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30/01/2024 | FRANCE | N°23NC00205

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 23NC00205


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 4 juillet 2022 par laquelle le directeur de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a maintenu sa décision du 3 mars 2022 portant radiation de son affiliation au régime de retraite de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.



Par une ordonnance n° 2202023 du 21 novembre 2022, le président de

la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 4 juillet 2022 par laquelle le directeur de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a maintenu sa décision du 3 mars 2022 portant radiation de son affiliation au régime de retraite de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Par une ordonnance n° 2202023 du 21 novembre 2022, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier et 16 février 2023, Mme B... A..., représentée par Me Chalon, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2202023 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 novembre 2022 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne afin qu'il soit statué sur le fond ;

3°) si la cour décide d'évoquer, d'annuler la décision du directeur de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales du 4 juillet 2022 ;

4°) de mettre à la charge de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance du 21 novembre 2022 doit être annulée pour irrégularité dès lors que sa demande de première instance était recevable ;

- elle a toujours cotisé à la Caisse nationale des agents des collectivités locales, y compris pendant la période postérieure au 1er septembre 2019, date de son détachement auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement du Grand Est ;

- ni le ministère de la transition écologique et solidaire, ni la commune nouvelle de Rives-Dervoises, n'ont procédé au retrait de leurs arrêtés respectifs des 21 et 30 août 2019, portant acceptation de son détachement, alors qu'ils indiquent que, pendant la durée de ce détachement, elle conservera son droit à la retraite dans son cadre d'emploi d'origine ;

- subsidiairement, dans l'hypothèse où son adhésion et le paiement de ses cotisations auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales seraient devenues illégales après le 1er septembre 2019, ces décisions créatrices de droits, qui n'ont fait l'objet d'aucune procédure de retrait, sont devenues définitives ;

- en tout état de cause, la décision de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales de procéder à la radiation de son affiliation ne repose sur aucun élément sérieux ;

- elle a toujours bénéficié d'une telle affiliation tout au long de sa carrière dans la fonction publique territoriale ;

- ses démissions des fonctions de secrétaire de mairie des communes de

Ville-en-Blaisois et de Domblain sont demeurées sans effet sur ses droits à retraite dans le cadre de son détachement ;

- elles sont dépourvues de toute portée juridique puisque, le vendredi 30 août 2019, elle exerçait toujours ses fonctions à temps plein au sein de ces deux communes et de la commune nouvelle de Rives-Dervoises ;

- enfin, si le décret n° 91-298 du 20 mars 1991, portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, imposait ces démissions pour pouvoir prétendre à un détachement dans la fonction publique d'Etat, il ne règle aucunement les questions relatives au droit à la retraite du fonctionnaire détaché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, la Caisse des dépôts conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que

- la cour n'est pas compétente pour statuer sur la requête de Mme A... dès lors que, en application des dispositions de l'article R. 811-1-7 du code de justice administrative le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ;

- subsidiairement, les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2007-173 du 7 février 2017 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Fonctionnaire titulaire de la fonction publique territoriale, Mme B... A... était affiliée à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales depuis le 1er janvier 1983. Elle exerçait, en dernier lieu, à raison de

trente-cinq heures de travail par semaine au total, les fonctions de secrétaire de mairie sur des emplois à temps incomplet au sein respectivement de la commune nouvelle de

Rives-Dervoises et des communes de Ville-en-Blaisois et Domblain dans le département de la Haute-Marne. Souhaitant effectuer un détachement auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est, elle a démissionné, à compter du 1er septembre 2019, de ses fonctions de secrétaire de mairie des communes de Ville-en-Blaisois et Domblain afin de se mettre en conformité avec les dispositions de l'article 10 du décret du 20 mars 1991,portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, et réservant la possibilité d'un détachement aux fonctionnaires occupant un seul emploi à temps non complet. Toutefois, la durée hebdomadaire de travail de l'agent devenant de ce fait inférieure au seuil d'affiliation de vingt-huit heures alors requis par une délibération de son conseil d'administration du 3 octobre 2001, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a pris, le jour même, une décision de radiation de l'intéressée. Relevant désormais du régime général de la sécurité sociale et du régime complémentaire de retraite de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec), Mme A..., a contesté, par courriers des 13 octobre 2021 et 2 février 2022, cette décision de radiation, dont elle indique avoir eu connaissance le 28 septembre 2021 par l'intermédiaire d'un représentant syndical. A la suite de ces recours, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales lui ayant notifié directement, le 3 mars 2022, la confirmation de sa radiation et l'impossibilité de maintenir son affectation, elle a formé contre cette dernière décision, le 22 mars suivant, un recours gracieux, qui a été rejeté le 4 juillet 2022. Mme A... a saisi le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2022. Elle relève appel de l'ordonnance n° 2202023 du 21 novembre 2022 qui rejette sa demande pour irrecevabilité.

Sur la compétence de la cour :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ; (...) ". Aux termes de l'article R. 351-2 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire. Si l'instruction de l'affaire révèle que celle-ci relève en tout ou partie de la compétence d'une autre juridiction, la chambre d'instruction saisit le président de la section du contentieux qui règle la question de compétence et attribue, le cas échéant, le jugement de tout ou partie des conclusions à la juridiction qu'il déclare compétente. ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie d'un recours dirigé contre un jugement d'un tribunal administratif statuant en dernier ressort, quelle que soit la raison pour laquelle le requérant a cru bon de la saisir et sans qu'aient d'incidence sur ce point les mentions portées sur la lettre de notification du jugement attaqué, son président doit transmettre sans délai le dossier au Conseil d'Etat.

4. Il ressort des pièces du dossier que le recours juridictionnel exercé Mme A... contre la décision du 4 juillet 2022 par laquelle la Caisse nationale des agents des collectivités locales a maintenu sa décision de radiation de son affiliation entre dans la catégorie des litiges relatifs aux pensions pour lesquels, en application des dispositions du 7° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en résulte que la requête de Mme A..., qui présente le caractère d'un pourvoi en cassation, ressortit à la seule compétence du Conseil d'Etat.

5. Toutefois, aux termes, d'une part, de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. ".

6. Aux termes, d'autre part, de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". L'administration n'est, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions que les délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais de recours administratifs préalables obligatoires. Si elle peut y ajouter la mention des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs, c'est à la condition toutefois qu'il n'en résulte pas des ambiguïtés de nature à induire en erreur les intéressés dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours contentieux effectif.

7. Il ressort des pièces du dossier que, le 1er septembre 2019, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a pris à l'encontre de Mme A... une décision de radiation de son affiliation. L'intéressée, qui admet avoir eu connaissance de cette décision le 28 septembre 2021, l'a contestée dans un courrier du 13 octobre 2021. Eu égard à l'objet et à la teneur de ce courrier, elle doit être regardée comme ayant formé contre cette décision un recours gracieux, qui a été rejeté par la décision du 3 mars 2022. Cette dernière décision mentionnait cependant tant les voies et délais de recours gracieux que contentieux, sans préciser en l'espèce qu'intervenant déjà sur un recours gracieux, un nouveau recours de ce type n'était pas de nature à proroger le délai de recours contentieux. Elle comportait ainsi une ambiguïté de nature à induire Mme A... en erreur quant aux effets de son second recours gracieux, formé par un courrier du 22 mars 2022, sur le cours du délai de recours contentieux et de la priver du droit à un recours contentieux effectif. Compte tenu de cette ambiguïté, qui a empêché le délai de recours contentieux de courir, la décision du 3 mars 2022 n'a pu devenir définitive. Dans ces conditions, la requérante était recevable à contester la décision du 4 juillet 2022 portant rejet de son second recours gracieux, qui ne présentait pas alors le caractère d'une décision confirmative de celle du 3 mars 2022.

8. En l'absence d'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat le dossier de la requête de Mme A... en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le dossier de la requête de Mme A... est transmis au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la Caisse des dépôts.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

La présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC00205 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00205
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ACG REIMS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nc00205 ?
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