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01/02/2024 | FRANCE | N°20NC02214

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 20NC02214


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 8 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite rejetant le recours dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail du 1er février 2018 refusant son licenciement pour motif disciplinaire et, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé son licenciement.



Par un jugement n° 1806304 du 10 jui

n 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 8 octobre 2018 de la mini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 8 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite rejetant le recours dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail du 1er février 2018 refusant son licenciement pour motif disciplinaire et, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1806304 du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 8 octobre 2018 de la ministre du travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 août 2020, le 16 septembre 2021 et le 2 janvier 2024, la SAS Fiducial Private Security, devenue SAS Fiducial Sécurité Humaine, représentée par Me Pelissier, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 juin 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B..., et à défaut de l'Etat, le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de la ministre du travail n'est pas tardive ;

- la décision de la ministre du travail n'est pas infondée dans la mesure où le motif tiré de l'irrégularité procédurale est infondé ;

- la décision n'est pas entachée d'erreur de droit ;

- la cour pourrait procéder à une substitution de motifs ;

- il n'y a pas d'irrégularité de la procédure de consultation du comité d'établissement, ni de la procédure de licenciement ;

- la faute commise est d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Teyssier, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SAS Fiducial Private Security une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Des pièces ont été produites par le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion le 3 janvier 2024 et n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Houser pour la société Fiducial Private Security.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Fiducial Private Security est spécialisée dans la sécurité privée. M. B... a été engagé par cette société en 2012 en tant que responsable d'exploitation et exerçait les fonctions de délégué syndical et membre du comité d'établissement. Le 30 novembre 2017, la société a sollicité l'autorisation de licencier M. B... pour motif disciplinaire. L'inspectrice du travail a refusé cette autorisation par décision du 1er février 2018. La société a formé un recours hiérarchique et, le 8 octobre 2018, la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement. La SAS Fiducial Private Security relève appel du jugement du 10 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la ministre du travail.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi par l'employeur d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail qui a refusé l'autorisation de licenciement en se fondant sur plusieurs motifs de refus faisant, chacun, légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, le ministre ne peut annuler cette décision que si elle est entachée d'illégalité externe ou si aucun des motifs retenus par l'inspecteur du travail n'est fondé.

3. Il ressort des pièces du dossier que, le 1er février 2018, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... aux motifs, d'une part, que la procédure avait été irrégulièrement menée en raison de la présence du Directeur des Ressources Humaines du groupe lors de l'entretien préalable au licenciement, et, d'autre part, que les faits reprochés à l'intéressé n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement qui serait alors une sanction très disproportionnée. Pour annuler la décision de l'inspectrice du travail et autoriser le licenciement de M. B..., la ministre du travail a relevé que l'intéressé avait, d'une part, entre les mois de décembre 2016 et septembre 2017, utilisé à six reprises la carte de carburant mise à sa disposition par son employeur à des fins personnelles alors qu'il était en congés payés et, d'autre part, entre le 11 septembre 2017 et le 1er octobre 2017, utilisé cinquante-deux fois la carte de télépéage également mise à disposition par son employeur à des fins personnelles lors d'une période de congés, et que ces faits étaient constitutifs de fautes qui, eu égard à leur caractère répétitif, étaient d'une gravité suffisante pour justifier une telle mesure. En revanche, la ministre ne s'est pas prononcée sur la légalité du premier motif opposé par l'inspectrice du travail. En conséquence, la ministre, qui ne pouvait annuler la décision de l'inspectrice comme illégale qu'après avoir censuré les deux motifs indiqués par cette dernière, a entaché sa décision du 8 octobre 2018 d'une erreur de droit.

4. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la procédure peut être regardée comme régulière et de ce que la décision est suffisamment motivée sont sans incidence dès lors que la ministre n'a pas pris soin de se prononcer sur la légalité du premier motif opposé par l'inspectrice du travail. Par ailleurs, il n'est pas possible au juge de procéder à une substitution de motifs dès lors qu'elle n'est pas demandée par l'autorité qui a pris la décision contestée alors qu'au demeurant elle n'est pas de nature à remédier à l'erreur de droit relevée au point précédent.

5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée ne serait pas entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il existerait des fautes d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. B... est sans incidence dès lors que la décision est entachée d'une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la SAS Fiducial Sécurité Humaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision contestée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Fiducial Private Security demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Fiducial Sécurité Humaine, venant aux droits de la SAS Fiducial Private Security une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des frais de même nature.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Fiducial Sécurité Humaine est rejetée.

Article 2 : La société SAS Fiducial Sécurité Humaine, venant aux droits de la SAS Fiducial Private Security, versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Fiducial Sécurité Humaine, à M. A... B..., et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC02214002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02214
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : C R T D ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;20nc02214 ?
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