Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Best Body a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, des suppléments d'impôt sur les sociétés des années 2013, 2014 et 2015 et des suppléments de contribution foncière des entreprises qui lui ont été assignés au titre des années 2017 et 2018.
Par un jugement n° 1908706 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2022, l'association Best Body, représentée par Me Aube, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la décharger des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qu'elle ne comporte aucune indication d'une concurrence avec d'autres entreprises de sa zone géographique et ne précise pas que son fonctionnement serait identique à celui d'une entreprise commerciale ;
- elle n'est pas assujettie aux impôts commerciaux car elle est gérée de manière bénévole et ne procède à aucune distribution de bénéfice, ne fait concurrence à aucun organisme du secteur lucratif dans le but de satisfaire à des besoins qui ne sont pas pris en compte à Sarreguemines, ses services se distinguent du secteur concurrentiel en étant offert à un prix inférieur pour une qualité supérieure et enfin, elle n'a eu recours à aucune pratique commerciale propre au secteur concurrentiel ;
- n'étant pas assujettie aux impôts commerciaux, elle n'avait pas à tenir une comptabilité commerciale ;
- la quote-part des abonnements annuels et infra-annuels arrivant à échéance l'exercice suivant devait être retranchée des résultats de chaque exercice, ce qui représente 35 % du total des abonnements ;
- les rappels de contribution foncière des entreprises des années 2017 et 2018 sont irréguliers en l'absence de procédure contradictoire ; le service a en outre mis en recouvrement trois cotisations au titre de l'année 2018 ce qui fait triple emploi.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à la décharge des contributions foncières des entreprises des années 2017 et 2018 sont irrecevables en vertu de l'article R. 2002 du livre des procédures fiscales en ce qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une réclamation préalable ;
- les moyens soulevés par l'association Best Body ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association " Best Body ", ayant son siège à Sarreguemines, a été créée le 2 octobre 2008 avec pour objet, selon ses statuts, " d'aider les personnes jeunes et moins jeunes dans la vie de tous les jours, pour leur état général, mental et physique. Une activité physique est, de nos jours, indispensable aussi bien pour l'apparence intérieure qu'extérieure. L'association a donc pour objet la remise en forme, le cardio-training et le fitness ". Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Estimant que l'association exerçait son activité dans un but lucratif, le service l'a informée, par propositions de rectification des 27 décembre 2016 et 31 mars 2017, notifiées dans le cadre de la procédure contradictoire en matière d'impôt sur les sociétés et de taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et par lettres d'information des mêmes jours en ce qui concerne la contribution foncière des entreprises, qu'il envisageait de la soumettre aux impôts commerciaux. Ces rectifications ont été confirmées par une lettre du 23 mai 2017 en réponse aux observations de l'association. Les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution foncière des entreprises au titre des années 2013, 2014 et 2015 et les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2018. La réclamation préalable de l'association a été rejetée le 2 octobre 2019. L'association Best Body relève appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur la recevabilité des conclusions de la requête relatives à la contribution foncière des entreprises des années 2017 et 2018 :
2. Aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur ne peut ni contester devant le tribunal administratif des impôts autres que ceux qu'il a contestés dans sa réclamation préalable, ni solliciter une décharge ou une réduction d'impôt d'un montant supérieur à celui qui a été sollicité par cette réclamation.
3. Il résulte de l'instruction que l'association Best Body n'a pas contesté dans sa réclamation adressée à l'administration fiscale les cotisations de contribution foncière des entreprises des années 2017 et 2018. Par suite, le ministre chargé des comptes publics est fondé à soutenir que les conclusions de la requête présentées à ce titre sont irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
4. Le jugement attaqué s'est prononcé expressément et de manière suffisamment motivée sur le moyen invoqué par l'association Best Body tiré de la violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait été pris en violation de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur le principe de l'assujettissement de l'association requérante aux impôts commerciaux :
5. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros ". Par ailleurs, aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : (...) 9° les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées fournies à leurs membres, moyennant une cotisation fixée conformément aux statuts, par des organismes légalement constitués agissant sans but lucratif dont la gestion est désintéressée et qui poursuivent des objectifs de nature philosophique, religieuse, politique, patriotique, civique ou syndicale, dans la mesure où ces opérations se rattachent directement à la défense collective des intérêts moraux ou matériels des membres ; les dispositions des c et d du 1° du 7 s'appliquent à ces organismes ". Enfin, aux termes du II de l'article 1447 de ce code : " La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa ".
6. Il résulte de ces dispositions que les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation foncière des entreprises que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et que, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ des impôts commerciaux si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.
7. Il résulte de l'instruction que l'association Best Body dispose à Sarreguemines d'un immeuble dans lequel elle a aménagé une salle de sport comportant des matériels de musculation destinée à l'entretien et la remise en forme. L'accès à ces équipements, ouvert selon une vaste amplitude horaire, est offert à toute personne moyennant le paiement d'un forfait dégressif selon la durée de l'abonnement et le recours au prélèvement automatique. Seules les personnes âgées de 14 à 18 ans bénéficient d'un tarif réduit. Si l'association requérante soutient que l'accès à la salle de sport est réservé à ses seuls adhérents, à moins de souscrire un forfait découverte, et que l'adhésion, s'élevant à 30 euros, est comprise dans la souscription d'un forfait ordinaire, une telle circonstance ne résulte pas de l'instruction. En tout état de cause, il résulte des écritures de l'association requérante que l'adhésion est ouverte à toute personne. Contrairement à ce qu'elle soutient, la salle de sport qu'elle exploite se trouve en concurrence directe avec les entreprises New Fitness et Hello Fitness qui exercent la même activité sur le territoire de la commune de Sarreguemines. Il ressort des grilles tarifaires produites et des relevés de tarifs effectués par le service, figurant dans la décision de rejet de la réclamation, que les tarifs pratiqués par l'association requérante sont du même ordre de grandeur que ceux pratiqués par ses concurrents, étant entendu que ces derniers sont tenus de facturer la taxe sur la valeur ajoutée à leurs clients. Si l'association requérante soutient que les enseignements dispensés par ses moniteurs sont gratuits à la différence des concurrents, une telle circonstance ne résulte pas de l'instruction. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les prestations fournies par l'association requérante seraient différentes ou de meilleures qualités que celles des autres centres de remise en forme. Alors qu'elle ne pratique aucun tarif préférentiel en fonction de critères sociaux, l'association Best Body ne justifie pas, comme elle le soutient, que son activité serait réservée à un public défavorisé qui sans elle ne pourrait avoir accès à la pratique du sport. A cet égard, les attestations de boxeurs produites par l'association requérante ne font qu'établir qu'en subventionnant des sportifs elle a recours à la publicité à l'instar des entreprises commerciales, ce recours à la communication commerciale se matérialisant en outre par l'édition et la distribution de prospectus, de maillots et la présence sur les réseaux sociaux. Si la société requérante soutient enfin qu'elle se conforme à ses obligations en matière de vie associative, une telle circonstance, en l'admettant établie, n'est pas de nature à exclure le caractère lucratif de son activité. Il résulte de ces éléments que c'est à juste titre que l'administration fiscale a assujetti l'association Best Body aux impôts commerciaux à raison de l'exploitation à caractère lucratif d'une salle de sport.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
8. L'association requérante reprend en appel le moyen tiré de la violation de l'article L. 57 du livre des procédures. Il y a lieu de l'écarter par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.
9. Lorsqu'une imposition est, telle la cotisation foncière des entreprises, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations.
10. Le ministre chargé des comptes publics soutient sans être contredit que l'association Best Body a été informée par lettres modèles 751 des 27 décembre 2016 et 31mars 2017 de ce qu'elle serait assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013, 2014 et 2015. Par suite, l'association Best Body n'est pas fondée à soutenir avoir été privée de la garantie rappelée ci-dessus.
Sur les autres moyens relatifs au bien-fondé des impositions :
11. L'association requérante reprend en appel les moyens tirés de ce qu'elle n'était pas astreinte à la tenue d'une comptabilité commerciale et de ce que le service aurait dû exclure des recettes imposables à l'impôt sur les sociétés 35 % des abonnements au titre des produits constatés d'avance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.
Sur les pénalités :
12. L'association requérante ne conteste la pénalité du a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts qui a été appliquée en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés que dans la mesure où elle conteste le principe de son assujettissement à ces impositions. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Best Body n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Best Body est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Best Body et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC00844
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