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06/02/2024 | FRANCE | N°23NC01885

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 23NC01885


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 février 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2300471 du 23 mai 2023, le tribunal admin

istratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 février 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300471 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 13 juin et 3 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le même délai et les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros hors taxes à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et entaché leur décision d'erreur d'appréciation en considérant qu'il ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait, dès lors qu'il disposait d'un droit au travail lui permettant d'exercer son emploi de façadier ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

- ces décisions sont illégales compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, le préfet de la Haute-Saône conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que l'injonction soit limitée au réexamen de la situation de M. A... et la prise en charge des frais de l'instance à la somme de 300 euros.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance n° 23NC01886 du 11 juillet 2023, le premier vice-président de la cour a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, prononcé la suspension de l'arrêté du 27 février 2023.

Par une lettre du 12 janvier 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les premiers juges ont, pour rejeter la demande présentée par M. A..., procédé d'office à une substitution de motif qui n'était pas invoquée par le préfet de la Haute-Saône, le motif substitué n'étant pas d'ordre public.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 2002, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 18 janvier 2019 selon ses déclarations, à l'âge de 17 ans, et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Haute-Saône. Le 16 septembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15, devenu article L. 435-3, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a fait l'objet d'arrêtés du 8 octobre 2020 puis du 3 décembre 2020, assortis d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 27 février 2023, le préfet de la Haute-Saône a, de nouveau, refusé de faire droit à la demande présentée par M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Haute-Saône ne pouvait pas, pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retenir que ses actes d'état civil n'établissaient pas son identité et son âge. Ils ont ensuite considéré qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision de refus de séjour à son encontre s'il s'était fondé uniquement sur l'absence d'isolement familial dans son pays d'origine. Toutefois, ils ont rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour au motif que cette décision faisait suite à une nouvelle demande que l'intéressé aurait formée le 6 août 2022, date à laquelle il ne rentrait plus dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 435-3. En substituant d'office aux motifs dont ils avaient dit qu'ils ne permettaient pas de fonder la décision en litige ce dernier motif, qui n'est pas d'ordre public, et alors que cette substitution n'était pas sollicitée par le préfet de la Haute-Saône, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une irrégularité.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 27 février 2023.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. En premier lieu, l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article L. 811-2 du même code dispose que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. Les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. En outre, la légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France, imposée sur le fondement de l'article 23 du titre IX du livre Ier de l'ordonnance de la marine d'août 1681, jusqu'à ce que ce texte soit abrogé par le II de l'article 7 de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, est demeurée, sur le fondement de la coutume internationale, reconnue par une jurisprudence établie du juge judiciaire, jusqu'à l'intervention des dispositions du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, aux termes desquels : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu / Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ". Les dispositions des 1er et 3ème alinéas du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont été déclarées contraires à la Constitution, au motif qu'elles ne prévoient pas de voie de recours en cas de refus de légalisation d'actes d'état civil, par la décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022 du Conseil constitutionnel, qui a toutefois reporté au 31 décembre 2022 la date de leur abrogation.

8. Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ". Par une décision n° 48296, 448305, 454144, 455519 du 7 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ce décret en reportant la date et l'effet de cette annulation au 31 décembre 2022. Il en résulte que ces dispositions, qui se sont substituées à compter de leur entrée en vigueur comme fondement de l'exigence de légalisation à la coutume internationale, demeurent applicables jusqu'à cette date.

9. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.

10. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

11. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du 6 août 2019 ainsi qu'un extrait du registre de l'état civil du 20 août 2019 portant transcription du jugement supplétif. Dans la décision en litige, le préfet de la Haute-Saône s'est prévalu du rapport d'examen technique documentaire établi le 23 octobre 2019 par un analyste de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Pontarlier qui concluait au caractère irrecevable des documents au titre de l'article 47 du code civil, et en a déduit que la demande de titre de séjour était frauduleuse. Toutefois, d'une part, les éléments relevés par ce rapport, qu'il s'agisse de l'absence de double légalisation, de l'absence de sécurité documentaire du papier utilisé et de l'impression ainsi que de la qualité moyenne des cachets humides, ne sont pas de nature à établir le caractère falsifié des documents d'état civil produits en 2019 par M. A..., pas plus que l'absence de certaines mentions prévues par l'article 196 du code civil guinéen, qui ne s'applique pas aux jugements supplétifs et à leur transcription ou encore le fait que le jugement a été rendu le jour même de la requête. D'autre part, si le préfet de la Haute-Saône se prévaut d'un rapport d'analyse du 30 juin 2022 concluant au caractère frauduleux d'un autre jugement supplétif rendu le 29 mars 2022 pour tenir lieu d'acte de naissance à M. A... et de sa transcription le 12 avril 2022 dans le registre d'état civil, la circonstance que cette deuxième série d'actes d'état civil produits par l'intéressé ne serait pas authentique, compte tenu des irrégularités relevées, en particulier quant à l'identité de la personne ayant pratiqué la légalisation et au caractère contrefait des cachets humides, n'est pas de nature à remettre en cause la validité des premiers documents présentés. Enfin, il est constant que M. A... s'est vu délivrer, en juillet 2022, un passeport biométrique guinéen dont l'analyse réalisée en septembre 2022 indique qu'il s'agit d'un livret authentique. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment quant à l'absence de renversement par le préfet de la présomption de validité de la première série de documents présentés par le requérant, il ne peut pas être conclu à l'obtention de ce passeport de manière indue. Dans ces conditions, c'est à tort que le préfet de la Haute-Saône a estimé que M. A... ne justifiait pas de son état civil, ni, par suite, avoir été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance avant ses 18 ans.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en février 2019, M. A... a, à l'issue de ses deux années de formation en apprentissage, obtenu son certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de " peintre applicateur de revêtements " en juillet 2021 et a été engagé en contrat à durée indéterminée en qualité de façadier dès le 1er septembre 2021 par l'entreprise auprès de laquelle il avait effectué son apprentissage. Le préfet de la Haute-Saône a reconnu, dans la décision en litige, qu'il ressortait de l'avis de sa structure d'accueil que l'intéressé avait fait montre d'une bonne insertion, entretenant de bonnes relations tant avec les adultes qu'avec les autres jeunes. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'indique la décision en litige, M. A... avait produit un jugement supplétif du 27 mai 2021 tenant lieu d'acte de décès de sa mère, décédée le jour de sa naissance, ainsi que l'extrait du registre d'état civil le transposant, dont l'analyse par la cellule de lutte contre la fraude documentaire interdépartementale de Pontarlier le 30 juin 2022 se limite à constater qu'ils sont dépourvus de légalisation. A supposer qu'il ne soit pas dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que M. A... a justifié, en tant que mineur isolé à son arrivée sur le territoire et après quatre années de présence en France, d'un parcours d'intégration professionnelle réussie, les récépissés de titre de séjour dont il a toujours bénéficié lui ayant permis de signer un deuxième contrat à durée indéterminée à temps complet le 1er mars 2023 auprès d'une autre entreprise du bâtiment, dont le président attestait qu'il donnait entière satisfaction. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

13. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... dans sa demande, celui-ci est fondé à demander l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 27 février 2023 ainsi que, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Eu égard au motif d'annulation retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Haute-Saône délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié ". Il y a lieu de lui prescrire d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de remettre à l'intéressé, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle.

Sur les frais de l'instance :

16. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Dravigny de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2300471 du tribunal administratif de Besançon du 23 mai 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 27 février 2023 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de délivrer à M. A... un titre de séjour " salarié ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui remettre, sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle.

Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier La présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01885
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23nc01885 ?
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