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12/03/2024 | FRANCE | N°21NC00479

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 mars 2024, 21NC00479


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, à lui verser la somme de 297 824,10 euros en réparation des préjudices qu'elle lui a causés au titre du retard des travaux des opérations de construction d'un centre de secours à Tours-sur-Marne qu'elle a subi au cours de la période du 11 décembre 2017 au 14 mai 2018.





Par un jugement n° 1902639 du 18 d

cembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, ainsi que le surplus ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, à lui verser la somme de 297 824,10 euros en réparation des préjudices qu'elle lui a causés au titre du retard des travaux des opérations de construction d'un centre de secours à Tours-sur-Marne qu'elle a subi au cours de la période du 11 décembre 2017 au 14 mai 2018.

Par un jugement n° 1902639 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, ainsi que le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2021, la SAS C..., représentée par Me Romdane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, à lui verser la somme de 297 824,10 euros ;

3°) de condamner la société Generali IARD à garantir son assurée, la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre dans les limites de son contrat ;

4°) de condamner la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, a commis des fautes qui engagent sa responsabilité délictuelle à son égard ; les remblais réalisés par cette société n'ont pas été effectués correctement, elle a méconnu non seulement les stipulations contractuelles mais aussi les règles de l'art, en changeant de méthodologie par rapport à ce qui était initialement prévu ; les remblais ont dû être repris et compactés ; du fait de cette faute, aucune date de début d'intervention ne lui a été communiquée ; les travaux réalisés par la société Paysagistes d'Europe, passant outre les avertissements de la maîtrise d'œuvre, ne sont pas conformes au cahier des clauses techniques particulières (CCTP), en particulier à l'article 3.1 et n'ont pas été réalisés conformément à sa mission ; contrairement aux allégations de cette société, le marché ne prévoyait pas de traitement de sol pour réalisation de la couche de forme de voirie et les couches de sol apparentes correspondaient bien aux sondages décrits dans l'étude de sol qui a été réalisée et décrite aux termes du rapport géotechnique ; elle a analysé, à tort, le limon comme étant de la terre végétale ; le traitement qu'elle a réalisé, et qui n'était pas nécessaire, n'a pas été accepté par le maître d'œuvre, qui lui a rappelé que les délais devaient être respectés ; la méthode choisie est incompatible avec les habitudes et les choix opérés sur un tel type de chantier ; le jugement est entaché de contradiction de motifs ;

- le choix de la société Paysagistes d'Europe a eu pour conséquence de décaler le planning initialement arrêté, sans l'autorisation du maître d'œuvre ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre la faute qu'ils ont retenue et son préjudice ; elle n'a pas pu mobiliser les cinq salariés sollicités pour les travaux prévus sur d'autres chantiers, étant dans l'ignorance de la date de début des travaux, qui était reportée de 15 jours à chaque fois ;

- son préjudice s'établit à 2 836,42 euros par jour de retard, de sorte que son préjudice tenant au report du début des travaux du 11 décembre 2017 au 14 mai 2018 s'établit à 297 824,10 euros ; elle justifie que son chiffre d'affaires a été considérablement impacté pendant cette période ; le retard ne peut être compensé par les jours d'intempérie et l'impraticabilité du chantier résulte de la variante qui a été retenue par la société Paysagistes d'Europe ; le devis qu'elle a adressé pour un montant de 5 450 euros HT est sans lien avec les défaillances du titulaire du lot n° 1 ;

- la société Paysagistes d'Europe étant titulaire d'une assurance de responsabilité civile, les condamnations prononcées à son encontre devront être assumées par son assureur.

Par deux mémoires enregistrés le 23 avril 2021, la SARL Kentsel, anciennement dénommée Paysagistes d'Europe, représentée par Me Castello, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à ce que la société Generali IARD et le cabinet Manière Mazocky Architecture soient condamnés à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

- au rejet des conclusions dirigées à son encontre ;

- à ce que soit mise à la charge de la société C... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute ; le marché indiquait la présence de terre végétale à décaper sur 30 centimètres alors qu'elle était de 90 centimètres sur les emprises de bâtiment, jusqu'à 2 mètres sous l'emprise des voiries ; le maître d'œuvre n'a pas donné suite à sa demande d'étude de sol ; compte tenu de la nature des sols, il était nécessaire de les purger préalablement, sauf à encourir un risque d'affaissement ; elle a pris la décision de purger l'ensemble des couches de terre, a déposé de la craie et a créé une voie de chantier provisoire de 300 mètres carrés pour les engins de chantier, que la société C... a refusé de réceptionner, étant ainsi responsable de l'interruption dont elle se plaint ; il était prévu que le titulaire du lot n° 2 puisse commencer ses travaux en utilisant l'accès nord, la société C... avait accepté de repousser son intervention au 4 janvier 2018 ; les intempéries ont empêché qu'elle réalise un traitement de sol sur la partie sud du terrain, les entreprises n'ont pas pu intervenir sur le chantier avant le 29 janvier 2018 ; elle ne devait permettre que l'accès au chantier, et non la circulation, le stationnement ou le stockage qui relèvent du lot gros œuvre ;

- le retard dont se plaint la requérante découle de la mauvaise étude préalable du terrain, réalisée par la société Ginger CEBTP ;

- le cabinet Manière Mazocky Architecture, maître d'œuvre, a refusé de prendre en compte les difficultés qu'elle lui a signalées, au titre de son devoir de conseil ;

- le préjudice allégué par la société C... n'est pas établi ; des jours d'intempéries ont conduit à une immobilisation du chantier ; les éléments qu'elle produit ne sont pas vérifiables ; elle n'a sollicité du maître d'ouvrage que 5 450 euros hors taxe au titre de la prolongation du délai ; le lien de causalité n'est pas établi.

Par un mémoire enregistré le 5 août 2023, la compagnie Generali Assurances IARD, représentée par Me Rudermann, conclut :

- au rejet des conclusions dirigées à son encontre comme portées devant un ordre juridictionnel incompétent ;

- au rejet des conclusions dirigées à son encontre ;

- subsidiairement, à ce que sa condamnation soit limitée à la part définitive de responsabilité qui serait retenue à l'encontre de la société Paysagistes d'Europe devenue Kentsel et à ce que soient appliquées les limites contractuelles de la police d'assurance ;

- à ce que le versement d'une somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la société C... ou de toute partie perdante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les juridictions administratives sont incompétentes pour connaître des litiges de droit privé, en particulier en matière d'assurance ; la société C... ne peut rechercher sa garantie devant le juge administratif ;

- la garantie obligatoire ne saurait être mobilisée, les travaux n'ayant pas été réceptionnés et n'étant pas assez avancés pour l'être, de sorte que ni la garantie décennale des constructeurs, ni la garantie de l'assureur ne sauraient être engagées ;

- la garantie responsabilité civile ne saurait être engagée, car aucune faute n'a été commise par la société Paysagistes d'Europe, la société C... ne s'est pas organisée pour reprendre son matériel et assurer d'autres chantiers, il n'est pas justifié du préjudice ni du lien de causalité ; le maître d'œuvre encourt une forte part de responsabilité dès lors qu'il a conçu l'ouvrage en tenant uniquement compte de l'étude de sol réalisée par le laboratoire CEBTP qui n'a pas révélé l'intégralité de la nature des sols ; sa responsabilité est engagée dans ses prescriptions et pour le suivi du chantier ; il y a lieu de s'interroger sur la responsabilité de l'auteur de l'étude géotechnique incomplète ; les préjudices allégués relèvent de clauses d'exclusion, concernant le retard du chantier, de surcroît s'il devait être imputable à l'assuré, ainsi que les frais engagés pour permettre le parachèvement de l'ouvrage ou les conséquences liées aux nouvelles études techniques et à l'achèvement des travaux ;

- le maître d'œuvre a conçu l'ouvrage en tenant uniquement compte de l'étude de sol réalisée par le laboratoire CEBTP qui n'a pas révélé toute la nature des sols ;

- subsidiairement, il y aurait lieu d'appliquer les limites contractuelles de la police d'assurance, en tenant compte de la seule responsabilité de son assuré, ainsi que des franchises et plafonds de garantie.

Par trois mémoires enregistrés les 13, 19 et 25 octobre 2023, la SARL Manière Mazocky Architecture, représentée par Me Thibault, conclut :

- au rejet de la requête et du surplus des conclusions des parties ;

- subsidiairement, à la condamnation solidaire de la SASU Ginger CEBTP et de la SARL Kentsel à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- à la mise à la charge de tout succombant d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute à l'égard de la société Kentsel ou dans l'exécution de son contrat de maîtrise d'œuvre à l'égard du maître d'ouvrage ; la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, n'a pas respecté les prescriptions du marché et n'a pas obtenu son accord pour le traitement de sol qu'elle a effectué alors qu'elle devait mettre en place un géotextile, que n'empêchait pas la présence de terre végétale ou de limons ; cette société a transmis un planning de réalisation incompatible avec les délais contractuels ; les variantes étaient prohibées ; les travaux réalisés par le titulaire du lot n° 1 ne permettaient pas à la société C... d'intervenir et nécessitaient un apport de craie et le traitement de celle-ci, une pelle s'étant enfoncée ; la voirie provisoire en craie s'est avérée impraticable ; l'étude de la société Eurocontrôle Qualité commandée par la société Paysagistes d'Europe, devenue Kentsel, a été réalisée en dehors du marché et n'a pas été contradictoire ; les conditions du prélèvement réalisé le 11 décembre 2017 ne sont pas connues ; la société Kentsel a commencé les travaux de terrassement alors qu'elle avait connaissance des réserves exprimées dans l'étude de sol ; il n'y a pas eu de constat d'immobilisation prévu à l'article 12 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) relatif aux marchés de travaux ;

- subsidiairement, elle serait recevable, en cas d'aggravation de sa situation, à appeler en garantie, dans le cadre de l'appel provoqué, la SASU Ginger CEBTP et la société Kentsel, au titre de leur responsabilité extra-contractuelle, au regard des fautes qu'elles ont commises ; la société Kentsel a changé la méthodologie prévue par le contrat, commis un amalgame entre les différentes couches composant le terrain naturel, et réalisé une voie en craie qui s'est avérée impraticable ; si le rapport d'analyse géotechnique G2 réalisé par la SASU Ginger CEBTP devait s'avérer erroné, la responsabilité de cette société serait engagée du fait de cette erreur qui a été à l'origine des désordres, alors que le maître d'œuvre pouvait légitimement prendre pour acquis le bien-fondé de cette étude.

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2023, la société Ginger CEBTP, représentée par Me Nguyen Ngoc, conclut :

- à titre principal, au rejet des conclusions dirigées à son encontre par la SARL Manière Mazocky Architecture ;

- à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnisation allouée à la société C... soit limité à la somme de 5 450 euros HT, sous réserve que cette somme n'ait pas été indemnisée par le maître d'ouvrage dans le cadre du décompte définitif, ou, à titre infiniment subsidiaire, à la somme de 13 535,14 euros HT ;

- en tout état de cause, à la condamnation de la SARL Manière Mazocky Architecture, de la société Paysagistes d'Europe et de son assureur Generali IARD à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- à ce que soit mise à la charge de la SARL Manière Mazocky Architecture une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun élément ne permet de remettre en cause la lithologie identifiée par le géotechnicien au droit de ses sondages ; elle avait émis des réserves sur ce point ;

- son étude de sol mentionnait un terrassement de plus ou moins un mètre et non de 30 centimètres, et un décapage par la purge des limons sous dallage et la réalisation de remblais, ainsi qu'un risque d'impraticabilité du terrain en fonction des conditions météorologiques ;

- elle ne s'est pas prononcée sur la conception géotechnique des ouvrages de voiries lourdes ; c'est le maître d'œuvre qui s'en est chargé en rédigeant le CCTP du lot VRD ;

- l'erreur d'identification alléguée sur la consistance des sols n'est pas établie ;

- l'entreprise Paysagistes d'Europe n'a pas contesté le refus du maître d'ouvrage de payer son devis de travaux supplémentaires, reconnaissant ainsi nécessairement leur caractère inutile ;

- la hauteur de décapage envisagée dans son étude, dans l'emprise du bâtiment, était cohérente ;

- elle n'avait pas reçu de mission géotechnique pour les voiries lourdes, les sondages correspondants ne lui avaient pas été commandés ;

- elle n'a pas validé la variante mise en œuvre par l'entreprise Paysagistes d'Europe ;

- il appartenait au maître d'œuvre de veiller à l'enchaînement des missions géotechniques à réaliser au stade de la conception du projet ; les missions qui lui avaient été confiées présentaient un caractère limité, le maître d'œuvre n'a pas fait procéder à des études complémentaires sur les missions G2 PRO et G2 phase DCE/ACT ;

- subsidiairement, la société C... ne développe aucune argumentation pertinente pour contester la décision des premiers juges ;

- à titre infiniment subsidiaire, la société C... ne peut prétendre, au titre de son préjudice pour prolongation de délai, qu'à la somme de 5 450 euros HT, évoquée dans son projet de décompte général, si le maître d'ouvrage ne lui a pas encore réglé cette somme ; elle ne saurait réclamer un montant équivalent à celui de son marché ; elle n'établit pas qu'elle n'a pas été en mesure d'affecter ses engins et son personnel à un autre chantier, il n'y a pas eu de constat d'immobilisation prévu à l'article 12 du CCAG relatif aux marchés de travaux ; le retard est tout au plus de 26 jours ouvrés, compte tenu des jours d'intempéries, ce qui ouvrirait droit au mieux à 13 535,14 euros ; la perte de marge nette n'est pas démontrée ;

- elle aurait droit à être relevée et garantie, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, par le maître d'œuvre qui a renoncé aux missions géotechniques complémentaires et assuré seul la conception géotechnique des ouvrages de voirie, et par le titulaire du lot n° 1 qui a démarré les travaux de terrassement en toute connaissance des réserves exprimées dans l'étude de sol.

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2023, non communiqué, la SARL Kentsel conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par un courrier du 24 janvier 2024, les parties ont été avisées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions présentées par la SAS C... devant le tribunal, pour défaut d'intérêt lui donnant qualité à agir, dans la mesure où elle sollicite une indemnisation en se prévalant de la qualité de participant à l'opération de construction d'un centre de secours à Tours-sur-Marne, au titre du lot n° 2, alors qu'elle ne justifie pas à quel titre elle serait intervenue dans les travaux de ce lot, qui avait été attribué à la SARL Pitor Maçonnerie.

Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2024, qui a été communiqué, la SAS C... a présenté ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Harroch, pour la société Generali Assurances IARD.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes de la grande vallée de la Marne a souhaité faire édifier un centre de secours, sur le territoire de la commune de Tours-sur-Marne. Elle en a confié la maîtrise d'œuvre au cabinet Manière Mazocky Architecture, le lot n° 1 " VRD - espaces verts " à la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel, et le lot n° 2 " gros œuvre " à la société Pitor Maçonnerie dont le président est M. A... C..., par ailleurs président de la SAS C.... Le 16 mai 2018, la société C... a assigné la société Paysagistes d'Europe devant le tribunal de grande instance de Reims sur le fondement de l'article 1240 du code civil et lui a réclamé une indemnité de 297 824,10 euros en réparation de son préjudice résultant de fautes dans la réalisation des travaux. Par une ordonnance du 8 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Reims s'est déclaré incompétent au bénéfice de la juridiction administrative. La société C... a alors saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la SARL Kentsel, qui a succédé à la société Paysagistes d'Europe, à lui verser la somme de 297 824,10 euros au titre du retard du chantier durant la période du 11 décembre 2017 au 14 mai 2018, au cours de laquelle elle allègue avoir été dans l'impossibilité de réaliser les travaux qui lui avaient été confiés. Elle demande également que la société Generali Assurances IARD, assureur du titulaire du lot n° 1, garantisse ce dernier de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre dans les limites de son contrat.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.

3. La société C... recherche la responsabilité de la SARL Kentsel, en se prévalant de la qualité de titulaire du lot n° 2 " gros œuvre " de l'opération de construction du centre de secours. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce marché a été conclu avec la société Pitor Maçonnerie. Si la société C... fait valoir qu'elle a racheté la société Pitor Maçonnerie en septembre 2017, il ressort des documents qu'elle produit que la société C... a uniquement fait l'acquisition des parts sociales de la société Pitor Maçonnerie, par acte du 29 septembre 2017, et que la société C... a pris en location-gérance le fonds de commerce exploité par la société Pitor Maçonnerie par un contrat conclu le 8 février 2018, avec effet rétroactif au 1er octobre 2017. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction et notamment de ces pièces versées à l'instance que la personne morale société Pitor Maçonnerie, personne morale distincte de la société C..., aurait disparu, par fusion avec la société C... ou selon d'autres modalités. Le changement de propriété des parts sociales de la société Pitor Maçonnerie au bénéfice de la société C... n'a en particulier pas eu un tel effet. Par ailleurs, si le contrat de location-gérance stipule que " le locataire-gérant honorera les contrats et commandes en cours " et que le " loueur confie et concède (...) à la société C... (...) le bénéfice de tous marchés, traités et conventions afférents à l'exploitation du fonds de commerce (...) " c'est sous réserve de l'acceptation du cocontractant. Or, il ne ressort pas des éléments soumis à l'instruction que la communauté de communes de la grande vallée de la Marne, maître d'ouvrage, aurait accepté expressément par avenant ou tacitement par son comportement, ou au regard de documents qu'elle a signés, une cession du marché au profit de la société C....

4. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société C... soit titulaire du lot n° 2 " gros œuvre " du marché passé pour la réalisation de la même opération de construction que celle à laquelle a participé la société Paysagistes d'Europe, devenue la SARL Kentsel. Elle ne justifie en conséquence à ce titre pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre cette société. La société C... n'est donc pas recevable à exercer l'action mentionnée au point 2 du présent arrêt. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à se plaindre du rejet de sa demande par les premiers juges.

Sur les conclusions tendant à l'exécution provisoire :

5. Aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". Il résulte de ces dispositions que les conclusions de la société requérante tendant à ce que le présent arrêt soit assorti d'une exécution provisoire sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Kentsel, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des autres parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des autres parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS C..., à la SARL Kentsel venant aux droits de la société Paysagistes d'Europe, à la société Generali IARD, à la SARL Manière Mazocky Architecture et à la société Ginger CEBTP.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 21NC00479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00479
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DELVINCOURT-CAULIER RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;21nc00479 ?
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