Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200100, 2200687 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. A..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle est entachée de défaut de base légale, compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3, 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreurs de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité du refus d'un délai de départ volontaire :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle est entachée de défaut de base légale ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 1985, est entré régulièrement en France le 27 janvier 2012 muni de son passeport revêtu d'un visa C " famille de français " à la suite de son mariage avec une ressortissante française. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien valable du 5 mars 2012 au 4 mars 2013 en cette qualité. Le renouvellement en a été refusé par un arrêté du 18 février 2013 assorti d'une obligation de quitter le territoire français, au motif de la rupture de la communauté de vie avec son épouse. Par un arrêté du 25 janvier 2018, le préfet de la Moselle a refusé la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. A... et lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français. La nouvelle demande de titre de séjour formée le 3 août 2018 par l'intéressé a également été rejetée par une décision du 3 octobre 2018. A la suite de son interpellation le 11 août 2019, le préfet de la Moselle lui a, pour la troisième fois, fait obligation de quitter le territoire français. M. A... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour le 26 avril 2021, en se prévalant de la naissance de son fils de nationalité française. A la suite du placement en garde à vue de l'intéressé le 6 janvier 2022, le préfet de la Moselle lui a, par un arrêté du 7 janvier 2022, fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du même jour, il a rejeté sa demande de titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort des termes de la décision en litige qu'elle vise les stipulations de l'article 6-4° de l'accord franco-algérien et l'avis de la commission départementale du titre de séjour du 21 juillet 2021, rappelle l'intégralité du parcours administratif de l'intéressé sur le territoire français depuis sa première entrée en août 2009, fait état des condamnations dont il a fait l'objet et précise enfin que le titre de séjour qu'il a sollicité en qualité de père d'un enfant français lui est refusé au motif que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, serait entachée d'insuffisance de motivation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) ; 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ".
5. Par ailleurs, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance ou le renouvellement du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
6. Il n'est pas contesté par le préfet de la Moselle que M. A... exerce l'autorité parentale sur son enfant né le 11 novembre 2020. Toutefois, il ressort de la décision en litige que l'intéressé a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Metz du 20 décembre 2019, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été concubin commis le 4 octobre 2019. Ces faits permettent de considérer, eu égard à leur nature et à leur caractère encore relativement récent à la date de la décision en litige, que la présence du requérant constitue une menace pour l'ordre public. M. A..., qui au demeurant ne conteste pas ce motif de la décision attaquée, n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaitrait les stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
7. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. A... résidait depuis dix ans sur le territoire français à la date de la décision en litige, il ne doit la durée de sa présence qu'à son maintien en situation irrégulière depuis le 4 mars 2013, en dépit des trois mesures d'éloignement prononcées à son encontre les 18 février 2013, 25 janvier 2018 et 11 août 2019. Il ne justifie par ailleurs d'aucune intégration professionnelle ou sociale. Enfin, il n'établit pas l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec la mère de son fils ni participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Dans ces conditions, et compte tenu de la menace à l'ordre public que son comportement constitue, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il ressort de la décision portant obligation de quitter le territoire français qu'elle a été prise sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle n'est pas intervenue en raison de la décision de refus de titre de séjour adoptée par un arrêté du même jour. Par suite, et en tout état de cause, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
10. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français en litige vise les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le procès-verbal d'audition de M. A... du 6 janvier 2022, rappelle des éléments de son parcours administratif et indique que s'il indique vivre en concubinage avec la mère de son enfant mineur de nationalité française, son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
11. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 du présent arrêt, et alors que la mesure d'éloignement fait également suite à son placement en garde à vue le 6 janvier 2022 pour des faits de " menaces de mort réitérés par conjoint " commis le jour même, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) ; 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
13. S'il ressort de la décision en litige que le préfet de la Moselle a estimé que M. A... justifiait subvenir aux besoins de son enfant, le requérant ne produit toutefois aucune pièce pour établir, comme il lui incombe, qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis la naissance de celui-ci en novembre 2020. Par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir de la protection contre l'éloignement prévue par les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreurs de fait.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
15. Ainsi qu'il a été dit au point 13 du présent arrêt, M. A... n'établit pas avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance, en l'absence notamment de preuve qu'il réside avec la mère de l'enfant. Par ailleurs, le requérant a été placé en garde-à-vue le 6 janvier 2022 pour des faits de " menaces de mort réitérés par conjoint " et n'apporte aucun éclairage sur ces faits, qu'il ne conteste pas. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige porterait une atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant alors âgé de 14 mois. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ; 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L.731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
18.Il ressort des termes de la décision en litige qu'elle est motivée par la circonstance que M. A... constitue une menace pour l'ordre public et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dès lors qu'il s'était soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français et qu'il ne présentait pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'insuffisance de motivation doit être écarté.
19.En dernier lieu, compte tenu de sa condamnation, par un jugement du tribunal correctionnel de Metz du 20 décembre 2019, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été concubin commis et aux motifs, non contestés, de son placement en garde-à-vue le 6 janvier 2022 pour " menaces de mort réitérés par conjoint ", le comportement de M. A... doit être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet de la Moselle pouvait lui opposer ce motif pour fonder le refus de lui accorder un délai de départ volontaire, sans faire une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
20.Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 7 janvier 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Blanvillain et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Brodier, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier La présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC01538