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30/01/2024 | FRANCE | N°22NC03208

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 22NC03208


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. D... C... et Mme A... C..., née B..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 26 juin 2019 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2000677-2000678 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.



Procédure devant la cour :



I. Par une requête, enregistrée le

21 décembre 2022, sous le n° 22NC03208, Mme A... C..., née B..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... C... et Mme A... C..., née B..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 26 juin 2019 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2000677-2000678 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, sous le n° 22NC03208, Mme A... C..., née B..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000677-2000678 du tribunal administratif de Nancy du 23 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 juin 2019 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction du dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75, premier paragraphe, et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'irrégularité en raison d'un défaut de motivation et d'examen particulier de la situation ;

- l'arrêté en litige du 26 juin 2019 est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il est également entaché d'un vice de procédure résultant du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il est encore entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le préfet de

Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, sous le n° 22NC03209, M. D... A... C..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000677 et 2000678 du tribunal administratif de Nancy du 23 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 juin 2019 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction du dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75, premier paragraphe, et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'irrégularité en raison d'un défaut de motivation et d'examen particulier de la situation ;

- l'arrêté en litige du 26 juin 2019 est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'un vice de procédure résultant du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il est également entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 novembre 2018 a été rendu de façon collégiale à l'issue d'une délibération et que les médecins concernés ont été régulièrement désignés ;

- il est entaché d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est estimé à tort lié par l'avis du 23 novembre 2018 ;

- il est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le préfet de

Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis. au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 22NC03208 et 22NC03209, présentées respectivement pour Mme A... C..., née B..., et pour M. D... C..., concernent la situation d'un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. De nationalité arménienne pour le premier et de nationalité indéterminée pour la seconde, M. et Mme C... sont nés respectivement les 15 octobre 1959 et 18 septembre 1966. Ils ont déclaré être entrés en France le 10 mars 2009. Le 1er avril 2009, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 mars 2010 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 1er juillet 2011. Estimant que les intéressés ne bénéficiaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à leur encontre, le 28 juillet 2011, une mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1102253 du tribunal administratif de Nancy du 7 février 2012 et par un arrêt n° 12NC00694 de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 décembre 2012. A la suite du rejet, les 17 avril 2015 et 16 septembre 2016, de leurs demandes d'admission au séjour pour raison médicale, présentées successivement les 11 octobre 2011, 12 mars 2013 et 29 avril 2015, les requérants ont, une nouvelle fois, sollicité chacun, respectivement les 27 novembre 2017 et 4 avril 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par un courrier du 4 mars 2018, ils ont également adressé une demande de régularisation de leur situation en se prévalant de la durée de leur séjour en France et des risques d'isolement et de mauvais traitements encourus en cas de retour dans leur pays d'origine. A la suite des avis défavorables du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 novembre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par deux arrêtés du 26 juin 2019, a refusé de les admettre au séjour. M. et Mme C... ont saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 26 juin 2019. Ils relèvent chacun appel du jugement n° 2000677-2000678 du 23 décembre 2021 qui rejette leur demande.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont suffisamment répondu, aux points 3 et 4 du jugement contesté, aux moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen particulier. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé et qu'il doit être annulé pour irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux requêtes de M. et de Mme C... :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-12. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-1 du même code, alors en vigueur : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...). ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas du courrier du 4 mars 2018 par lequel ils ont adressé au préfet de Meurthe-et-Moselle une demande de régularisation de leur situation, que M. et Mme C... auraient sollicité leur admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'ayant pas examiné d'office si les intéressés pouvaient prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, ainsi qu'il lui était loisible de le faire à titre gracieux, il y a lieu d'écarter comme inopérants les moyens tirés respectivement de ce qu'il aurait commis un vice de procédure en ne saisissant pas pour avis la commission du titre de séjour et de ce qu'il aurait commis une erreur de fait, une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard du premier alinéa de cet article.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés en litige énoncent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ils sont suffisamment motivés au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite et alors que le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui n'a pas été saisi d'une demande de titre fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à mentionner cet article, ni, en tout état de cause, à expliciter les raisons pour lesquelles il a estimé que l'admission au séjour des intéressés ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, il ne ressort, ni des motifs des arrêtés en litige, ni d'aucune des autres pièces des dossiers, que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait abstenu de procéder, avant de rejeter les demandes de titre présentées par M. et Mme C..., à un examen particulier de la situation personnelle et familiale des intéressés au regard des éléments dont il avait connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont arrivés sur le territoire français, le 10 mars 2009, à l'âge respectivement de quarante-neuf et

de quarante-deux ans. Ils ont fait l'objet, le 28 juillet 2011, d'une mesure d'éloignement à laquelle ils n'ont pas déféré. Les requérants, dont la durée du séjour s'explique par la multiplication des demandes de titre qu'ils ont vainement présentées, ne justifient pas d'attaches familiales ou personnelles, ni d'une intégration particulière en France. Ils ne démontrent pas davantage être isolés en Arménie ou en Russie. Par suite, alors que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance de ces stipulations, ainsi que des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En cinquième et dernier lieu, eu égard notamment aux considérations qui ont été analysées au point précédent, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, ce moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne les autres moyens de la requête de M. C... :

12. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors en vigueur : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office (...) transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Aux termes de de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les trois médecins signataires de l'avis du 23 novembre 2018 font partie de la liste des médecins arrêtée par la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 septembre 2018, modifiant celle du 17 janvier 2017. Ils ont ainsi été régulièrement désignés pour siéger au sein du collège de médecins à compétence nationale de l'Office. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que l'avis du 23 novembre 2013 comporte, en sus de la signature de trois médecins habilités à siéger au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la mention selon laquelle " après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ". Dans ces conditions, en l'absence de tout élément susceptible de remettre en cause une telle mention, cet avis doit être regardé comme ayant été émis de façon collégiale à l'issue d'une délibération. Par suite, le moyen tiré vice de procédure doit être écarté dans ses deux branches.

14. En deuxième lieu, il ne ressort, ni des motifs de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

15. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

16. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

17. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'admettre au séjour M. C... en qualité d'étranger malade, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 novembre 2018. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M. C... fait valoir qu'il souffre de troubles cardiaques et respiratoires. Toutefois, les certificats médicaux versés au dossier, dont le plus récent remonte au 12 janvier 2016, se bornent à décrire les pathologies du requérant et les traitements mis en œuvre et ne sont donc pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation du préfet de Meurthe-et-Moselle sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et la capacité de l'étranger à voyager sans risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 3213-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 26 juin 2019, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75, premier paragraphe, et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... C..., née B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

La présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC03208 et 22NC03209 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03208
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22nc03208 ?
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