Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... et Mme C... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 8 septembre 2022 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros pour chacun d'eux au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n°s 2203734 et 2203735 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés du 8 septembre 2022, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. et Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01450 le 10 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 avril 2023 et de rejeter la requête A... et Mme B....
Il soutient que la durée de séjour sur le territoire français A... et Mme B... est très courte, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils sont dépourvus d'attache dans leur pays d'origine, qu'ils ne démontrent aucune intégration sociale, que leur état de santé ne justifierait pas la délivrance d'un titre pour soins ni d'un suivi et d'une assistance particulière par les membres de leur famille.
Par un mémoire en défense enregistré 25 juillet 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Chaïb, concluent au rejet de la demande du préfet et demandent à la cour :
1°) de les admettre au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'enjoindre au préfet de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et, immédiatement, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que les moyens au soutien de la demande du préfet ne sont pas fondés.
M et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 20 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport A... Wallerich, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme et M. B..., ressortissants serbes, nés respectivement en 1961 et en 1966, sont entrés sur le territoire français le 22 juin 2020. Ils ont préalablement séjourné en France entre 2009 et 2016. Au cours de cette période, ils ont présenté des demandes d'asile rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 juin 2010, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 20 mai 2011, puis M. B... a bénéficié d'un titre de séjour valable jusqu'en 2016. En 2020, ils ont présenté des demandes de réexamen de ces demandes d'asile qui ont été rejetées comme irrecevables par des décisions de l'OFPRA du 21 juillet 2020, confirmées par la CNDA le 25 mai 2021. Le 2 avril 2021, M. B... a demandé un titre de séjour pour raisons de santé. A la suite des décisions de la CNDA, par deux arrêtés du 19 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a obligé Mme et M. B..., sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français. Par un jugement nos 2102378, 2102380 du 22 octobre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif a annulé ces arrêtés et enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme et M. B.... Réexaminant la situation des intéressés, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer les titres sollicités, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés par deux arrêtés du 8 septembre 2022. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés du 8 septembre 2022.
Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2023. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur leur demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... ont séjourné de manière continue en France entre 2009 et 2016 et que lors de ce séjour, M. B... a bénéficié d'un titre de séjour valable entre 2014 et 2016 pour raisons de santé. Ils sont ensuite retournés en Serbie puis au Kosovo pour revenir en France en juin 2020. Il apparait également que de nombreux membres de la famille A... et Mme B... vivent en France ou dans des pays limitrophes dont deux de leurs enfants sont en situation régulière. La présence de nombreux membres de la famille A... et Mme B... en France atteste de leur isolement dans leur pays d'origine. Ces derniers précisent ne pas avoir pu s'intégrer lors de leur retour en raison de leur origine rom. Un autre fils des intéressés vit régulièrement en Meurthe-et-Moselle. Il atteste, avec sa compagne, subvenir aux besoins de ses parents en raison de leur état de santé et en ce sens, un certificat médical, produit par les requérants précise que l'état de santé A... et Mme B... nécessite une assistance dans certains actes de la vie quotidienne. En conséquence, quand bien même une partie de la durée de leur séjour en France ne s'expliquerait que par la durée de l'instruction des demandes d'asile, eu égard à la durée de présence en France des requérants, des liens familiaux qu'ils établissent y avoir, en refusant de leur délivrer les titres de séjour sollicités, le préfet de Meurthe-et-Moselle a porté à leur droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Contrairement à ce que soutient le préfet, le fait que leurs pathologies ne présente pas un caractère extraordinaire n'a aucune incidence sur l'appréciation des liens tissés par les intéressés sur le territoire français.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a retenu ce motif afin d'annuler les décisions attaquées. Et, par suite, les conclusions à fin d'annulation en peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme B... :
6. Dans son jugement, le tribunal administratif de Nancy a déjà enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. et Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme B... en appel, tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et de leur délivrer immédiatement, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sont sans objet et doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. M. et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chaïb, conseil A... et Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 200 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle A... et Mme B....
Article 2 : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chaïb, avocate A... et Mme B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chaïb renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions A... et Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et Mme C... D... épouse B..., à Me Chaïb et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2024.
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : L. GuidiLe président-rapporteur,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC01450