Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200702 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Coudert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant arménien, né en 1978, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 22 mars 2014. En raison de son état de santé, l'intéressé a été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour de six mois, qui a été renouvelée une fois, puis d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, pour la période du 29 mai 2017, qui a été renouvelé en dernier lieu jusqu'au 28 mai 2021. Par un arrêté du 20 décembre 2021, le préfet de la Marne a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... fait appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. M. A..., qui souffre notamment d'une dystrophie osseuse d'origine rénale associée à la maladie de Paget dans un contexte d'insuffisance rénale pour laquelle il a bénéficié d'une transplantation, fait valoir que les structures en Arménie sont insuffisantes pour assurer sa prise en charge. Toutefois, dans son avis du 3 novembre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Arménie. Les certificats médicaux produits par l'intéressé, notamment celui du 29 décembre 2021, se bornent à mentionner l'apparition de douleurs au niveau du bassin en lien avec sa symptomatologie nécessitant des investigations complémentaires. Ces pièces ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur l'accessibilité effective à un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Le document médical du centre hospitalier universitaire de Reims, non daté, qui mentionne que l'intéressé doit suivre à vie un traitement anti-rejet qui ne serait pas accessible en Arménie et qui ne répondrait pas aux recommandations de la Haute autorité de santé n'est pas davantage suffisant pour établir l'inaccessibilité d'un traitement effectif dans ce pays, quand bien même le système de soins n'y serait pas de la même qualité qu'en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".
6. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... réside en France depuis neuf ans et qu'il s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées et orienter vers un établissement et service d'aide par le travail, il n'établit pas avoir tissé, sur le territoire français, des liens avec d'autres personnes que sa mère et sa compagne, qui n'ont pas vocation, compte tenu de l'irrégularité de leur situation, à demeurer en France. Par ailleurs, l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance qui s'opposerait à la reconstitution de sa cellule familiale en Arménie avec sa compagne, de même nationalité que lui, et avec laquelle au demeurant il n'établit ni la réalité, ni l'ancienneté d'une communauté de vie. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet de la Marne ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressé doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUX
Le président,
Signé : C. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01244 2