Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2108656 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2108659 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête n° 23NC00350 enregistrée le 1er février 2023, Mme A..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2108656 du tribunal administratif de Strasbourg du 25 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros HT sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.
II - Par une requête n° 23NC00358 enregistrée le 1er février 2023, M. B..., représenté par Me Bohner, demande à la cour, par des moyens identiques à ceux soulevés dans la requête n° 23NC00350:
1°) d'annuler le jugement n° 2108659 du tribunal administratif de Strasbourg du 25 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité géorgienne née en 1982, est entrée en France en mars 2019, munie de son passeport, et accompagnée de son concubin, M. E... B... et de leurs trois enfants. Les demandes d'asile de Mme A... et de M. B... ont été rejetées par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2019. Le 1er juillet 2019, Mme A... et M. B... ont demandé un titre de séjour en raison des soins requis par l'état de santé de leur fille mineure C.... Par des arrêtés du 9 décembre 2019 dont la légalité a été confirmée par la présente cour le 10 mai 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer le titre de séjour sollicité et les a obligés à quitter le territoire français. Le 27 juillet 2020, ils ont demandé la protection contre l'éloignement et ont été provisoirement admis au séjour du 13 août 2020 au 12 août 2021. Le 3 juin 2021, ils ont sollicité le renouvellement de leur autorisation provisoire de séjour sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 5 octobre 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par des requêtes n° 23NC00350 et n° 23NC00358, Mme A... et M. B... font respectivement appel des jugements du 25 février 2022 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n° 23NC00350 et n° 23NC00358, présentées par Mme A... et M. B... et fondées sur l'état de santé de leur fille, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les décisions portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat " et de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. D'une part, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Il résulte de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 septembre 2021 que l'état de santé de la jeune C..., qui souffre d'une forme sévère de paralysie cérébrale avec tableau spastique bilatéral et quadriplégie, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, elle pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et s'y rendre sans risque. S'il résulte des certificats médicaux produits que C... a subi une lourde opération de la colonne vertébrale en France le 30 novembre 2020, et qu'elle est admise dans un institut médico-éducatif depuis le 24 août 2021, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'une nouvelle opération chirurgicale serait programmée ni que les traitements médicamenteux et les soins de kinésithérapie et d'ergothérapie recommandés ne pourraient être dispensés en Géorgie, son pays d'origine, dans lequel il existe des établissements spécialisés en soins de neuro-réhabilitation selon le rapport OSAR de 2019 sur la Géorgie produit par la requérante. Ainsi, les éléments produits par les requérants sont insuffisants pour contredire l'appréciation à laquelle le préfet du Haut-Rhin s'est livré, en se fondant notamment sur l'avis du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, quant à la disponibilité des soins requis dans le pays d'origine de la jeune fille. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... et M. B... sont arrivés en France en mars 2019 avec leurs trois enfants nés en 2002, 2004 et 2015 qui sont scolarisés respectivement en classe de cours préparatoire, en institut médico-éducatif et en classe allophone à la date de la décision attaquée et que M. B... a travaillé de décembre 2020 à avril 2021. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas à considérer que le centre de leur vie privée et familiale serait désormais en France, où ils n'établissent pas avoir tissé de liens personnels et affectifs stables. En outre, l'intégralité de la cellule familiale peut se reconstituer en Géorgie, leur pays d'origine, où les requérants ne sont pas dépourvus d'attaches, dès lors qu'y résident notamment leurs parents, deux sœurs de Mme A... ainsi qu'un des frères de M. B... et où il n'est pas établi que leurs enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité. Il en résulte que les refus de titres de séjour opposés ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur leurs situations personnelles.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7, les décisions litigieuses n'ont pas méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français devront être annulées en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour est écarté.
10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées méconnaissent les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, Mme A... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni qu'ils sont entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leurs situations personnelles.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... et M. B... seraient exposés à des traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Brodier, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC00350, 23NC00358