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21/02/2024 | FRANCE | N°20NC00527

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 février 2024, 20NC00527


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 février 2020, le 15 septembre 2021, le 24 octobre 2021, le 28 novembre 2021 et le 4 décembre 2023, l'association Vents citoyens entre Saône et Salon, M. G... D..., M. A... K..., Mme L... H..., M. F... H..., M. C... E..., M. C... J..., Mme B... I..., représentés par Me Léron, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 du préfet de la Haute-Saône por

tant autorisation environnementale d'un parc éolien de la société CE Montureux sur le territoire de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 février 2020, le 15 septembre 2021, le 24 octobre 2021, le 28 novembre 2021 et le 4 décembre 2023, l'association Vents citoyens entre Saône et Salon, M. G... D..., M. A... K..., Mme L... H..., M. F... H..., M. C... E..., M. C... J..., Mme B... I..., représentés par Me Léron, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 du préfet de la Haute-Saône portant autorisation environnementale d'un parc éolien de la société CE Montureux sur le territoire de la commune de Montureux-et-Prantigny ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 du préfet de la Haute-Saône portant autorisation environnementale d'un parc éolien de la société CE Sainte Appolline sur le territoire de la commune de Vereux ;

3°) de mettre à la charge des sociétés une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir ;

- le projet d'implantation de quinze aérogénérateurs a été artificiellement scindé en trois autorisations pour des raisons financières alors qu'il n'aurait dû faire l'objet que d'une seule décision et le fait pour l'administration d'avoir permis un tel montage constitue un détournement de pouvoir ;

- l'étude d'impact est entachée d'insuffisances s'agissant de l'incidence de la construction des éoliennes sur les espèces protégées, s'agissant de l'impact visuel et sonore des éoliennes sur les habitations les plus proches, s'agissant de l'impact du projet sur la forêt ;

- l'enquête publique est entachée d'irrégularités dès lors que les habitants n'ont pas été suffisamment informés des enjeux et du déroulement de l'enquête, des capacités financières de la société, et que les documents soumis au public étaient incomplets ;

- l'impartialité des élus des conseils municipaux des communes de Montureux-et-Prantigny et de Vereux n'était pas garantie dès lors que certaines éoliennes doivent être implantées sur des terrains leur appartenant ou appartenant à des membres de leur famille et que ces élus, s'ils se sont abstenus de participer au vote approuvant le projet éolien, ont participé à tout le processus antérieur et ont pu influencer les autres élus ;

- le projet méconnaît l'exigence de conservation des sites et monuments posée par l'article L. 511-1 du code de l'environnement en portant une atteinte directe aux paysages et à l'intérêt des lieux ;

- l'avifaune est insuffisamment protégée ;

- l'autorisation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a pour effet de porter atteinte à des sites protégés, aux paysages naturels et à la conservation de perspectives monumentales alors que les indices d'occupation de l'horizon et les angles de respiration sont dépassés ;

- le projet aurait évolué s'agissant de la longueur des pâles.

Par des mémoires en défense enregistrés le 4 janvier 2021, le 22 septembre 2021, le 15 novembre 2021 et le 20 décembre 2023, la SARL CE Montureux et la SARL CE Sainte Appolline, représentées par Me Gelas, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge des requérants une somme de 2 000 euros pour chacune d'entre elle sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir des requérants et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir des requérants et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Leron, conseil des requérants et de Me Braille, conseil de la SARL CE Montureux et de la SARL CE Sainte Appolline.

Une note en délibéré, présentée par l'association Vents citoyens entre Saône et Salon et autres, a été enregistrée le 9 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 novembre 2017, les sociétés CE Montureux et CE Sainte Appolline ont déposé une demande d'autorisation unique en vue d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Montureux-et-Prantigny et Vereux. Par un arrêté du 28 octobre 2019, le préfet de la Haute-Saône a délivré l'autorisation unique d'exploiter un parc composé de quatre éoliennes et d'un poste de livraison pour la société CE Montureux. Par un second arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Saône a délivré l'autorisation unique d'exploiter un parc composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison pour la société CE Sainte Appolline. L'association Vents citoyens entre Saône et Salon, M. D..., M. K..., Mme H..., M. H..., M. E..., M. J..., et Mme I... demandent l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la légalité des arrêtes du 28 octobre 2019 :

En ce qui concerne la dissociation des demandes :

2. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l'article L. 214-3, y compris les prélèvements d'eau pour l'irrigation en faveur d'un organisme unique en application du 6° du II de l'article L. 211-3 ; 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1 (...) ". Aux termes de L. 181-7 du code de l'environnement : " Lorsqu'un pétitionnaire envisage de réaliser son projet, au sens de l'article L. 122-1, en plusieurs tranches, simultanées ou successives, il peut solliciter des autorisations environnementales distinctes pour celles des tranches qui les nécessitent. Cette possibilité est subordonnée à la double condition que le découpage envisagé n'ait pas pour effet de soustraire le projet à l'application de l'article L. 181-1 et qu'il présente une cohérence au regard des enjeux environnementaux. Les autorisations environnementales délivrées dans ce cadre sont, le cas échéant, complétées afin de prendre en compte les incidences environnementales cumulées à l'échelle du projet. ".

3. En l'espèce, les sociétés CE Montureux et CE Sainte Appolline ont déposé des demandes d'autorisation unique en vue d'exploiter chacune un parc éolien sur le territoire des communes de Montureux-et-Prantigny et Vereux. Ces demandes font partie du projet d'implantation d'un parc composé de quinze éoliennes sur les territoires de quatre communes du département de la Haute-Saône. Si les requérants soutiennent que le fait d'avoir sollicité des autorisations environnementales distinctes est dû à des motivations financières, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité des arrêtés contestés dès lors que, conformément aux dispositions de l'article L. 187-7 du code de l'environnement, le préfet a examiné les demandes au regard des dispositions des articles L. 181-1 du code de l'environnement relatif aux autorisations environnementales et L. 512-1 du même code relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement et a accordé les autorisations en tenant compte de la globalité du projet au regard des enjeux environnementaux. A cet égard, la société Quadran, société mère des sociétés CE Montureux et CE Sainte Appolline a présenté une étude d'impact unique présentant les incidences de l'implantation du parc éolien dans sa globalité.

4. Aux termes de l'article R. 516-2 du code de l'environnement : " (...) III. Dès la mise en activité de l'installation, l'exploitant transmet au préfet un document attestant la constitution des garanties financières. ". Il résulte des dispositions de l'article R. 515-101 du code de l'environnement que le montant de ces garanties est déterminé selon un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixant, en fonction de l'importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement.

5. Les requérants soutiennent que la scission du projet en trois demandes a pour effet de minimiser les garanties financières ce qui ne permettra pas à l'exploitant de faire face à ses obligations en cas de cessation de l'exploitation ou de démantèlement. En l'espèce le préfet de la Haute-Saône a prévu et calculé le montant des garanties financières applicables aux sociétés Montureux et Sainte Appolline selon les modalités prévues par le code de l'environnement et a précisé que ces garanties doivent être fournies avant le démarrage des travaux. Par suite, en calculant des garanties financières propres à chaque autorisation environnementale, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

6. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement; (...) 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; 9°Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; (...) ".

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant du volet avifaunistique :

8. En l'espèce, l'étude d'impact du mois d'octobre 2017, doublée d'une expertise écologique, recense les espèces aviaires et mammifères présentes sur le site d'implantation et analyse les risques propres à chaque espèce pour l'ensemble des phases du projet. Cette étude a été complétée, à la demande de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, et de la direction des territoires par un inventaire de la faune en mai 2018. L'enquête publique a eu lieu du 27 mai au 29 juin 2019. La direction des territoires a émis un avis négatif le 12 juillet 2019, au motif que la société pétitionnaire n'analyse pas les risques concernant certaines espèces et ne présente pas d'arguments permettant d'aller à l'encontre des effets dommageables du projet. Toutefois, l'inspection des installations classées a, le 2 octobre 2019, estimé que les compléments apportés par l'exploitant étaient suffisants et que les données seraient réévaluées lors du fonctionnement du parc. En tout état de cause, l'avis émis par la direction départementale des territoires qui vise à mieux apprécier la réalité d'un risque pour l'avifaune par la collecte de données spécifiques, ne révèle pas pour autant une insuffisance des études menées par la pétitionnaire. Au regard de l'ensemble des données fournies par la société pétitionnaire, le public doit être regardé comme ayant bénéficié d'une information suffisante sur ce point.

S'agissant du volet acoustique :

9. Il résulte des dossiers de demande que, si le choix d'éolienne n'était pas déterminé au moment du dépôt de la demande d'autorisation environnementale, les sociétés pétitionnaires ont établi une étude d'impact en présentant des analyses retenant le gabarit d'éolienne le plus impactant. En ce sens, l'étude acoustique procède à une estimation de l'impact sonore du parc en retenant l'hypothèse de l'installation d'éoliennes du modèle Gamesa G126 IIIA/2,5MW. L'étude d'impact recense les emplacements des appareils de mesure, les mesures acoustiques en fonction de l'orientation et de la vitesse du vent et détaille les mesures relevées dont des dépassements de seuil en fin de journée et la nuit. Si les requérants soutiennent que les éléments retenus lors de l'enquête publique sont insuffisants dès lors que le choix des aérogénérateurs à implanter n'était pas définitif, une telle circonstance n'est pas de nature à induire en erreur le public ni à exercer une influence sur le sens des arrêtés contestés dès lors que les décisions d'autorisation environnementale imposent au porteur de projet d'exploiter des installations conformes aux données techniques indiquées dans les dossiers de demande.

S'agissant de l'étude patrimoniale :

10. L'étude d'impact réalisée par les sociétés pétitionnaires rappelle que les quatre communes concernées par le projet d'implantation du parc éolien sont identifiées comme favorables à l'éolien dans le schéma régional éolien sans secteur d'exclusion. Cette étude a été complétée par une étude paysagère et patrimoniale en avril 2018 et janvier 2019. L'ensemble de ces documents recense le niveau de sensibilité de l'unité paysagère, la sensibilité des éléments protégés et analyse les impacts du projet sur chacun de ces éléments. Le seul avis négatif de la direction régionale des affaires culturelle, rendu préalablement à l'enquête publique, dont se prévalent les requérants ne suffit pas à considérer que l'étude d'impact serait insuffisante.

S'agissant de la forêt :

11. L'étude d'impact précise que onze éoliennes doivent être implantées en milieu forestier induisant un défrichement de 3,5 ha, les surfaces à défricher étant mentionnées pour chaque parcelle concernée. Par ailleurs l'étude d'impact distingue le défrichement et le déboisement selon la perte ou non de la vocation forestière des zones concernées. En conséquence, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'étude d'impact est suffisamment précise concernant l'impact du projet éolien sur l'activité sylvicole.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne l'enquête publique :

13. Aux termes du I de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. / Cet avis précise : / -l'objet de l'enquête ; / -la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête et des autorités compétentes pour statuer ; / -le nom et les qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d'enquête ; / -la date d'ouverture de l'enquête, sa durée et ses modalités ; / -l'adresse du ou des sites internet sur lequel le dossier d'enquête peut être consulté ; / -le (ou les) lieu (x) ainsi que les horaires où le dossier de l'enquête peut être consulté sur support papier et le registre d'enquête accessible au public ; / -le ou les points et les horaires d'accès où le dossier de l'enquête publique peut être consulté sur un poste informatique ; / -la ou les adresses auxquelles le public peut transmettre ses observations et propositions pendant le délai de l'enquête. S'il existe un registre dématérialisé, cet avis précise l'adresse du site internet à laquelle il est accessible. / L'avis indique en outre l'existence d'un rapport sur les incidences environnementales, d'une étude d'impact ou, à défaut, d'un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l'objet de l'enquête, et l'adresse du site internet ainsi que du ou des lieux où ces documents peuvent être consultés s'ils diffèrent de l'adresse et des lieux où le dossier peut être consulté. Il fait état, lorsqu'ils ont été émis, de l'existence de l'avis de l'autorité environnementale mentionné au V de l'article L. 122-1 et à l'article L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme, et des avis des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au V de l'article L. 122-1 du présent code, ainsi que du lieu ou des lieux où ils peuvent être consultés et de l'adresse des sites internet où ils peuvent être consultés si elle diffère de celle mentionnée ci-dessus. ".

14. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et d'assurer la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par ces dispositions du code de l'environnement, la méconnaissance de ces dispositions n'est, toutefois, de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

15. Il résulte du rapport d'enquête publique du 24 juillet 2019 qu'une concertation préalable a été menée avec les élus locaux et la population dès l'année 2015. Lors de cette phase de concertation, deux réunions d'information se sont tenues au cours du premier semestre 2016, une lettre d'information a été diffusée en mai 2017 puis des permanences ont été tenues dans les quatre communes concernées en mai 2017. Lors de l'enquête publique, la commission d'enquête a tenu cinq permanences de trois heures dans les locaux des quatre mairies concernées par le projet d'implantation. Ces permanences ont eu lieu à des jours différents dont des samedis matin, le dossier d'enquête a été mis à disposition du public dans l'ensemble des mairies et des observations pouvaient être adressées par voie postale ou électronique permettant ainsi une bonne information de l'ensemble des personnes concernées par l'opération. Le rapport de la commission d'enquête relève que quarante-et-une observations ont été déposées de nature à révéler une participation du public en rapport avec la population des communes concernées par le projet.

16. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : (...) / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme. (...) ".

17. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les relevés de vitesse du vent ne font pas partie des pièces devant figurer dans le dossier d'enquête publique alors qu'au demeurant, les effets cumulés des implantations ainsi que les mesures de compensation ont été étudiés par la commission d'enquête.

18. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique doit être écarté.

En ce qui concerne les avis :

19. Aux termes de l'article R. 181-38 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Dès le début de la phase d'enquête publique, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture de l'enquête publique ".

20. La commune de Montureux-et-Prantigny a rendu un avis favorable au projet par un délibération du 12 juillet 2019 et la commune de Vereux ne s'est pas exprimée. Il n'est pas contesté que les maires et des adjoints sont directement concernés, et intéressés, par l'implantation de certaines éoliennes sur des terrains leur appartenant. Toutefois, les élus concernés n'ont pas pris part au vote de la délibération du 12 juillet 2019. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance aurait privé les communes, les élus ou les administrés d'une garantie alors qu'une enquête publique a été réalisée concomitamment à la consultation des communes, ni qu'elle aurait eu une influence sur le sens des décisions contestées.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

21. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Et aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L.211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Enfin, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

S'agissant de l'atteinte à la protection des paysages et à l'intérêt des sites :

22. Il résulte de l'instruction que le schéma régional éolien du Franche-Comté identifie le Val de Saône dans les sites emblématiques du département, le secteur comportant soixante-et-onze monuments historiques. A cet égard, le projet de parc éolien aurait un impact visuel sur trois sites à très forts enjeux patrimoniaux et touristiques : Ray-sur-Saône, Gray et Champlitte. Toutefois, ces sites sont tous éloignés du projet et alors même que les éoliennes seront visibles depuis les deux sites remarquables situés à 11 et 15 kilomètres, ces seules co-visibilités ne caractérisent pas un impact notable ou excessif porté à ces monuments.

S'agissant du cadre de vie :

23. Les requérants soutiennent que le cadre de vie des habitants de Montureux-et-Prantigny et de Vereux va être impacté dès lors que le rapport d'échelle n'est pas respecté et alors qu'il s'agit du projet d'implantation le plus important du département concernant des éoliennes hautes de 192 mètres. Toutefois, ces allégations ne sont pas assorties des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée alors que les éoliennes seront distantes de plus de 1 000 mètres des lieux d'habitation les plus proches et que l'étude d'impact a tenu compte du cadre de vie quotidien pour adapter le projet initial en réduisant le nombre d'aérogénérateurs, en bridant les machines en fin de journée et la nuit, en modifiant certaines zones d'implantation.

24. Si dans leur dernier mémoire, les requérants font état de la circonstance de ce que les sociétés pétitionnaires auraient soumis à l'administration des évolutions à leur projet notamment en ce qui concerne la longueur des pales qui seraient augmentée de 20 mètres, ni les sociétés, ni le préfet de la Haute-Saône n'ont informé la cour, saisie du litige en sa qualité de juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, des modifications qui auraient été apportées au projet. Dans ces conditions, les sociétés CE Montureux et CE Sainte Appolline ne pourront que se conformer aux prescriptions techniques mentionnées à l'article 2.1 de l'arrêté préfectoral du 28 octobre 2019 relatives à une hauteur des éoliennes en bout de pale de 192 mètres.

S'agissant de l'impact visuel :

25. Les sociétés pétitionnaires ont fait réaliser une étude des effets d'encerclement depuis les secteurs ressortant de l'analyse des cartes de saturation visuelle et notamment des zones sensibles aux risques d'encerclement. Les points de relief les plus hauts et à proximité de lieux habités à Oyrières et Achey ont été étudiés. L'étude d'encerclement depuis Oyrières fait ressortir un espace de respiration paysagère d'environ 120 ° à l'ouest et depuis Achey, cet espace de respiration est de 187° vers le nord et l'est. Cet effet de saturation n'est pas plus important en tenant compte de l'ensemble des parcs installés ou autorisés. Si dans leur dernier mémoire, les requérants ont versé un nouveau document faisant état de ce que les indices d'occupation de l'horizon et les angles de respiration sont dépassés dans le village de Vereux, il résulte de l'instruction, et notamment des données publiques de la carte généraliste des parcs éoliens en Bourgogne-Franche-Comté, accessible sur le site internet de la DREAL que cette étude prend en compte des projets d'implantation d'éoliennes qui ont été refusés à la date de lecture du présent arrêt. Dans cette mesure cette étude n'est pas de nature à remettre en cause l'analyse des effets de saturation et d'encerclement réalisée dans le volet paysager et patrimonial du dossier.

S'agissant de la protection de l'avifaune et des chiroptères :

26. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le seul fait qu'un parc éolien soit situé à proximité d'une zone Natura 2000 ne suffit pas à considérer qu'il est incompatible avec les objectifs de protection de l'environnement. En l'espèce, l'expertise écologique réalisée en octobre 2017 analyse l'impact du projet sur les zones Natura 2000 en répertoriant les sites Natura 2000 situés à proximité, en rappelant les espèces et habitats ayant motivé la désignation des sites, et en étudiant l'impact du projet sur les espèces communes entre la zone d'étude et les sites Natura 2000. Il résulte de l'instruction que le projet n'a pas d'incidence notable sur les populations aviennes des sites Natura 2000 proches ni sur l'état de conservation des populations de chiroptères des sites Natura 2000 proches.

27. Ensuite, l'expertise écologique, complétée par un inventaire de l'avifaune réalisé en mai 2018 répertorie l'ensemble des espèces présentes sur le site d'implantation et analysent les impacts du projet pour chacune de ces espèces. Il est notamment constaté que le projet n'aura pas d'impact sur la présence du milan royal et celle de la grue cendrée ni sur le Grand murin et le minioptère de Schreibers dont les présences sont faibles sur la zone d'étude. L'étude très générale de la ligue de protection des oiseaux dont se prévalent les requérants ne suffit pas à remettre en cause ces constats.

S'agissant des mesures d'évitement :

28. Il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a, pour préserver les faunes, prévu l'éloignement des éoliennes de la vallée de la Saône, l'absence d'installation d'éolienne au sein de la coupe forestière ayant hébergé la tentative de nidification du couple de Busard Saint Martin, l'absence d'implantation d'éolienne à moins de 70 mètres des lisières et corridors éventuels et la préservation des couloirs de migration afin qu'aucun des axes ne déplacement ne soit coupé par une ligne d'éolienne. Si les requérants soutiennent que ces mesures sont imprécises et remettent en cause l'efficacité du système d'évitement des collisions, ils n'apportent pas de précisions suffisantes à l'appui de leur moyen alors que les effets du projet sur l'avifaune ont été regardés comme faibles.

29. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 111-27 du code de l'urbanisme :

30. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

31. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.

32. Pour les motifs déjà exposés aux points précédents du présent arrêt, le site dans lequel est projetée la construction ne peut être regardé comme présentant un caractère remarquable ou comme étant d'une qualité particulière et l'impact du projet n'est pas de nature à porter atteinte à ce site. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-27 du code de l'urbanisme doit être écarté.

33. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'association Vents citoyens entre Saône et Salon et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet de Haute-Saône du 28 octobre 2019.

Sur les frais d'instance :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Montureux et Sainte Appolline qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par l'association Vents citoyens entre Saône et Salon, M. D..., M. K..., Mme H..., M. H..., M. E..., M. J..., et Mme I... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes demandées par les sociétés Montureux et Sainte Appolline au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Vents citoyens entre Saône et Salon, M. D..., M. K..., Mme H..., M. H..., M. E..., M. J..., et Mme I... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par les SARL CE Montureux et SARL CE Sainte Appollline sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vents citoyens entre Saône et Salon représentant unique des autres requérants, à la SARL CE Montureux, à la SARL CE Sainte Appolline et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2024.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : L. GuidiLe président-rapporteur,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC00527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00527
Date de la décision : 21/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LPA-CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-21;20nc00527 ?
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