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21/03/2024 | FRANCE | N°23NC00526

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23NC00526


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination, à titre principal, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence algérien, portant la mention " co

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination, à titre principal, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence algérien, portant la mention " commerçant ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer dans le même délai une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2207764 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 23NC00526 le 16 février 2023, et un mémoire enregistré le 20 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Meurou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, de lui délivrer un certificat de résidence algérien, portant la mention " commerçant ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer dans le même délai une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros hors taxes au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision est insuffisamment motivée et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;

- la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur de droit en se fondant exclusivement sur la nature de l'activité exercée ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles 5 et 7c de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il exerce une activité de coursier figurant sur l'extrait Kbis ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est fondée sur une décision elle-même illégale ;

- tout comme la décision portant refus de séjour, la préfète a commis une erreur de droit ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles 5 et 7c de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- l'auteur de la décision était incompétent pour l'édicter ;

- l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de destination ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 22 mai 1990, est entré régulièrement en France le 28 août 2017 muni d'un visa valable jusqu'au 26 novembre 2017. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien " étudiant ", renouvelé jusqu'au 26 novembre 2019. Le 25 octobre 2019, M. C... a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence et un changement de statut, en se prévalant de la création d'une auto-entreprise. Par un arrêté du 17 février 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 avril 2022, qui a enjoint à la préfète de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. C.... Par un arrêté du 26 septembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a rejeté la demande d'admission au séjour de M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. C... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel tribunal administratif de Strasbourg a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 septembre 2022 :

En ce qui concerne les moyens communs aux différentes décisions :

2. En premier lieu, par un arrêté du 6 septembre 2022 publié le 9 septembre suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. A... D..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous actes et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figurent pas celles en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté.

3. En second lieu, l'arrêté du 26 septembre 2022 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La préfète rappelle notamment les conditions antérieures d'entrée et de séjour de M. C... sur le territoire français, ainsi que ses activités de livreur, coursier, conseils aux entreprises et services aux entreprises mentionnées sur l'extrait Kbis de son entreprise. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de la situation personnelle du requérant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " (...) c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ".

5. M. C... soutient que la préfète a ajouté une conditions supplémentaire au dispositif légal en analysant son domaine d'activité et en le qualifiant de " vaste ", a méconnu les dispositions précitées dès lors que son activité commerciale ne relevait pas du champ d'application de ces dispositions, a à tort considéré qu'il n'était pas question d'activité de coursier dans le document présentant son entreprise, et précise que sa situation de cessation d'activité est due à l'absence de délivrance de titre de séjour.

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait Kbis produit par M. C..., qu'il souhaitait créer une entreprise de livreur-coursier conseils aux entreprises et prestations de services aux entreprises. Toutefois, l'exercice d'une activité de coursier étant une activité commerciale, elle est soumise à immatriculation au registre du commerce, et il s'agit donc d'une activité soumise à autorisation au sens de l'article 7 c) de l'accord franco-algérien. Or, ainsi que le précise l'arrêté contesté, le 9 juin 2020, M. C... a pris l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle soumise à autorisation. M. C... ne conteste pas le bien-fondé de ce motif dont il est constant que la préfète du Bas-Rhin aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ce dernier. En conséquence, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C... soutient qu'il a transféré le centre de ses intérêts privés en France. Toutefois, le requérant est entré en France à l'âge de 27 ans sous couvert d'un visa D mention " étudiant " valable jusqu'au 26 novembre 2019 et n'avait pas alors vocation à rester en France. Il n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France, ni la réalité de son intégration alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales en Algérie où résident ses parents, son frère et ses deux sœurs. En conséquence, eu égard aux conditions et à la durée du séjour en France de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas été prise sur le fondement d'une décision illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de la méconnaissance des stipulations des articles 5 et 7c de l'accord franco-algérien, identiques aux moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refis de séjour, ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

11. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français, et soulevés dans les mêmes termes que les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 8.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

13. En dernier lieu, aux termes de des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. En l'espèce, M. C... soutient que la décision l'expose à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine sans apporter aucun élément probant au soutien de ces allégations. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., Me Meurou et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : N. Peton Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00526
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23nc00526 ?
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