Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n°s 2201501, 2201507 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00849 le 15 mars 2023, M. D..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
s'agissant du refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à son épouse ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2021 qui viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la situation médicale de son épouse constitue une circonstance humanitaire de nature à justifier l'absence d'édiction d'une telle interdiction ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 6 février 2023.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00850 le 15 mars 2023, Mme C... B..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de titre de séjour :
- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut recevoir dans son pays les soins rendus nécessaires par son état de santé ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé constitue une circonstance humanitaire de nature à justifier l'absence d'édiction d'une telle interdiction ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 6 février 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissante kosovar né le 19 janvier 1992, est entré en France selon ses dires le 29 octobre 2016. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 27 novembre 2017 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 25 avril 2018 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juillet 2021 le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 12 mai 2022 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.
2. Mme C... B..., ressortissante albanaise née le 12 janvier 1992, est entrée en France selon ses dires le 29 octobre 2016. L'OFPRA a rejeté le 27 novembre 2017 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 25 avril 2018, la CNDA a confirmé la décision de l'OFPRA. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement de son état de santé le 30 août 2017. Par un arrêté du 19 juillet 2021 le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 12 mai 2022 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.
3. Les requêtes n° 23NC00849 et n° 23NC00850, présentées pour M. A... et Mme B... concernent les membres d'une même famille. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 juillet 2021 concernant Mme B... :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / [...] ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Dans son avis du 13 octobre 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, elle peut voyager sans risque.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une polyneuropathie axonomyélinique. L'appelante justifie, par les différents certificats médicaux produits, devoir être prise en charge par une équipe pluridisciplinaire avec kinésithérapie, ergothérapie, psychomotricité et balnéothérapie notamment. Le certificat médical du 8 août 2018 indique notamment qu'il n'y a pas de traitement médicamenteux spécifique. Pour établir l'absence de prise en charge médicale dans son pays, Mme B... se contente de verser un certificat du service Traumatologie orthopédique du centre hospitalier universitaire Nene Tereza en date du 7 octobre 2011 ainsi qu'un second certificat non daté attestant que si la patiente présente des indications chirurgicales, le centre hospitalier universitaire de traumatologie de Tirana n'est pas en mesure d'effectuer une quelconque opération. Ces documents, au demeurant très anciens ou non datés, sont peu circonstanciés et se contentent d'évoquer la disponibilité de certains soins dans deux hôpitaux albanais uniquement. Dans ces conditions, les éléments produits ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII selon laquelle l'intéressée pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".
9. Mme B... soutient résider en France depuis bientôt cinq ans, avoir tissé des liens personnels et familiaux et fait valoir que sa situation entre dans le champ d'application des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires, dès lors qu'elle souffre d'une maladie grave qui ne peut être soignée dans son pays et qu'elle est mère d'un enfant scolarisé en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les autorités en charge de l'asile ont rejeté le 27 novembre 2017 et 25 avril 2018 ses demandes de protection internationale, qu'elle ne pouvait ignorer le caractère précaire de sa situation administrative, que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier dans le pays dont elle est originaire un traitement approprié et que son compagnon fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 précité en prenant la décision attaquée.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Or, si les dispositions précitées permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour "vie privée et familiale" à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à cette règle ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article.
11. Mme B... qui n'a pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet de la Moselle, qui a examiné la situation particulière de l'intéressée, n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de Mme B....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Méconnaissent les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les cas d'éloignement d'une personne gravement malade, dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie.
17. Il appartient aux requérants de produire des éléments susceptibles de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure litigieuse était mise à exécution, ils seraient exposés à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3. Lorsque de tels éléments sont produits, il incombe à l'administration, dans le cadre des procédures internes, de dissiper les doutes éventuels à leur sujet. L'évaluation du risque allégué doit faire l'objet d'un contrôle rigoureux à l'occasion duquel les autorités françaises doivent envisager les conséquences prévisibles du renvoi sur l'intéressé dans l'État de destination, compte tenu de la situation générale dans celui-ci et des circonstances propres au cas de l'intéressé. Les conséquences du renvoi sur l'intéressé doivent être évaluées en comparant son état de santé avant l'éloignement avec celui qui serait le sien dans l'État de destination après y avoir été envoyé. Il y a lieu de vérifier au cas par cas si les soins généralement disponibles dans l'État de destination sont suffisants et adéquats en pratique pour traiter la pathologie dont souffre l'intéressé afin d'éviter qu'il soit exposé à un traitement contraire à l'article 3. Les autorités doivent aussi s'interroger sur la possibilité effective pour l'intéressé d'avoir accès à ces soins et équipements dans l'État de destination. Dans l'hypothèse où, après l'examen des données de la cause, de sérieux doutes persistent quant à l'impact de l'éloignement sur les intéressés, il appartient aux autorités françaises d'obtenir de l'État de destination, comme condition préalable à l'éloignement, des assurances individuelles et suffisantes que des traitements adéquats seront disponibles et accessibles aux intéressés afin qu'ils ne se retrouvent pas dans une situation contraire à l'article 3.
18. En l'espèce, le moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus.
19. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Mme B... soutient que l'exécution de la mesure d'éloignement entraînerait le démantèlement de la cellule familiale puisque son mari et elle sont de nationalités différentes. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ne soit pas légalement admissible au Kosovo ou que son compagnon ne soit pas légalement admissible en Albanie. Il n'est pas non plus établi que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans un de ces deux pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
20. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ".
21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, de la violation de l'article 8 et de ce que le préfet de la Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 juillet 2021 concernant M. A... :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
22. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision par laquelle le préfet de la Moselle a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, et en tout état de cause, M. A... ne peut se prévaloir d'une telle illégalité à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2021 qui le concerne.
23. En deuxième lieu, M. A... soutient résider en France depuis bientôt cinq ans, avoir tissé des liens personnels et familiaux, fait valoir que son épouse devrait se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de son état de santé et qu'il est père d'un enfant scolarisé en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les autorités en charge de l'asile ont rejeté le 27 novembre 2017 et 25 avril 2018 ses demandes de protection internationale, qu'il ne pouvait ignorer le caractère précaire de sa situation administrative et que sa compagne fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 précité en prenant la décision attaquée. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas non plus fondé à soutenir que le préfet de la Moselle a commis dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
24. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
25. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 23 ci-dessus.
En ce qui concerne le la décision fixant le pays de destination :
26. En premier lieu, il résulte de qui a été exposé des points 4 à 7 ci-dessus que Mme B... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays. Par suite, le moyen tiré par M. A... de ce que la décision fixant, en ce qui le concerne, le pays de destination ne peut qu'être écarté.
27. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit en tout état de cause être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 ci-dessus.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
28. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, de la violation de l'article 8 et de ce que le préfet de la Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle et celle de sa compagne.
29. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié, M. D... à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC00849-23NC00850