Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2201653 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023 et un mémoire enregistré le 3 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Issa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif a substitué d'office un motif sans le soumettre aux débats ;
- son activité professionnelle est réelle, elle lui permet de dégager un revenu suffisant pour subsister ; si l'activité exercée est différente de celle déclarée, c'est à cause de l'épidémie de covid qui ne lui a pas permis de réaliser son activité dans le domaine informatique compte tenu du renchérissement des pièces provenant de Chine ;
- le caractère suffisant des ressources provenant de l'activité professionnelle ne constitue pas une condition prévue par l'accord franco-algérien pour le renouvellement du certificat de résidence commerçant de sorte que le refus est entaché d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les observations de Me Issa assistant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 31 août 1990, est entré régulièrement en France le 4 septembre 2017 sous couvert d'un visa Schengen de type D portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 11 novembre 2017. L'intéressé a ensuite bénéficié d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelée jusqu'en juillet 2020 lors de l'obtention de son master " produits et services multimédia ". Le 21 août 2020, M. A... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", dans le cadre d'un changement de statut, faisant valoir la création de son entreprise d'informatique le 9 juillet 2020. Le préfet a fait droit à sa demande par la délivrance d'un certificat de résidence valable jusqu'au 2 décembre 2021. Le 5 janvier 2022, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 1er août 2022, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'afin de refuser à M. A... le renouvellement de son certificat de résidence en qualité de commerçant, le préfet du Doubs s'est fondé sur le caractère insuffisant des ressources que l'intéressé retirait de son activité professionnelle. Devant le tribunal administratif et dans son mémoire en défense du 18 octobre 2022, le préfet du Doubs a également entendu se fonder sur le motif que l'activité commerciale déclarée par l'intéressée était dépourvue de réalité et d'effectivité. Ce mémoire en défense ayant été régulièrement communiqué à M. A..., qui a produit un mémoire en réplique, le tribunal administratif de Besançon n'a commis aucune irrégularité en acceptant de substituer ce nouveau motif à celui initialement retenu par l'administration. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". D'autre part, aux termes du c) de l'article 7 de cet accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".
5. Il résulte de ces stipulations que si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que soient appliqués aux ressortissants algériens les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, de l'activité professionnelle envisagée. En revanche, cette circonstance fait obstacle à ce que la condition de la viabilité économique, celle des moyens d'existence suffisants, et celle de l'adéquation des compétences, qui ne sont pas prévues pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " et qui ne relèvent pas de textes de portée générale relatifs à l'exercice par toute personne d'une activité professionnelle, leur soient opposées à l'occasion d'une première demande de délivrance d'un tel certificat. L'autorité administrative, saisie par un ressortissant algérien d'une demande de renouvellement d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, peut cependant, dans tous les cas, vérifier le caractère effectif de l'activité commerciale du demandeur et, dans le cas où ce caractère n'apparaît pas établi, refuser de l'admettre au séjour.
6. Il ressort des pièces du dossier que, si le chiffre d'affaires réalisé par le requérant en 2021 s'élevait à 10 335 euros, ces résultats trouvent leur origine dans une activité de livraison de repas à vélo, différente de celle de l'entreprise qu'il a créée et qui consistait dans le négoce de produits informatiques et la fourniture de prestations de services informatiques. La circonstance que l'année 2021 a été marquée par l'épidémie de covid ne saurait expliquer l'absence de démarrage de l'activité déclarée dès lors que cette période a été marquée au contraire par une forte augmentation de la demande de services informatiques. Si l'intéressé justifie avoir facturé au cours du premier semestre de l'année 2022 pour 4 876 euros de prestations de services informatiques, un tel chiffre d'affaires, réalisé auprès de quatre clients, ne saurait suffire à établir le caractère réel et effectif de son activité en dépit des efforts réalisés pour en obtenir d'autres. Le préfet du Doubs est par suite fondé à demander que le motif tiré de ce que l'activité commerciale de M. A... ne présentait pas, à la date de la décision attaquée, un caractère effectif soit substitué à celui qu'il avait initialement retenu afin de refuser à l'intéressé le renouvellement de son certificat de résidence.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Issa et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC00194 2