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06/02/2024 | FRANCE | N°23NC00401

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 23NC00401


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 par lequel le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2102755 du 27 janvier 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 février 2023, M. A..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :







1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 par lequel le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102755 du 27 janvier 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2023, M. A..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 par lequel le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît son droit à être entendu ainsi que l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas été informé de la possibilité de présenter d'observations préalablement à son édiction ;

- le préfet s'est à tort considéré en compétence liée par rapport à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

- la décision est par suite entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet aurait dû également prendre en compte son état de santé ;

- le préfet a commis une erreur de droit en l'obligeant à quitter le territoire français alors que la décision du juge d'asile ne lui avait pas été notifiée et qu'il avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé ;

- la décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de la Marne a communiqué le 10 juillet 2023 la demande de titre de séjour de M. A... du 19 octobre 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 31 janvier 1994, est entré sur le territoire français selon ses déclarations le 16 octobre 2020 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 mai 2021, , confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 novembre 2021. Par un arrêté du 22 novembre 2021, le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Le 19 octobre 2022, l'intéressé a sollicité un titre de séjour en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par la présente requête, M. A... fait appel du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2021.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. ". Il résulte des termes de la décision attaquée qui mentionne les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les éléments de fait relatifs à sa situation administrative et personnelle et vise les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, que celle-ci est suffisamment motivée en droit comme en fait. Par suite, le moyen présenté en ce sens est écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision de la CNDA du 10 novembre 2021 qui y fait référence, que M. A... a pu présenter toutes les observations utiles sur sa situation dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, tant lors du dépôt de sa demande qu'au cours de son instruction, notamment sur ses orientations sexuelles et sa pathologie. Dès lors, qu'il n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni même avoir été empêché de présenter des observations ou des documents avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été édicté en méconnaissance de son droit à être entendu.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ". Aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au préfet de notifier une décision portant obligation de quitter le territoire français à son destinataire par l'intermédiaire d'un interprète ou dans une langue autre que le français. Dans ces conditions, les conditions de notification d'une telle décision n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux mais n'affectent pas sa légalité et le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions précitées doit être écarté comme inopérant.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°. " et de l'article L. 542-4 de ce code " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". Il résulte de la décision attaquée que le préfet a examiné la situation personnelle de M. A... au regard de ces dispositions et a considéré que M. A... ne pouvait être autorisé à demeurer sur le territoire français à un autre titre et n'entrait dans aucun des cas de protection contre une obligation de quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet se serait senti en situation de compétence liée et aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen complet sont écartés.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ". L'article L. 611-3 du même code dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Si M. A... se prévaut de la méconnaissance de ces dispositions, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, il n'avait pas encore sollicité son admission au séjour pour raisons médicales. Par ailleurs, la seule production d'un certificat médical faisant état de la pathologie de l'intéressé et de sa prise en charge médicale en France, au demeurant postérieur à la date de la décision attaquée, ne permet pas d'en inférer l'absence d'un traitement approprié accessible dans son pays d'origine Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Il ressort du relevé Telemofpra que la décision de la CNDA du 10 novembre 2021 lui a été notifiée le 15 novembre suivant. Par suite, dès lors que le requérant ne verse aucun élément au dossier en vue de remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur la fiche " Telem Ofpra " qui, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 532-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait foi jusqu'à preuve du contraire, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est écarté. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... qui a seulement demandé des informations via son conseil par courriel le 18 novembre 2021, aurait effectivement déposé une demande de titre de séjour en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant le 19 octobre 2022.

8. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

9. M. A..., qui est entré en France, selon ses déclarations, le 16 octobre 2020, ne justifie pas d'une intégration particulière. S'il se prévaut de sa relation amoureuse avec un ressortissant français, il ne verse aucun élément dans la présente instance afin de démontrer la stabilité et l'intensité de cette relation, ni n'établit entretenir d'autres relations avec des personnes séjournant régulièrement sur le territoire français ou être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaîtrait ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il méconnaitrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En huitième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Par les pièces qu'il produit M. A... ne démontre pas la réalité des craintes dont il se prévaut et qui, au demeurant, ont été considérées comme non établies par l'OFPRA et la CNDA. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00401
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23nc00401 ?
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