La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2024 | FRANCE | N°21NC02663

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 février 2024, 21NC02663


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Foncière du Bassin Potassique a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014.



Par un jugement n°1802279 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a intégralement fait droit à ce

tte demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 octobre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Foncière du Bassin Potassique a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n°1802279 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a intégralement fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 octobre 2021 et un mémoire enregistré le 21 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rétablir les impositions et majorations litigieuses à la charge de l'EURL Foncière du bassin potassique.

Il soutient que :

- à compter du 3 avril 2014 l'EURL Foncière du Bassin Potassique devait à la société Krannich Solar Projet une somme de 915 542,30 euros TTC tandis que cette dernière devait à l'EURL la somme de 812 688,41 euros TTC ; ces deux créances se ont compensées de plein droit de sorte que l'EURL Foncière du Bassin Potassique doit être regardée comme ayant encaissé la somme de 812 688,41 euros, rendant exigible la taxe sur la valeur ajoutée conformément au c du 2 de l'article 269 du code général des impôts à hauteur de 135 448 euros ; c'est donc à tort que le jugement attaqué a estimé que la compensation aurait dû être invoquée expressément par l'un des débiteurs ;

- les moyens invoqués par l'EURL Foncière du Bassin Potassique ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2021, l'EURL Foncière du Bassin Potassique demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière en ce que la décision de rejet de sa réclamation a été prise par une autorité incompétente ;

- c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle avait encaissé au mois d'avril 2014 des avances de la part des parcs solaires de Pulversheim et de Staffelfelden, rendant exigible la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que, contrairement à ce qu'a estimé le jugement attaqué, la cession par la société Krannich Solar Projet aux parcs solaires des créances qu'elle détenait sur elle ne saurait valoir paiement des avances ;

- c'est à tort que l'administration a estimé qu'une compensation était intervenue entre les créances de la société Solar Krannich Projet et ses dettes à l'égard de cette dernière alors que la compensation doit être invoquée par les débiteurs pour qu'elle puisse s'opérer en vertu de l'article 1290 du code civil, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce et il n'appartient pas à l'administration d'opérer une telle compensation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Foncière du Bassin Potassique a pour activité la location de terrains et immeubles à usage professionnel dont les loyers sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2012 au 31 mai 2015 à l'issue de laquelle l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 2 novembre 2015, notifiée dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'a informée qu'elle envisageait des rectifications notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Ces rectifications ont été confirmées le 1er février 2016 en réponse aux observations de la société et les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement au cours de l'année 2017 après avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 23 mars 2017. La réclamation préalable de la société a été rejetée le 6 février 2018. Le ministre chargé des comptes publics relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a intégralement fait droit à la demande de l'EURL Foncière du Bassin Potassique tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 à hauteur de 42 243 euros.

Sur le motif retenu par le jugement attaqué pour prononcer la décharge de l'imposition :

2. Il ressort de la proposition de rectification du 2 novembre 2015 que le service a reconstitué la taxe sur la valeur ajoutée collectée par l'EURL Foncière du Bassin Potassique à partir des loyers encaissés et d'une opération de cession d'immobilisation. Le service a ainsi considéré que la taxe sur la valeur ajoutée collectée au cours de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 s'élevait à 169 469,89 euros alors que la taxe collectée déclarée par la société sur ses déclarations de chiffre d'affaires s'était élevée à 127 227 euros et a en conséquence effectué un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 42 243 euros, égal à la différence entre ces deux sommes.

3. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) II. - 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. (...)/ IV. - 1° (...) les travaux immobiliers (...) sont considérés comme des prestations de services ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit :/ a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) / 2. La taxe est exigible :/ a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ".

4. Aux termes de l'article 1289 du code civil, alors en vigueur : " Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés ". Aux termes de l'article 1290 du même code, alors en vigueur : " La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ".

5. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que l'EURL Foncière du bassin potassique a comptabilisé le 3 avril 2014 au débit du compte 411 " clients " deux créances détenues sur la société Krannich Solar Projet correspondant à une facture 15A du 3 avril 2014 de cession d'immobilisations et une facture 15 B du 3 avril 2014 d'honoraires d'assistance à maîtrise d'ouvrage et qui s'élevaient au total de 812 688,41 euros toutes taxes comprises. Il résulte également de l'instruction que l'EURL Foncière du Bassin Potassique était elle-même débitrice de la société Krannich Solar Projet d'une somme de 915 542,30 euros constituant le solde créditeur du compte 467 " autres comptes débiteurs ou créditeurs ". L'administration fiscale, après avoir constaté que la taxe sur la valeur ajoutée collectée de 107 562,70 euros, correspondant à la facture 15A de livraison de biens meubles avait été portée sur la déclaration de chiffre d'affaires du mois de décembre 2014, a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée collectée afférente à la facture 15B du 3 avril 2014, s'élevant à 28 000 euros, devait être regardée comme ayant été encaissée à cette date par compensation avec la dette de la société envers la société Krannich Solar Projet. Sur la foi de ces éléments, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, qu'était intervenu au 3 avril 2014 le fait générateur ainsi que le paiement des prestations d'honoraires d'assistance à maîtrise d'ouvrage fournis par l'EURL Foncière du Bassin Potassique à la société Krannich Solar Projet par compensation de plein droit avec les sommes qu'elle devait à cette dernière, rendant exigible la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, c'est à juste titre que l'administration fiscale a considéré que la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces deux factures, s'élevant au total à 135 562 euros devait être retenue dans la taxe sur la valeur ajoutée collectée par l'EURL Foncière du Bassin Potassique au cours de l'année 2014. Il résulte des dispositions ci-dessus reproduites du code civil et du code général des impôts, alors applicables, que l'administration est en droit de constater que le paiement d'une facture est intervenu de plein droit par compensation avec une dette du redevable envers son client. Par suite, le ministre chargé des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, afin de prononcer la décharge des impositions litigieuses, le tribunal administratif de Strasbourg, lequel au demeurant a déchargé la taxe que la société avait pourtant correctement déclarée au mois de décembre 2014, s'est fondé sur le motif tiré de ce que les sociétés Foncière du Bassin Potassique et Krannich Solar Projet n'avaient pas elles-mêmes invoqué le bénéfice de la compensation.

6. Toutefois, il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par l'EURL Foncière du Bassin Potassique en appel et à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens de la demande :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

7. Les vices susceptibles d'entacher la décision de l'administration rejetant la réclamation d'un contribuable sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé de l'imposition contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de rejet du 6 février 2018 aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

8. Il résulte de l'instruction que la société Foncière du Bassin Potassique a conclu, le 3 avril 2014, avec la société Parc Solaire de Pulversheim un bail emphytéotique d'une durée de dix-neuf années et demi moyennant une redevance annuelle de 1 873,38 euros toutes taxes comprises (TTC) portant sur des terrains nus. Par cet acte, la société Parc Solaire de Pulversheim s'est également obligée à verser au bailleur une avance sur les redevances de 36 530,80 euros TTC. L'EURL Foncière du Bassin Potassique a comptabilisé la créance correspondant à cette avance au débit du compte client du preneur par le crédit d'un compte Produits constatés d'avance et du compte taxe sur la valeur ajoutée collectée. Le 3 avril 2014, par un acte annexé au bail emphytéotique, la société Kranich Solar Projet a cédé à la société Parc Solaire de Pulversheim une créance de 36 530,80 euros qu'elle détenait sur l'EURL Foncière du Bassin Potassique qui l'a accepté. Cette dernière a alors comptabilisé cette somme de 36 530,80 euros par le débit compte client Krannich Solar Projet par le crédit du compte client Parc Solaire de Pulversheim. En application des dispositions ci-dessus reproduites aux points 3 et 4, sur la foi de ces actes et de ces écritures comptables, c'est à juste titre que l'administration a considéré que le paiement de l'avance de 36 530,80 euros était intervenu par compensation avec la dette que l'EURL Foncière du Bassin Potassique devait à la société Parc Solaire de Pulversheim à la suite de la cession de créance du 3 avril 2014. Par suite, l'administration rapporte la preuve, qui lui incombe, que l'encaissement de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur l'avance sur redevance était intervenu le 3 avril 2014 et à inclure cette taxe dans la taxe sur la valeur ajoutée collectée de l'année 2014.

9. Il résulte de l'instruction que la société Foncière du Bassin Potassique a conclu, le 3 avril 2014, avec la société Parc Solaire de Staffelfelden un bail emphytéotique d'une durée de dix-neuf années et demi moyennant une redevance annuelle de 3 746,75 euros toutes taxes comprises (TTC) portant sur des immeubles à usage de production d'électricité. Par cet acte, la société Parc Solaire de Staffelfelden s'est également obligée à verser au bailleur une avance sur les redevances de 73 061,59 euros TTC. L'EURL Foncière du Bassin Potassique a comptabilisé la créance correspondant à cette avance au débit du compte client du preneur par le crédit d'un compte Produits constatés d'avance et du compte taxe sur la valeur ajoutée collectée. Le 3 avril 2014, par un acte annexé au bail emphytéotique, la société Kranich Solar Projet a cédé à la société Parc Solaire de Staffelfelden une créance de 73 061,59 euros qu'elle détenait sur l'EURL Foncière du Bassin Potassique qui l'a acceptée. Cette dernière a alors comptabilisé cette somme de 73 061,59 euros par le débit compte client Krannich Solar Projet par le crédit du compte client Parc Solaire de Staffelfelden. En application des dispositions ci-dessus reproduites aux points 3 et 4, sur la foi de ces actes et de ces écritures comptables, c'est à juste titre que l'administration a considéré que le paiement de l'avance de 73 061,59 euros était intervenu par compensation avec la dette que l'EURL Foncière du Bassin Potassique devait à la société Parc Solaire de Pulversheim à la suite de la cession de créance du 3 avril 2014. Par suite, l'administration rapporte la preuve, qui lui incombe, que l'encaissement de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur l'avance sur redevance était intervenu le 3 avril 2014 et à inclure cette taxe dans la taxe sur la valeur ajoutée collectée de l'année 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des impositions et pénalités en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à l'EURL Foncière du Bassin Potassique la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1802279 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 juin 2021 est annulé.

Article 2 : La somme de 42 243 euros de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les majorations correspondantes sont remises à la charge de l'EURL Foncière du Bassin Potassique.

Article 3 : Les conclusions de l'EURL Foncière du Bassin Potassique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Foncière du Bassin Potassique et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 21NC02663

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02663
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ARBOIX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;21nc02663 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award