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14/03/2024 | FRANCE | N°21NC02469

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 mars 2024, 21NC02469


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Habit'art a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2016 ainsi que de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015.



Par un jugement n°2005772 du 29 juin

2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Habit'art a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2016 ainsi que de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugement n°2005772 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 8 septembre 2021 et le 8 juillet 2022, la SARL Habit'art, représentée par Me Ackermann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2021 ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2016 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le service ne pouvait lui opposer des éléments obtenus dans le cadre d'un droit de communication de documents et relatifs à des tiers ;

- la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les loyers du crédit-bail et les factures d'entretien du Dodge Ram 1500 est justifiée dans la mesure où ce véhicule ne comprend que deux places assises à l'exclusion d'un strapontin ;

- il résulte de la doctrine que la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée est possible lorsque le véhicule de type " 4*4 pick up " dispose d'une simple cabine comprenant deux places assises et des strapontins à usage occasionnel ;

- la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat d'un téléviseur et d'une barre de son est déductible dans la mesure où ils sont destinés à être installés dans la maison témoin de la société ;

- la provision pour créances douteuses est justifiée dans la mesure où malgré les démarches de recouvrement entreprises, la part de la facture due par son ex-épouse n'a pas été réglée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 février et le 14 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par SARL Habit'art ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ackermann représentant la SARL Habit'art.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Habit'art qui exerce une activité d'architecture d'intérieur, est détenue à 99 % par M. A... et à 1 % par son ex-épouse, Mme B.... Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2015 étendue au 30 septembre 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration a d'une part, remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les loyers de crédit-bail afférents à l'acquisition d'un véhicule automobile et de celle figurant sur les factures d'entretien de ce véhicule et ayant grevé des achats de matériel qui n'avaient pas été acquis pour les besoins de son exploitation. D'autre part, elle a réintégré dans le résultat imposable de la SARL Habit'art le montant d'une provision pour créance douteuse. L'administration a, en conséquence, assujetti la SARL à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2015 et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2016. Les impositions ont été mises en recouvrement le 31 août 2018 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 33 551 euros en droits et 2 881 euros en pénalités et le 16 décembre 2019 s'agissant de l'impôt sur les sociétés pour un montant de 48 957 en droits et 5 092 euros en pénalités. La réclamation présentée par la société a été rejetée le 17 décembre 2019. La SARL Habit'art relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

3. Il résulte de l'instruction que le 27 juin 2017, la SARL Habit'art a sollicité la production des documents relatifs à l'exercice d'un droit de communication auprès de la commune de Mailing sur le fondement des dispositions précitées. Le service a produit à l'appui de sa réponse aux observations du contribuable le document correspondant qui permet d'établir que les factures transmises à M. A... et Mme B... pour la somme 198 635, 53 euros en litige se rapportent à des prestations de construction d'une maison d'habitation dont ils sont propriétaires en indivision et pour lequel un permis de construire leur a été accordé par la commune de Mailing le 11 janvier 2012. La circonstance pour le service d'utiliser ces éléments comprenant des informations relatives à des tiers, à savoir M. A... et Mme B..., ne méconnaît pas la régularité de la procédure d'imposition menée à l'encontre de la société. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments qui apparaissent au sein d'un paragraphe de la proposition de rectification intitulé " revenus distribués " qui précise que la moitié de cette somme sera taxée à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. A..., propriétaire à 50% de cette habitation, ont fondé les impositions supplémentaires mises à la charge de la SARL Habit'art.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée des frais relatifs au véhicule :

4. Tout d'abord, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de l'annexe II du même code prévoit : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; / b. Donnés en location ; / c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ; / d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; / e. De type tout terrain affectés exclusivement à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, dans des conditions fixées par décret ; / f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports (...) /10° Pour les prestations de services de toute nature, notamment la location, afférentes aux biens dont le coefficient d'admission est nul en application des dispositions du 1° au 8°(...) ".

5. Pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné.

6. Il résulte de l'instruction que le pick up Dodge Ram 1500 acquis par la SARL Habit'art pour les besoins de son activité, est un véhicule de type " 4 x 4 pick up " à cabine approfondie qui dispose de deux places assises à l'avant et d'une banquette avec deux places assises à l'arrière pour le transport de personnes. La carte grise du véhicule précise que celui-ci dispose de quatre places assises. Le constat d'huissier du 6 août 2021 et notamment les photographies qui y sont jointes confirment les caractéristiques précitées du véhicule. Ainsi, eu égard à son aménagement intérieur, ce véhicule doit être regardé comme conçu pour un usage mixte au sens des dispositions précitées et, par suite, n'ouvre pas droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les loyers de crédit-bail du véhicule et les factures d'entretien.

7. La SARL Habit'art demande, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice du paragraphe 20 de la doctrine administrative publié le 1er février 2017 sous la référence BOI-TVA-DED-30-30-20 reprenant la réponse ministérielle Martin du 8 mars 2005 selon laquelle les véhicules de type " 4 x 4 pick up " comportant une cabine approfondie ouvrent droit à déduction lorsqu'outre les sièges, sont placés des strapontins destinés à faire l'objet d'un usage occasionnel. Cette doctrine ajoute toutefois que les véhicules 4 x 4 du type pick-up, qui comportent quatre à cinq places assises hors strapontin, entrent dans le champ d'application de l'exclusion. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, la carte grise du véhicule fait état de quatre places assises et les photographies accompagnant le constant d'huissier confirment que les sièges à l'arrière ne constituent pas des strapontins à usage occasionnel. Dans ces conditions, la SARL Habit'art ne peut se prévaloir de la doctrine précitée dans les prévisions desquelles il n'entre pas, compte tenu des caractéristiques de son véhicule.

8. Le véhicule de la SARL Habit'art étant un véhicule 4 x 4 du type pick-up et non un véhicule utilitaire ordinaire de type camionnette et fourgon, la société n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Mariani du 14 octobre 2002 qui ne concerne que les véhicules utilitaires conçus pour le transport de marchandises.

S'agissant de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le téléviseur et la barre de son :

9. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".

10. La société ne démontre pas que le téléviseur et la barre de son ont été achetés pour les besoins de son exploitation à savoir équiper la maison témoin de la société. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces achats est justifiée.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

11. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

12. Il résulte de l'instruction que M. A... et Mme B... ont fait construire une maison par la SARL Habit'art, le couple étant copropriétaire de ce bien immobilier en indivision. Le couple a réglé la somme de 84 998,51 euros à la société, une somme de 198 653,35 euros demeurant à sa charge. La société a comptabilisé en charge une provision sur créance douteuse à hauteur de 82 198 euros, portant la provision à 92 374 euros au 31 octobre 2015 correspondant à la moitié de cette somme qui demeurerait à la charge de Mme B... à la suite de la séparation du couple. Toutefois, tout d'abord, la société n'établit pas que Mme B... serait la seule débitrice de la créance en litige alors qu'il ressort de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Thionville du 16 novembre 2017 que M. A... et Mme B... sont solidairement tenus au paiement des sommes dues. Ensuite, elle ne démontre pas avoir accompli à la date de l'enregistrement de la provision les diligences nécessaires pour recouvrer la créance auprès de Mme B... en se bornant à faire état de trois courriers des 22 décembre 2014, 23 janvier 2015 et 19 mai 2015 invitant le couple, puis les époux séparément et enfin Mme B... seule à payer les sommes restantes dues. Elle n'apporte pas non plus d'élément de nature à justifier que l'intéressée ne serait pas solvable en arguant des difficultés de recouvrement relatives à la domiciliation de celle-ci en Belgique. Enfin, pour justifier du caractère irrécouvrable de la créance, la société se prévaut d'un arrêt de la cour d'appel de Metz du 8 février 2022 confirmant le jugement du tribunal de grande instance qui la déboute de sa demande de condamnation in solidum de M. A... et Mme B... à lui payer la somme de 198 635,53 et rejette la demande subsidiaire de condamnation de M. A... de lui payer la somme de 99 317 euros et Mme B... à lui payer cette même somme. Cet arrêt intervient cependant postérieurement à la période d'imposition en litige et ne permet donc pas de démontrer le caractère probable de la perte au 31 décembre 2015. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la provision en litige.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Habit'art n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Habit'art est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Habit'art et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Rousselle, présidente,

M. Agnel, vice-président,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : C. Mosser La présidente,

Signé : P. Rousselle

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC02469


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02469
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CABINET KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;21nc02469 ?
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