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21/02/2024 | FRANCE | N°23NC01407

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 février 2024, 23NC01407


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l' a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, sous astreinte de

100 euros par jour de retard et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son cons...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l' a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2300013 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 24 octobre 2022, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la " mention étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, sans délai, une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01407 le 5 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 6 avril 2023 et de rejeter la requête de Mme B....

Il soutient que le tribunal a commis une erreur d'appréciation dès lors que l'examen de la situation de Mme B... ne permet pas d'établir la cohérence de son parcours scolaire.

Par un mémoire en défense enregistré 21 août 2023, Mme B..., représentée par Me Bach-Wassermann, conclut au rejet de la demande du préfet et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que les moyens de la demande du préfet de Meurthe-et-Moselle ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 août 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 11 septembre 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président,

- et les observations de Me Jacquin, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 6 novembre 1985 est entrée en France pour la première fois le 13 mars 2014 sous couvert d'un passeport marocain et d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Le 11 septembre 2019, elle s'est vu délivrer un titre de séjour en sa qualité d'étudiante au sein de l'Institut du management commercial du Luxembourg pour l'obtention d'un Bachelor Finances. Le 3 août 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi, création d'entreprise " sur le fondement de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Deux récépissés valables du 16 septembre 2021 au 16 mars 2022 ont été délivrés à l'intéressée. Le 9 septembre 2022, Mme B... a saisi le préfet de Meurthe-et-Moselle d'une nouvelle demande de séjour, sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de son inscription en première année de master " management et stratégies financières " au sein de l'institut du management commercial du Luxembourg. Par un arrêté du 24 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 6 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Sur le motif retenu par le tribunal :

2. Pour annuler l'arrêté du 24 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a estimé que le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le caractère dilatoire d'une demande de titre de séjour ne figure pas au nombre des exigences conditionnant la délivrance d'un titre de séjour et que le master au sein duquel Mme B... s'est inscrite constitue le prolongement logique du diplôme de Bachelor, équivalent d'une licence, qu'elle a obtenu.

3. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an ". Il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement de carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, sous le contrôle du juge, si l'intéressé peut être regardé comme poursuivant effectivement ses études. Le renouvellement de ce titre de séjour est ainsi subordonné à la réalité et au sérieux des études entreprises, appréciés en fonction de l'ensemble du dossier du demandeur, et notamment au regard de sa progression dans le cursus universitaire, de son assiduité aux cours et de la cohérence de ses choix d'orientation.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2014. Puis, après avoir séjourné en Belgique, elle a sollicité un titre de séjour au motif du travail en 2016. A la suite du refus opposé à sa demande, Mme B... a demandé le réexamen de sa situation en se prévalant d'une inscription à l'institut du management commercial du Luxembourg au titre de l'année 2019/2020. Un titre de séjour portant la mention " étudiant " lui a été délivré le 11 septembre 2019. A l'expiration de ce document, Mme B... a, sur le fondement de sa demande, bénéficié de récépissés " recherche d'emploi, création d'entreprise " valables entre le 16 septembre 2021 et le 16 mars 2022. Le 9 septembre 2022, se prévalant d'une inscription en master " management et stratégie financière " à l'institut du management commercial de Luxembourg au titre de l'année 2022/2023, Mme B... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour étudiant. La requérante soutient avoir été dans l'obligation de reprendre ses études en raison de l'échec de sa recherche d'emploi afin d'obtenir une nouvelle qualification et rendre plus attractif son curriculum vitae. Toutefois, Mme B... a interrompu ses études après l'obtention de son diplôme de Bachelor en octobre 2020 pour chercher un emploi. Si elle s'est ensuite inscrite en Master deux années après l'obtention de son diplôme, dans le même établissement, en raison de ses recherches infructueuses d'emploi, de telles circonstances ne sont pas de nature à attester de la réalité et du sérieux des études entreprises. Au demeurant, elle ne justifie pas suivre un enseignement en France par sa seule inscription dans un établissement d'enseignement supérieur au Luxembourg. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a retenu ce motif afin d'annuler les décisions attaquées.

6. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué est signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, auquel le préfet de Meurthe-et-Moselle a délégué sa signature à l'effet de signer notamment les décisions en matière d'éloignement des étrangers, par un arrêté du 8 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté.

8. En deuxième lieu, si le caractère abusif ou dilatoire d'une demande de titre de séjour est de nature à fonder le refus d'enregistrement d'une demande de séjour et de délivrance du récépissé y afférent, cette circonstance ne figure pas au nombre des exigences conditionnant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si la requérante est fondée à soutenir que le préfet ne pouvait lui opposer le caractère dilatoire pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de l'incohérence du parcours universitaire de Mme B....

9. En dernier lieu, le moyen tiré de la cohérence du parcours professionnelle de Mme B... est sans incidence sur l'appréciation d'une demande de séjour déposée sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 24 octobre 2022. Il s'ensuit que ce jugement doit être annulé et que les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 6 avril 2023 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du conseil de Mme B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bach-Wassermann et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2024.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : L. GuidiLe président-rapporteur,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01407
Date de la décision : 21/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BACH-WASSERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-21;23nc01407 ?
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