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06/02/2024 | FRANCE | N°23NC01306

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 23NC01306


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 mars 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2200768 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 mars 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200768 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros hors taxes à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- le rapport d'examen technique documentaire ne permet pas d'écarter la valeur probante des documents d'état civil qu'il a présentés ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

- les décisions en litige sont illégales compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen déclarant être né le 25 avril 2002, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er septembre 2018, à l'âge de 16 ans. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département du Doubs en décembre 2018. Le 7 mars 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 435-3 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 mars 2022, le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 22 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Par ailleurs, l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article L. 811-2 du même code dispose que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. En outre, la légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France, imposée sur le fondement de l'article 23 du titre IX du livre Ier de l'ordonnance de la marine d'août 1681, jusqu'à ce que ce texte soit abrogé par le II de l'article 7 de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publique, est demeurée, sur le fondement de la coutume internationale, reconnue par une jurisprudence établie du juge judiciaire.

6. Lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.

7. La légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

8. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du 13 décembre 2018 ainsi qu'un extrait du registre de l'état civil du 2 janvier 2019 portant transcription du jugement supplétif. Le préfet du Doubs s'est prévalu du rapport d'examen technique documentaire établi le 16 juin 2020 par un analyste de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Pontarlier, pour considérer que les documents produits étaient des faux en écriture publique. Il ressort de ce rapport qu'après avoir indiqué que les deux documents étaient rédigés sur du papier ordinaire et ne comportaient aucune sécurité documentaire permettant d'apprécier l'authenticité de leur support, l'analyste a relevé que les cachets humides et secs étaient de " qualité exécrable " et fait apparaître que le cachet sec utilisé était, compte tenu des anomalies présentées et non décrites dans le rapport afin d'éviter tout correctif par la suite, une contrefaçon tandis que les cachets humides n'étaient pas conformes, leurs caractères étant irréguliers et non ajustés. Par ailleurs, il ressort également de ce rapport qu'il remet en cause l'authenticité de la légalisation de ces documents par une juriste du ministère des affaires étrangères guinéen en France au motif que la signature qui y figure ne présente pas les mêmes caractéristiques que la signature réelle de cette personne tandis que les cachets humides apposés sont des contrefaçons.

9. M. A... ne conteste pas ces éléments du rapport du 16 juin 2020 dont il ressort que, en l'absence de légalisation authentique, ne peuvent être regardées comme attestées ni la véracité des signatures apposées sur les documents d'état civil qu'il a produit au soutien de sa demande de titre de séjour, ni la qualité de ceux qui les ont dressés, ni l'identité du sceau ou timbre dont ils sont revêtus. Dans ces conditions, les irrégularités présentes sur les cachets secs et humides utilisés sur les deux actes d'état civil présentés suffisent à établir le caractère frauduleux de ces documents. Par suite, et en l'absence de tout autre document d'état civil produit, même postérieurement, par M. A..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Doubs n'aurait pas valablement renversé la présomption de validité des actes qu'il avait produit pour établir son identité.

10. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment relativement à l'absence de justification par M. A... de son état civil, le préfet du Doubs pouvait, pour le seul motif tiré de ce que l'intéressé ne justifiait pas de l'âge auquel il avait été confié à l'aide sociale à l'enfance, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, à supposer même que le requérant justifie du caractère réel et sérieux du suivi du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " commercialisation en services hôtel café restaurant " qu'il a effectué en apprentissage entre décembre 2019 et août 2021, le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition ne peut qu'être écarté.

11. En dernier lieu, M. A... résidait sur le territoire français depuis trois ans et demi à la date de la décision en litige. Pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, il a pu suivre une formation en CAP, sans toutefois obtenir son diplôme. S'il ressort des pièces du dossier que l'entreprise auprès de laquelle il avait effectué son apprentissage lui a fait signer un contrat à durée indéterminée le 14 février 2022 en qualité d'employé polyvalent, cette seule circonstance ne suffit pas, dans les circonstances de l'espèce, à établir que le refus de séjour qui lui a été opposé serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier La présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01306
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23nc01306 ?
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