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21/02/2024 | FRANCE | N°21NC03305

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 février 2024, 21NC03305


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société CSS Station a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a prescrit de consigner une somme de 12 500 euros correspondant au montant à engager pour le respect des dispositions de l'article 1er de l'arrêté de mise en demeure du 24 juillet 2018 et, d'autre part, l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de respecter sous huit jours les pres

criptions de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 11 juillet 2017.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CSS Station a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a prescrit de consigner une somme de 12 500 euros correspondant au montant à engager pour le respect des dispositions de l'article 1er de l'arrêté de mise en demeure du 24 juillet 2018 et, d'autre part, l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de respecter sous huit jours les prescriptions de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 11 juillet 2017.

Par un jugement n°s 1902498, 1905387 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2021, la société CSS Station, représentée par Me Maamouri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a prescrit de consigner une somme de 12 500 euros correspondant au montant à engager pour le respect des dispositions de l'article 1er de l'arrêté de mise en demeure du 24 juillet 2018 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de respecter sous huit jours les prescriptions de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 11 juillet 2017 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement :

- en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la minute du jugement n'est pas revêtue de la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier.

s'agissant de la légalité de l'arrêté du 28 janvier 2019 :

- il est entaché d'incompétence ;

s'agissant de la légalité de l'arrêté du 16 mai 2019 :

- il est entaché d'incompétence ;

- en méconnaissance de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour la réalisation des obligations mises à sa charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société CSS Station ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 24 juillet 2018 par un arrêt n° 20NC00987 du 2 février 2023, emporte l'annulation par voie de conséquence de l'arrêté du 28 janvier 2019 qui en constitue une décision administrative consécutive qui n'aurait pu légalement être prise en l'absence de l'acte annulé ou qui est en l'espèce intervenue en raison de l'acte annulé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Des odeurs d'hydrocarbures ayant été détectées à l'occasion de travaux de terrassement effectués à proximité de la station-service sise au 6 rue de Woerth à Haguenau, exploitée par la société Stevauto désormais dénommée société CSS Station, les installations classées de cette dernière ont fait l'objet d'une visite d'inspection le 28 mai 2015. La société Stevauto s'est alors vu notifier deux arrêtés du préfet du Bas-Rhin. Le premier, en date du 11 juillet 2017, lui a prescrit la mise en place d'un programme d'auto-surveillance dont les résultats devaient être transmis à l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement, tandis que le bilan de cette surveillance devait être adressé au préfet. Le second, en date du 16 février 2018, lui a prescrit de réaliser un diagnostic environnemental afin de déterminer l'origine de la pollution, d'en limiter la propagation et de dépolluer le site. En l'absence d'exécution de ces décisions, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 24 juillet 2018, a mis en demeure la société CSS Station de se conformer, dans un délai de deux semaines, aux prescriptions prévues par les arrêtés du 11 juillet 2017 et 16 février 2018. Par un jugement n° 1802980 et 1806228 du 24 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les recours formés contre les arrêtés du 16 février 2018 et du 24 juillet 2018. Par un arrêt n° 20NC00987 du 2 février 2023, la cour a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 16 février 2018 pour avoir omis de statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant. Puis statuant à nouveau sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 février 2018 par la voie de l'évocation, la cour a rejeté cette demande. De surcroît, dans le même arrêt la cour a annulé l'arrêté du 24 juillet 2018 en raison d'une méconnaissance de l'article L. 514-5 du code de l'environnement.

2. A la suite d'un contrôle réalisé le 12 novembre 2018, l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement a constaté que la société Stevauto n'avait toujours pas exécuté les mesures prescrites. Dès lors, par un arrêté du 28 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin lui a ordonné de consigner la somme de 12 500 euros correspondant au montant à engager pour le respect des dispositions de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 24 juillet 2018. En outre, par un second arrêté du 16 mai 2019, le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de respecter, sous huit jours à compter de la notification de l'arrêté, les prescriptions de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 11 juillet 2017. Par un jugement n° 1902498, 1905387 du 15 octobre 2021 dont il est interjeté appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 28 janvier 2019 et du 16 mai 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit dès lors être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 janvier 2019 :

5. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

6. Il incombe au juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.

7. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêt n° 20NC00987 du 2 février 2023, la cour a annulé l'arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet du Bas Rhin a mis en demeure la société CSS Station de réaliser dans un délai de deux semaines les travaux prévus par les arrêtés des 11 juillet 2017 et 16 février 2018. Cet arrêt est devenu définitif. La décision du 28 janvier 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a prescrit à l'intéressée de consigner une somme de 12 500 euros n'aurait pas pu légalement être prise en l'absence de l'arrêté du 24 juillet 2018. Ainsi l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2018, intervenue postérieurement au jugement attaqué du 15 octobre 2021, emporte par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, la société CSS Station est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 mai 2019 :

9. En premier lieu, Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin disposait d'une délégation de signature prise par un arrêté du 8 avril 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le du Bas-Rhin le même jour pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin tous arrêtés et décisions, à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions contestées. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'ait pas été absent ou empêché à la date du 16 mai 2019. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit en tout état de cause être écarté.

10. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement ".

11. D'une part, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976, que lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si l'article L. 514-1 du code de l'environnement laisse au préfet le choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas de non-exécution de son injonction, la mise en demeure qu'il édicte n'emporte pas par elle-même une de ces sanctions. L'option ainsi ouverte en matière de sanctions n'affecte donc pas la compétence liée du préfet pour édicter la mise en demeure.

12. Toutefois, d'autre part, lorsqu'un manquement à l'application des conditions prescrites à une installation classée a été constaté, la mise en demeure prévue par les dispositions rappelées ci-dessus a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s'attachent à la fois à la protection de l'environnement et à la continuité de l'exploitation, de permettre à l'exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, en vue d'éviter une sanction pouvant aller jusqu'à la suspension du fonctionnement de l'installation. Il incombe donc à l'administration, pour donner un effet utile à ces dispositions, de prescrire dans la mise en demeure un délai en rapport avec les mesures à prendre par l'exploitant.

13. Il résulte de l'instruction que par l'arrêté du 11 juillet 2017 le préfet du Bas-Rhin a prescrit à la société CSS Station sur le fondement de l'article L. 512-20 du code de l'environnement la réalisation trimestrielle d'analyses des eaux souterraines au droit du site et de communiquer le rapport des résultats des analyses accompagné de commentaires au plus tard le 15 du mois suivant sa réception par l'exploitant à l'inspection des installations classées. Le préfet a également prescrit à l'exploitant la réalisation tous les quatre ans d'un bilan de l'autosurveillance des eaux souterraines réalisées sur la période quadriennale écoulée. Il résulte des mentions mêmes de l'arrêté du 11 juillet 2017 que, contrairement à ce que soutient la société CSS Station, la prescription relative à la réalisation d'analyses trimestrielles ne s'impose pas à compter du 1er janvier 2022 mais, à défaut de dispositions spécifiques, dès la notification de l'arrêté du 11 juillet 2017. De surcroît, si la société CSS Station soutient que le délai de mise en œuvre des mesures prescrites dans l'arrêté attaqué est insuffisant, il résulte de ce qui précède qu'elle n'avait en réalité qu'à produire une copie de documents qui auraient déjà dû se trouver en sa possession.

14. Il résulte de ce qui précède que la société CSS Station n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2019.

Sur les frais d'instance :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société CSS Station présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 janvier 2019 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société CSS Station est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société CSS Station et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03305
Date de la décision : 21/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MAAMOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-21;21nc03305 ?
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