conclusions tendant à la condamnation de la commune à payer le solde du marché, évoquée précédemment, est sans incidence, par elle-même, sur la recevabilité des conclusions présentées en première instance contre le titre exécutoire en litige, comme sur la recevabilité de l'appel de la société requérante.

En ce qui concerne le bien-fondé du titre exécutoire :

10. Les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs.

11. Il résulte des pièces constitutives du marché que la commune de Still et la société Samson ont entendu appliquer ce principe contractuel, sans vouloir y déroger en ce qui concerne les pénalités infligées par le titre litigieux et exigées en application de l'article 4 du CCAP. A cet égard, la circonstance que l'article 20 du CCAG applicable prévoit que les pénalités de retard sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre n'a ni pour objet ni pour effet de permettre au maître d'ouvrage d'infliger de telles pénalités en amont de l'établissement du décompte définitif, contrairement à ce que soutient la commune. Il ne résulte pas plus de l'instruction que les parties se seraient accordées, en cours d'exécution du contrat, pour écarter le principe mentionné au point précédent.

12. Si la commune allègue qu'il est de pratique constante et usuelle que des pénalités de retard soient imputées au titulaire par le pouvoir adjudicateur à titre provisoire avant même l'intervention du décompte général et définitif du marché, une telle circonstance, à la supposer même établie, est sans incidence sur la conformité d'une telle pratique par rapport au principe mentionné au point 10 et sur les règles applicables au marché litigieux.

13. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire litigieux a été émis le 14 juin 2019, à un moment où il n'existait pas de décompte général définitif. La société requérante est donc fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que la créance relative aux pénalités ne pouvait être mise à sa charge avant l'établissement d'un tel décompte. Au surplus, le décompte général et définitif, né du silence gardé par la commune ainsi qu'il a été dit au point 8, fait obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge du titulaire. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la société requérante est fondée à demander l'annulation de ce titre exécutoire ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante, et à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions sur ce point.

Sur les frais de l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Still à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Still la somme de 2 000 euros à verser à la SAS Ateliers de construction métallique Samson Emile en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906858 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 janvier 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société Samson tendant à l'annulation du titre exécutoire, émis le 14 juin 2019, pour un montant de 11 650 euros et à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer cette somme.

Article 2 : Le titre exécutoire émis le 14 juin 2019 par le maire de la commune de Still à l'encontre de la société Samson, pour un montant de 11 650 euros, est annulé. La SAS Ateliers de construction métallique Samson Emile, anciennement dénommée société Samson, est déchargée de l'obligation de payer cette somme

Article 3 : La commune de Still versera la somme de 2 000 euros à la SAS Ateliers de construction métallique Samson Emile au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Ateliers de construction métallique Samson Emile et à la commune de Still.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 21NC00766


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00766
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BROGLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;21nc00766 ?
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