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25/01/2024 | FRANCE | N°18NC00574

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 25 janvier 2024, 18NC00574


Vu la procédure suivante :



Sur la requête de M. B... A..., enregistrée sous le n° 18NC00574 et tendant à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, subsidiairement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à lui verser la somme totale de 3 231 992,90 euros, dont il faudra déduire les sommes de 544 621,66 euros et de 684 356,99 euros, versées respectivement par les défendeurs, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conséquences domm

ageables de l'intervention chirurgicale du 23 juin 2003, la cour, par un a...

Vu la procédure suivante :

Sur la requête de M. B... A..., enregistrée sous le n° 18NC00574 et tendant à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, subsidiairement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à lui verser la somme totale de 3 231 992,90 euros, dont il faudra déduire les sommes de 544 621,66 euros et de 684 356,99 euros, versées respectivement par les défendeurs, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale du 23 juin 2003, la cour, par un arrêt du 28 décembre 2020, a ordonné avant dire droit une expertise médicale.

Le rapport d'expertise a été enregistré au greffe de la cour le 30 juillet 2021.

Par une ordonnance n° 18NC00574 de la présidente de la cour du 20 octobre 2021, les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme totale de 3 390 euros.

Par quatre mémoires complémentaires, enregistrés les 29 septembre, 29 octobre, 12 novembre et 30 novembre 2021, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par Me Boizard, conclut :

- à la réformation du jugement n° 1302384 et 1602338 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2017 ;

- au rejet de la requête de M. A... et, notamment, de sa demande de contre-expertise avant dire droit ;

- à ce que le montant des indemnités en capital dues au requérant n'excède pas la somme de 163 223,67 euros et, compte tenu des sommes déjà versées à l'intéressé, à ce qu'aucune somme supplémentaire ne lui soit allouée ;

- au rejet des conclusions de M. A... tendant à ce que la condamnation prononcée à son encontre soit assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ou, subsidiairement, à ce que ces intérêts ne courent qu'à compter du prononcé de l'arrêt et uniquement pour la somme excédant les indemnités déjà allouées au requérant ;

- à la condamnation de M. A... à lui restituer les sommes qu'il a payées en capital et en intérêts en exécution du jugement de première instance ;

- à la limitation du recours subrogatoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à une somme de 113 725,07 euros, subsidiairement, à celle de 163 223,67 euros, et à ce que l'office soit débouté du surplus de ses demandes ;

- à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui rembourser la somme de 538 751,92 euros, subsidiairement, celle de 489 253,32 euros ;

- s'agissant des demandes actualisées de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, à la fixation du montant de ses créances au titre des dépenses de santé actuelles, des arrérages échus des dépenses de santé futures et des arrérages à échoir des dépenses de santé futures aux sommes respectives de 61 166,72 euros, de 1 342,92 euros et de 9 702,18 euros ou, subsidiairement, de 18 231,53 euros ;

- au rejet du surplus des demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ;

- en tout état de cause, au rejet de la demande de M. A... au titre des frais exposés pour l'instance et non compris dans les dépens, à ce que les demandes des autres parties au titre de ces frais soient ramenées à de plus justes proportions et, enfin, à ce qu'il soit statué de droit sur les dépens.

Il fait valoir que :

- les opérations d'expertise, ordonnées par l'arrêt avant dire droit de la cour du 28 décembre 2020, qui se sont déroulées le 31 mars 2021, ont été régulières ;

- les experts ont répondu aux questions de la mission, qui leur était assignée par le juge, dans la limite de ce que qu'il leur a été permis de faire compte tenu de l'attitude d'opposition et de simulation de M. A... ;

- le jugement de première instance doit être confirmé en ce qu'il a retenu que l'infection nosocomiale de M. A... était la conséquence directe du caractère injustifié de l'indication chirurgicale, tant en ce qui concerne la correction du " genu varum " que l'allongement bilatéral des membres inférieurs, et en ce qu'il l'a condamné à indemniser l'intégralité des préjudices subis par la victime, déduction faite des sommes déjà allouées par son assureur et par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- les demandes indemnitaires de M. A... ne sont pas fondées ou doivent être ramenées à de plus justes proportions ;

- le montant en capital des indemnités dues à M. A... doit se limiter à la somme de 163 223,67 euros ;

- le montant de la somme remboursée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, fixé par les premiers juges à 652 476,99 euros, doit être ramenée à 113 725,07 euros, subsidiairement, à 163 223,67 euros ;

- M. A... et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doivent être condamnés à lui rembourser tout ou partie des sommes qu'il leur a versées en exécution du jugement de première instance.

Par deux mémoires complémentaires, enregistrés les 29 septembre et 15 novembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch, conclut dans le dernier état de ses écritures :

- à la confirmation du jugement n° 1302384 et 1602338 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2017 ;

- à titre principal :

- au rejet des conclusions à fin d'appel incident du centre hospitalier régional de Metz-Thionville en tant qu'elles sont dirigées contre lui ;

- à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme de 652 476,99 euros, réglée par ses soins à M. A..., avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015, date de réception par cet établissement de sa demande préalable d'indemnisation ;

- à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville aux dépens, dont les frais des expertises diligentées par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine et les frais d'expertise mis à sa charge par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 13 décembre 2016 au titre de l'allocation provisionnelle allouée à l'expert ;

- à la mise à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui rembourser toutes les sommes qui seraient mises à sa charge par la cour et qu'il serait fondé à réclamer dans le cadre du recours récursoire prévu à l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, ainsi que, dans le cadre du recours subrogatoire prévu à l'article L. 1142-17 du même code, la somme de 652 476,99 euros, réglée par ses soins à M. A..., avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015 ;

- à titre infiniment subsidiaire :

- à ce qu'il soit déduit de l'indemnité allouée à M. A..., au titre des préjudices visés par les protocoles d'indemnisation transactionnelle des 15 mai 2008, 1er septembre 2009 et 23 septembre 2010, la somme de 652 476,99 euros réglée par ses soins dans le cadre de la procédure amiable ;

- à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui rembourser la différence entre la somme allouée à M. A... au titre des postes de préjudice concernés par les protocoles transactionnels et la somme de 652 476,99 euros réglée par ses soins dans le cadre de la procédure amiable.

Il soutient que :

- les protocoles transactionnels signés par M. A..., qui n'établit pas que ses facultés de discernement étaient abolies à cette occasion, sont valides et rendent définitives les indemnisations allouées au titre des postes de préjudice concernés ;

- en tout état de cause, les conclusions de M. A... dirigées contre lui sont mal fondées dès lors que, ses préjudices étant la conséquence directe d'une intervention, qui n'était pas indiquée et au décours de laquelle il a contracté une infection nosocomiale, dont la prise en charge n'a pas été conforme, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville est seul responsable des dommages ainsi subis par l'intéressé ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour prononcerait une quelconque condamnation à son égard, il sera fondé, eu égard aux fautes commises par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, à exercer contre celui-ci un recours récursoire sur le fondement de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique ;

- les protocoles d'indemnisation transactionnelles signés par M. A... ont procédé à une juste évaluation de ses préjudices ;

- le jugement de première instance doit être confirmé en ce qu'il fait intégralement droit à son recours contre le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'évaluation des postes de préjudice couverts par les protocoles d'indemnisation transactionnelle doit être distinguée et celle des autres postes et la somme de 652 476,99 euros réglée par ses soins à M. A... dans le cadre de la procédure amiable doit venir en déduction de cette évaluation.

Par trois mémoires complémentaires, enregistrés les 30 septembre, 4 octobre et 2 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Annilus, demande à la cour :

1°) de réformer les articles 1er et 4 du dispositif du jugement n° 1302384 et 1602338 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2017 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

3°) à défaut d'expertise, à titre principal, de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme totale de 3 069 800,22 euros ou, à défaut, une somme comprise entre 2 508 071,86 euros et 3 069 800,22 euros, à laquelle il convient d'ajouter une somme correspondant aux dépenses de santé futures relatives à l'achat de trois fauteuils roulants avec renouvellement quinquennal et au coût des soins de plaies et de cicatrices et dont il faut déduire la somme de 684 356,99 euros obtenue à titre amiable de l'Office et de l'assureur du centre hospitalier et celle de 544 621,66 euros versée par l'établissement public de santé en exécution du jugement de première instance ;

4°) en tout état de cause, d'assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2003, date de réception de sa demande d'indemnisation auprès de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine et de prononcer la capitalisation des intérêts ;

5°) de condamner solidairement le centre hospitalier régional de Metz-Thionville et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux entiers dépens et de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les opérations d'expertise du 31 mars 2021, sont entachées d'irrégularité dès lors que les experts ont outrepassé leur mission, manqué à leur obligation d'impartialité et se sont affranchis des principes déontologiques de dignité et de réserve en exprimant ouvertement leur opinion ;

- contrairement aux allégations des experts, il ne s'est pas opposé à l'examen clinique et n'a pas simulé sa chute ;

- en méconnaissance des règles de déontologie interdisant d'infliger, au moins volontairement, des douleurs au patient lors d'un examen clinique, il a subi un forçage de ses articulations particulièrement douloureux aux seules fins d'améliorer les cotations ;

- le rapport d'expertise du 17 juillet 2021, qui se démarque nettement des précédents, reflète le manque de neutralité des experts ;

- alors même qu'il a accepté une indemnisation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, il était recevable à former une action en responsabilité contre le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ;

- les séquelles dont il souffre ne sont pas uniquement la conséquence de l'infection nosocomiale qu'il a contractée au décours de l'intervention du 23 juin 2003 ;

- le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a commis plusieurs fautes en raison de son manquement à son obligation d'information du patient, de l'absence d'investigation complémentaire préopératoire, du caractère injustifié de l'indication opératoire et de la prise en charge défectueuse de l'infection nosocomiale ;

- aucune faute exonératoire de la victime ne peut être retenue, dès lors qu'il n'a pas, par son comportement, contribué à l'aggravation de son dommage ;

- l'ensemble des préjudices subis sont la conséquence directe et immédiate des fautes commise par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ;

- subsidiairement, il a droit à être indemnisé de la perte de chance, qui doit être évaluée à 100 %, de refuser l'intervention litigieuse, d'éviter une aggravation de son état et de bénéficier d'une amélioration de celui-ci ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le juge écarterait la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, il est recevable et bien-fondé à solliciter de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la réparation des préjudices non encore indemnisés ;

- à titre plus subsidiaire, les protocoles transactionnels qu'il a conclus avec l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont entachés de nullité dès lors que, en raison d'un traitement médicamenteux particulièrement lourd, ses facultés de discernement étaient abolies ;

- il a subi des préjudices patrimoniaux temporaires qu'il évalue, à titre principal, à une somme de 667 461,76 euros, dont 2 996,30 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 423 468,57 euros ou, subsidiairement, 264 667,85 euros au titre de l'assistance par tierce personne, 240 996,89 euros ou subsidiairement 126 594,09 euros au titre de la perte de gains professionnels ;

- il a subi des préjudices patrimoniaux permanents qu'il évalue, à titre principal, à une somme de 1 982 930,95 euros, à laquelle s'ajoute une somme correspondant aux dépenses de santé futures relatives à l'achat de trois fauteuils roulants avec renouvellement quinquennal et au coût des soins de plaies et de cicatrices, dont 1 927,25 euros au titre des autres dépenses de santé futures, 529 000 euros ou subsidiairement 328 000 euros au titre des frais de logement adapté, 223 518,64 euros au titre des frais d'acquisition et d'adaptation du véhicule, 568 710,79 euros au titre de l'assistance par tierce personne, 522 670,27 euros ou, subsidiairement, 435 145,43 euros au titre de la perte de gains professionnels, 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 10 000 euros au titre du préjudice scolaire, universitaire et de formation et 27 104 euros au titre des frais d'honoraires de son médecin-conseil ;

- il a subi des préjudices extrapatrimoniaux temporaires qu'il évalue à la somme de 89 407,51 euros, dont 59 407,51 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 25 000 euros au titre des souffrances endurées et 5 000 euros au titre du préjudice esthétique ;

- il a subi des préjudices extrapatrimoniaux permanents qu'il évalue à la somme de 315 000 euros, dont 210 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément et du préjudice permanent exceptionnel, 20 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 15 000 euros au titre du préjudice sexuel, 20 000 euros au titre du préjudice d'établissement et 20 000 euros au titre du préjudice extrapatrimonial évolutif ;

- compte tenu du manquement du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à son obligation d'information du patient, il a subi un préjudice d'impréparation de 15 000 euros.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 27 octobre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, représentée par Me Gatineau, conclut :

- à titre principal, à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme de 61 166,72 euros au titre des dépenses de santé actuelles servies à M. A... avant la consolidation fixée au 31 décembre 2008, la somme de 10 774,86 euros au titre des dépenses de santé futures servies du 31 décembre 2008 au 27 septembre 2021 et, pour la période postérieure au 27 septembre 2021, une somme capitalisée de 25 320,88 euros au titre des dépenses de santé futures ou, à défaut, une rente viagère annuelle de 678,31 euros ;

- à titre subsidiaire :

- à la confirmation du jugement n° 1302384 et 1602338 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2017 en tant qu'il a statué sur ses droits ;

- à la rectification de l'erreur matérielle affectant ce jugement en ce qu'il a condamné le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui payer une rente annuelle de 207,50 euros au lieu de 322,50 euros ;

- en tout état de cause :

- à la capitalisation des intérêts sur les sommes dues à compter du 27 octobre 2021 ;

- à la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à la mise à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville ne fait aucun doute et, avec elle, l'obligation pour cet établissement de lui rembourser le montant de ses débours ;

- elle est fondée à réclamer, en appel, la somme de 61 166,72 euros au titre des dépenses de santé servies avant le 31 décembre 2008, la somme de 10 774,86 euros au titre des dépenses de santé servies entre le 1er janvier 2009 et le 27 septembre 2021 et, pour la période postérieure au 27 septembre 2021, la somme de 25 320,88 euros ou, à défaut une rente viagère annuelle de 678,31 euros ;

- à titre subsidiaire, à défaut de prise en compte de la nouvelle situation de M. A..., le jugement de première instance doit être confirmé ;

- les frais médicaux annuels ne s'élevant pas à 23 euros, mais à 6 fois 23 euros, soit 138 euros, c'est par une erreur matérielle que la renté annuelle, mise à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville par les premiers juges, a été fixée à 207,50 euros au lieu de 322,50 euros.

Par un courrier du 28 novembre 2023, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que, sous réserve des prestations servies postérieurement à la date du jugement de première instance et de celles dont le montant ne pouvait être justifié avant cette date, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne tendant au remboursement de ses débours, en tant qu'ils excèdent la somme totale de 83 916,87 euros, ne sont pas recevables.

Par un autre courrier du 28 novembre 2023, les parties ont également été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que, en application du principe selon lequel une personne publique est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre elle-même, notamment en émettant un titre exécutoire à l'encontre du débiteur, les conclusions du centre hospitalier régional de Metz-Thionville tendant à ce que M. A... soit condamné à rembourser tout ou partie des sommes versées en exécution du jugement de première instance ne sont pas recevables.

Une réponse aux courriers du 28 novembre 2023, présentée pour le centre hospitalier régional de Metz-Thionville par Me Eustache, a été reçue le 1er décembre 2023 et communiquée le jour même.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Annilus pour M. A... et de Me Eustache pour le centre hospitalier de Metz-Thionville.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité des opérations et du rapport d'expertise :

1. Aux termes du second alinéa de l'article R. 621-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Par le serment, l'expert s'engage à accomplir sa mission avec conscience, objectivité, impartialité et diligence. ".

2. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a produit en appel un rapport d'enquête privée du 12 mars 2020 et deux enregistrements vidéo montrant, au cours de la journée du 9 mars 2020, M. A..., qui, lors des précédentes expertises, affirmait être dans l'incapacité de se verticaliser et contraint de demeurer en permanence dans un fauteuil roulant, se déplacer de façon autonome sur la voie publique à l'aide de deux béquilles, s'asseoir et se lever d'un banc sans prendre appui sur ces béquilles et, après s'être absenté plusieurs heures pour aller faire des courses en compagnie d'une autre personne, franchir aisément le seuil de la porte d'entrée de son immeuble après avoir entré le code d'accès. Sur la base de ces éléments nouveaux, la cour, après avoir également relevé que le requérant n'avait effectué, entre le 23 juin 2003 et le 31 décembre 2017, qu'un seul achat de fauteuil roulant, a ordonné, par un arrêt avant dire droit du 28 décembre 2020, une nouvelle expertise médicale aux fins de déterminer avec exactitude la nature et l'étendue des préjudices réellement subis par lui.

3. Il n'est pas contesté que, le jour de cette expertise qui a été réalisée le 31 mars 2021, l'intéressé s'est présenté en fauteuil roulant avec des talonnettes hautes de douze centimètres dans chaque chaussure, empêchant ainsi le maintien arrière de ses pieds et le bon déroulement du pas, et que l'examen clinique de la victime a été rendu particulièrement difficile par la présence permanente et inexpliquée, au niveau des adducteurs des hanches et des membres inférieurs, d'une forte contraction musculaire de nature à fausser les résultats. Si M. A... se défend d'avoir cherché à entraver le travail des experts, il ne saurait leur être reproché d'avoir procédé à deux reprises, afin d'apprécier avec exactitude l'ampleur de ses mobilités articulaires, à une manipulation systématique de ses articulations, dont il n'est pas établi qu'elles auraient été forcées dans le but d'améliorer les cotations retenues, ni d'avoir exigé de lui, compte tenu des aptitudes révélées par les enregistrements vidéo fournis par l'établissement public de santé, qu'il effectue un transfert de son fauteuil roulant à la table d'examen et un déplacement sur quelques mètres à l'aide de béquilles. Au surplus, dans un dire annexé au rapport du 17 juillet 2021, le représentant de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, également présent lors de la précédente expertise du 6 janvier 2017, prend soin de rappeler qu'ils avaient " rencontré à l'époque les mêmes difficultés (...) lors de l'examen [de ce] patient algique difficile à manipuler ".

4. Le requérant fait également valoir que son examen clinique a été réalisé, non pas par l'expert spécialisé en chirurgie orthopédique, mais par le sapiteur spécialisé en médecine physique et de réadaptation, que les manipulations pratiquées sur ses articulations lui auraient causé de vives douleurs, que les experts auraient estimé à tort qu'il avait simulé sa chute et son malaise vagal et qu'ils auraient posé des questions ou tenu des propos inappropriés sur la responsabilité du centre hospitalier, sur l'utilisation par la victime des sommes allouées au titre de son indemnisation, ainsi que sur le statut de son colocataire et les conditions de son assistance. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait été publiquement et volontairement humilié par les experts, ni victime de maltraitance de leur part. Dans ces conditions, de telles circonstances, pour regrettables que soient certaines d'entre elles, ne suffisent pas à entacher d'irrégularité les opérations d'expertise. En outre, contrairement aux allégations de M. A..., la présence de l'assureur du centre hospitalier régional de Metz-Thionville lors de l'examen clinique de la victime, qui n'a au demeurant pas été contestée lors des opérations par les parties présentes, n'a pas été de nature à porter atteinte au caractère contradictoire de ces opérations.

5. Enfin, il ne résulte pas du contenu du rapport d'expertise du 17 juillet 2021, lequel n'excède pas le cadre de la mission impartie par le juge, que les experts auraient manqué à leur devoir d'impartialité et de neutralité. En particulier, la circonstance que les conclusions de ce rapport se démarquent de celles des rapports précédents ne permet pas de caractériser un tel manquement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des opérations et du rapport d'expertise doit être écarté.

Sur la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville :

6. D'une part, aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. ". Aux termes de l'article R. 4127-32 du même code : " Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. ". Aux termes de l'article R.4127-40 du même code : " Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 1111-2 du même code : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 4127-35 du même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. ".

8. Enfin, aux termes du second alinéa du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du même code : " Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. / (...) / Si l'office qui a transigé avec la victime estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de produits de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 1142-14 est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci. Cette action subrogatoire ne peut être exercée par l'office lorsque les dommages sont indemnisés au titre de l'article L. 1142-1-1, sauf en cas de faute établie de l'assuré à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. ". Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / (...) ".

9. Il résulte des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique que lorsque l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a indemnisé la victime ou ses ayants droit au titre de l'article L. 1142-1-1 de ce code, il ne peut exercer une action en vue d'en reporter la charge sur l'établissement où l'infection s'est produite qu'en cas " de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ". Il résulte également des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le recours de la caisse de sécurité sociale, subrogée dans les droits de la victime d'un dommage corporel, s'exerce contre les auteurs responsables de l'accident. Si, en application des dispositions des articles L. 1142-1-1 et L. 1142-17 du code de la santé publique, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit indemniser au titre de la solidarité nationale, notamment, les victimes des infections nosocomiales les plus graves, cet établissement public ne peut être regardé comme le responsable des dommages que ces infections occasionnent. Il suit de là que la caisse qui a versé des prestations à la victime d'une telle infection ne peut exercer un recours subrogatoire contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Il résulte encore des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique que le législateur, dérogeant dans cette hypothèse aux dispositions du second alinéa du I de l'article L. 1142-1, qui prévoit un régime de responsabilité de plein droit des établissements de santé en cas d'infection nosocomiale, a entendu que la responsabilité de l'établissement où a été contractée une infection nosocomiale dont les conséquences présentent le caractère de gravité défini à l'article L. 1142-1-1 ne puisse être recherchée qu'en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Il suit de là que, lorsque le degré de gravité des dommages résultant de l'infection nosocomiale excède le seuil prévu à l'article L. 1142-1-1, c'est seulement au titre d'une telle faute qu'une caisse de sécurité sociale ayant versé des prestations à la victime peut exercer une action subrogatoire contre l'établissement où l'infection a été contractée.

10. Il résulte de l'instruction que M. A..., alors âgé de vingt-six ans et souffrant de gonalgies anciennes entraînant une gêne fonctionnelle modérée, pour lesquelles il était suivi depuis 1996, a été admis le 22 juin 2003 à l'hôpital Notre Dame de Bon Secours, dépendant du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, où il a été opéré le lendemain d'une ostéotomie tibiale de valgisation destinée à corriger un " genu varum " et, dans le même temps, d'un allongement de jambe bilatéral. Cette double intervention, totalement contre-indiquée chez un patient ne présentant aucun signe d'arthrose et mesurant 169 centimètres, soit vingt-neuf centimètres de plus que la taille maximale admise pour bénéficier d'un tel allongement, a été suivie de complications septiques et fonctionnelles graves, dont la responsabilité incombe intégralement au centre hospitalier régional de Metz-Thionville. Les manquements fautifs de cet établissement, caractérisés par une indication opératoire initiale contraire aux règles de l'art, une absence d'information du patient sur les risques encourus et une prise en charge tardive et inadaptée de l'infection nosocomiale contractée par l'intéressé au décours de son opération, sont la cause exclusive, directe et immédiate des dommages dont il est demandé réparation. En l'absence de toute contestation sur ce point, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que M. A..., l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne étaient fondés à solliciter la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à les indemniser de l'ensemble des préjudices en lien avec les fautes ainsi commises.

Sur la responsabilité de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales :

11. Eu égard à ce qui précède, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de statuer sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... à titre subsidiaire et tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Sur les préjudices :

12. D'une part, le juge administratif saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel ou d'un recours de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, subrogé dans les droits de la victime en application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime ou à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, subrogé dans ses droits, dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale. Lorsqu'il procède à l'évaluation des préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues par le débiteur, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et la victime. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne saurait, toutefois, obtenir un montant supérieur à celui qu'il a versé à la victime.

13. Il appartient également au juge administratif, qui doit assurer à la victime la réparation intégrale de son préjudice, de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que son jugement n'ait pour effet de lui procurer, par suite des indemnités qu'elle a pu obtenir par ailleurs, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi.

14. Il résulte de l'instruction que, en application de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a versé à M. A... la somme globale de 652 476,99 euros par sur la base de trois protocoles transactionnels conclus avec l'intéressé les 15 mai 2008, 1er septembre 2009 et 23 septembre 2010. De son côté, à la suite de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine du 28 mars 2006, l'assureur du centre hospitalier régional de Metz-Thionville a également accordé au requérant une provision de 31 880 euros à valoir sur son indemnisation définitive en vertu d'une quittance provisionnelle, datée du 31 juillet 2006 et contresignée par le bénéficiaire le 7 août 2006.

15. Enfin, le principe de réparation intégrale du préjudice n'implique pas de contrôle de l'utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition. Il en résulte notamment que, s'il est loisible au juge, lorsqu'il décide d'accorder une rente pour l'indemnisation d'un besoin futur conduisant la victime à exposer des dépenses de santé, de demander à celle-ci de produire, à des intervalles réguliers, des éléments de nature à justifier de la persistance de ce besoin et à permettre d'évaluer l'évolution du montant de son reste à charge, le versement de la rente à la victime ne peut être subordonné à la production de justificatifs d'engagement de dépenses.

16. D'autre part, eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. S'agissant, en revanche, des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable.

17. En outre, lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel, la caisse ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement ou portant sur des prestations dont elle était dans l'impossibilité de justifier le montant avant cette date. Il n'en va différemment que si le tribunal a, à tort, omis de mettre la caisse en cause devant lui, auquel cas celle-ci peut obtenir, le cas échéant d'office, l'annulation du jugement en tant qu'il statue sur les préjudices au titre desquels elle a exposé des débours et présenter ainsi, pour la première fois devant le juge d'appel, des conclusions tendant au paiement de l'ensemble de ces sommes.

18. Il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, régulièrement mise en cause dans le litige par le tribunal administratif de Strasbourg, a sollicité devant les premiers juges la condamnation du centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme totale de 83 916,87 euros, soit 38 269,50 euros au titre des frais médicaux, 3 669,28 euros au titre des frais pharmaceutiques, 1 946,45 euros au titre des frais de transport, 656,23 euros au titre des frais d'appareillage, 17 968,18 euros au titre des frais d'hospitalisation et 21 407,23 euros au titre des dépenses de santé futures. Si, en appel, elle porte ses prétentions indemnitaires à 97 262,46 euros, elle n'établit pas, par les éléments versés au dossier, qu'une telle augmentation correspondrait au remboursement de prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement de première instance ou dont le montant ne pouvait être justifié avant cette date. Par suite, les conclusions subrogatoires de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ne sont recevables que dans la limite de 83 916,87 euros.

En ce qui concerne la date de consolidation :

19. Le rapport d'expertise du 17 juillet 2021 a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. A... au 31 décembre 2008, soit six mois environ après la dernière intervention chirurgicale qu'il a subie, le 19 juin 2008, pour curetage d'une ostéite du membre inférieur. S'il est vrai que les deux précédents rapports d'expertise des 31 janvier 2013 et 28 janvier 2017 avaient, quant à eux, retenu la date du 28 février 2012, les circonstances que le requérant ait été victime postérieurement d'une fracture de la main gauche à la suite d'une chute et qu'il ait connu plusieurs épisodes infectieux ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation sur ce point des experts missionnés par la cour. Dans ces conditions et alors que la pathologie de M. A... n'est pas évolutive, ses lésions doivent être regardées comme consolidées au 31 décembre 2008. A cette date, l'intéressé, né le 11 octobre 1976, était âgé de trente-deux ans.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

20. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise du 17 juillet 2021, qui préconise le remplacement des cannes et des fauteuils roulants tous les cinq ans, que, si M. A... peut se verticaliser et se déplacer à l'aide de béquilles, son périmètre de marche et son maintien en station debout demeurent limités et que l'usage du fauteuil roulant, compte tenu de la gravité de ses séquelles orthopédiques et fonctionnelles, reste indispensable. En revanche, il ressort de ce même rapport, ainsi que du rapport du sapiteur spécialisé en médecine physique et en réadaptation, qui lui est joint, que les coussins anti-escarres et les genouillères articulées apparaissent inutiles et sans nécessité de renouvellement.

21. Pour la période antérieure à la date de mise à disposition du présent arrêt, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que M. A... a fait l'acquisition de trois fauteuils roulants en 2008, 2019 et 2020 pour des montants respectifs de 2 527,55, de 627,99 et de 662,89 euros. Si la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a pris à sa charge la somme de 666,79 euros au titre du premier achat, il résulte des factures versées au dossier que les deux autres achats lui ont été directement et intégralement facturés. L'état de santé du requérant a également entraîné des dépenses au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport pour un montant de 499,95 euros en ce qui concerne les dépenses laissées à sa charge. De son côté, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne justifie avoir exposé des débours au titre des dépenses de santé à hauteur de 61 166,72 euros pour la période allant du 23 juin 2003 au 31 décembre 2008 et de 10 774, 86 euros pour la période allant du 1er janvier 2009 à la date de mise à disposition du présent arrêt. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer à M. A... la somme de 2 360,71 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 71 941,58 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

22. Pour la période postérieure à la date de mise à disposition du présent arrêt, M. A... ne justifie pas de la somme de 1 927,25 euros qu'il réclame au titre des dépenses de santé futures et ne démontre pas davantage supporter un reste à charge du fait de l'acquisition, tous les cinq ans, d'un fauteuil roulant et de béquilles. Par suite, il n'y a pas lieu de l'indemniser pour ce poste de préjudice. En revanche, il résulte de l'instruction et, notamment, de l'évaluation des frais futurs viagers établie par le médecin-conseil de la caisse que le centre hospitalier régional de Metz-Thionville doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne une rente annuelle de 678,31 euros à partir de la date de mise à disposition du présent arrêt.

S'agissant de l'assistance par tierce personne :

23. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par des membres de sa famille ou d'autres proches est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée.

24. Il résulte du rapport d'expertise du 17 juillet 2021 que le besoin de M. A... d'assistance d'une tierce personne est évalué par les experts, avant la date de consolidation, à une heure par jour pendant la période allant du 20 août 2003 au 31 décembre 2005, puis à quarante minutes par jour pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. Pour la période postérieure à la date de consolidation et donc à partir du 1er janvier 2009, ce besoin se limite à trente minutes par jour pour l'habillage et de déshabillage de la partie inférieure du corps de la victime. Les experts estiment que, pour les trois périodes, M. A... a besoin d'une assistance complémentaire de quatre heures par semaine pour les déplacements et l'entretien du domicile.

25. D'une part, exclusion faite des jours d'hospitalisation, sur la base d'une durée annuelle de 412 jours pour inclure les congés et compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, soit, s'agissant d'une aide non spécialisée, 11,50 euros de l'heure jusqu'à la date de consolidation, puis 14 euros de l'heure, les frais d'assistance par tierce personne de M. A... se montent à 122 644,23 euros pour la période allant du 20 août 2003 au 25 janvier 2024.

26. D'autre part, pour la période postérieure à la date de mise à disposition du présent arrêt, en application du barème de capitalisation 2022 publié par la Gazette du Palais et d'un coefficient de capitalisation de 41,576 pour un homme âgé de quarante-sept ans, le préjudice subi par M. A... au titre de l'assistance par tierce personne doit être évalué, sur la base d'une durée annuelle de 412 jours et d'un tarif horaire de 15 euros, à la somme de 274 069 euros.

S'agissant des frais de véhicule adapté :

27. Il résulte de l'instruction, spécialement du rapport d'expertise du 28 janvier 2007, que l'état de santé de M. A... nécessite l'acquisition, tous les sept ans, d'un véhicule adapté avec commandes au volant et boîte de vitesses automatique. Contrairement aux allégations de l'intéressé, qui en mesure de se verticaliser, seul le surcoût résultant de ces deux aménagements est imputable aux manquements fautifs du centre hospitalier régional de Metz-Thionville. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer au requérant la somme de 3 000 euros à ce titre et, afin de prendre en compte la nécessité d'un renouvellement de véhicule tous les sept ans, la somme capitalisée de 15 000 euros.

S'agissant des frais de logement adapté :

28. Il résulte de l'instruction, spécialement du rapport d'expertise du 17 juillet 2021, que l'état de santé de M. A... nécessite un aménagement de son domicile impliquant, à tout le moins, l'installation de poignées de maintien dans les toilettes et dans la salle de bains. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer au requérant la somme de 4 000 euros à ce titre.

S'agissant de la perte de gains professionnels :

29. Il résulte du rapport d'expertise du 28 janvier 2017 que M. A..., qui, avant l'intervention litigieuse du 23 juin 2003, avait exercé successivement, pendant certaines périodes, les fonctions de téléphoniste, d'appariteur de laboratoire, d'animateur à la mairie de Paris et d'agent de police municipal, est susceptible d'occuper un emploi rémunéré au salaire minimum interprofessionnel de croissance n'impliquant pas des déplacements, ni la station debout. Toutefois, l'intéressé, qui était sans emploi au moment de la survenance de ses lésions et qui allègue, sans l'établir, avoir envisagé alors de reprendre ses études en vue d'une éventuelle reconversion dans le secteur du tourisme, ne démontre pas avoir été privé, du fait de ses séquelles orthopédiques, fonctionnelles et psychologiques, d'une chance sérieuse d'occuper un tel emploi. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder au requérant une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels.

S'agissant de l'incidence professionnelle et du préjudice universitaire ou de formation :

30. En se bornant à produire une attestation d'inscription, pour l'année 2004-2005 à l'unité de formation et de recherche de lettres et de sciences humaines de l'université de Paris 12, M. A... ne démontre pas avoir subi un préjudice universitaire ou, à tout le moins, de formation. En revanche, en raison des séquelles orthopédiques, fonctionnelles et psychologiques imputables à l'intervention du 23 juin 2003, il a subi une dévalorisation sur le marché du travail, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant la somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

S'agissant des frais divers :

31. M. A... sollicite le versement d'une somme de 27 104 euros au titre des frais d'honoraires du médecin conseil qui l'a assisté au cours des opérations d'expertise successives. Toutefois, quel que soit l'investissement et le travail fourni par cet expert, la facturation demandée s'avère excessive. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en portant à 12 000 euros la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal administratif.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

32. Il résulte du rapport d'expertise du 17 juillet 2021 que, en dehors des périodes d'hospitalisation d'une durée totale de huit mois et huit jours, au cours desquelles son déficit fonctionnel temporaire a été total, M. A... a présenté une incapacité de 75 % du 20 août 2003 au 31 décembre 2005 et de 50 % du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. A... au titre du déficit fonctionnel temporaire en condamnant le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme de 24 000 euros.

S'agissant des souffrances endurées jusqu'à la consolidation :

33. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par M. A... jusqu'à la consolidation de son état de santé en confirmant le jugement de première instance en ce qu'il a alloué à M. A... la somme de 25 000 euros pour ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

34. Il résulte du rapport d'expertise du 17 juillet 2021 que les experts ont évalué le préjudice esthétique avant consolidation de M. A... à 3/7. Eu égard aux complications infectieuses et fonctionnelles présentées par l'intéressé, à la présence de cicatrices sur ses membres inférieurs et au port de fixateurs externes, c'est à bon droit que les premiers juges ont indemnisé la victime à hauteur de 5 000 euros pour ce chef de préjudice.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

35. Il résulte de l'instruction, spécialement du rapport d'enquête privée du 12 mars 2020 et des deux enregistrements vidéo produits par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, que le requérant est en mesure de se mettre debout, de marcher sur la voie publique à l'aide de béquilles, de s'asseoir sur un banc et de se lever sans prendre appui sur ses béquilles et de franchir aisément le seuil de la porte d'entrée de son immeuble après avoir entré le code. Dans ces conditions et alors toutefois que le périmètre de marche et le maintien en station debout de l'intéressé demeurent limités et que l'usage du fauteuil roulant s'avère parfois nécessaire, il y a lieu de retenir, à la suite du rapport d'expertise du 17 juillet 2021, un déficit fonctionnel permanent de 41 %. Eu égard à l'âge du requérant à la date de consolidation, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en lui allouant une somme de 120 000 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément et du préjudice permanent exceptionnel :

36. M. A... n'établit pas, par les photographies versées au dossier, avoir subi des troubles dans la pratique de sa religion du fait de ses séquelles orthopédiques et fonctionnelles. Par suite, il ne saurait, en tout état de cause, prétendre à ce titre à l'indemnisation d'un préjudice permanent exceptionnel. En revanche, il résulte de l'instruction que le requérant, qui était âgé de vingt-six ans à la date de l'intervention du 23 juin 2003 et qui ne présentait alors que des douleurs modérées aux genoux, pratiquait de nombreuses activités sportives. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en lui allouant une somme de 20 000 euros à ce titre.

S'agissant du préjudice esthétique permanent :

37. Il résulte du rapport d'expertise du 17 juillet 2021 que le préjudice esthétique permanent a été évalué par les experts à 3/7. Eu égard à l'obligation pour M. A... de se déplacer en fauteuil roulant ou à l'aide de béquilles, à la déformation de ses membres inférieurs, à la présence sur ses jambes de nombreux éléments cicatriciels et à une prise de poids importante lié au traitement par corticoïdes, c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué 10 000 euros à ce titre.

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S'agissant du préjudice sexuel et d'établissement :

38. Il résulte de l'instruction que, en raison des douleurs causées par ses séquelles physiques et psychiatriques, de la prise d'antalgiques qui en découle et de son état d'invalidité, il est difficile pour M. A..., qui est célibataire et sans enfant, de nouer de nouvelles relations amoureuses et de fonder un foyer. Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en tant qu'il a accordé à M. A... les sommes de 15 000 et 20 000 euros au titre du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement.

S'agissant du préjudice extra-patrimonial évolutif :

39.Un préjudice résultant de la crainte de développer une pathologie grave peut être indemnisé s'il présente un caractère direct et certain.

40. Il résulte de l'instruction que M. A... a, à plusieurs reprises, été confronté à des épisodes infectieux récidivants. Eu égard à l'anxiété générée chez la victime par les risques de réactivation de l'ostéite bilatérale dont il est atteint, c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué 5 000 euros à ce titre.

En ce qui concerne le préjudice d'impréparation :

41. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

42. Eu égard à la gravité des séquelles auxquelles M. A... a été confronté dans les suites de l'intervention du 23 juin 2003, sans y avoir été préparé, il y a lieu de lui allouer la somme de 10 000 euros à ce titre.

Sur les frais des expertises diligentées par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine :

43. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne justifie pas du montant des frais des expertises diligentées par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine, dont il réclame le remboursement. Par suite et en tout état de cause, ses conclusions présentées en ce sens doivent être rejetées.

Sur la répartition de l'indemnisation mise à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville :

44. D'une part, il résulte de tout ce qui précède que le montant total des préjudices de M. A..., arrêté par les premiers juges à la somme de 1 286 488,29 euros, doit être ramené à la somme de 702 073,94 euros. Le requérant ayant déjà perçu de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de l'assureur du centre hospitalier régional de Metz-Thionville les sommes, respectivement, de 652 476,99 euros et de 31 880 euros, il y a lieu de condamner l'établissement public de santé mis en cause à verser à la victime la somme de 17 716,95 euros, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'expertise présentée par l'intéressé.

45. Si le centre hospitalier régional de Metz-Thionville sollicite le remboursement du surplus de la somme qu'il a versée à M. A... en exécution du jugement de première instance, de telles conclusions ne sont pas recevables dès lors qu'une personne publique n'est pas recevable à demander au juge administratif de prendre des mesures qu'elle a le pouvoir de prendre elle-même, notamment en émettant des titres exécutoires à l'encontre de ses débiteurs.

46. D'autre part, il y a lieu de condamner l'établissement public de santé à verser à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 652 476,99 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 71 941,58 euros, ainsi qu'une rente annuelle de 678,31 euros. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 18, les conclusions subrogatoires de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ne sont recevables que dans la limite de 83 916,87 euros. Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ne peut donc être condamné à payer cette rente que dans la limite d'un montant cumulé de 11 975,29 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

47. C'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. A... avait droit aux intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2003, date de réception de sa saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine, et que leur capitalisation, qui a été demandée le 26 août 2016, devait intervenir à cette date, puis tous les douze mois consécutifs à compter de celle-ci. C'est également à bon droit qu'ils ont considéré que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales avait droit aux intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

48. Les sommes allouées à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne porteront intérêts à compter du 27 octobre 2021 et les intérêts échus au 27 octobre 2022, puis tous les douze mois consécutifs à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur l'indemnité forfaire de gestion :

49. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 118 € et 1 191 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2023. ".

50. En application de ces dispositions, il y a lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, qui sollicite l'indemnité forfaitaire de gestion pour la première fois en appel, la somme de 1 191 euros à ce titre.

Sur les dépens :

51. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ".

52. D'une part, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Strasbourg a mis à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 350,60 euros une ordonnance de sa présidente du 8 mars 2017. Il n'y a pas lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, de modifier la dévolution des dépens effectuée par les premiers juges.

53. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 3 390 euros par une ordonnance n° 18NC00574 de la présidente de la cour du 20 octobre 2021.

Sur les frais de justice :

54. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A..., par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 539 621,66 euros, mise à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville par les premiers juges, est ramenée à la somme de 17 716,95 euros. Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2003 et de leur capitalisation à compter du 26 août 2016.

Article 2 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville est condamné à verser à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 652 476,99 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015.

Article 3 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 71 941,58 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2021 et de leur capitalisation à compter du 27 octobre 2022, ainsi qu'une somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Il est également condamné à payer à cette caisse une rente annuelle de 678,31 euros, dans la limite d'un montant cumulé de 11 975,29 euros.

Article 4 : Le jugement n° 1302384 et 1602338 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La somme de 3 390 euros correspondant au montant total des frais de l'expertise, liquidés et taxés par une ordonnance n° 18NC00574 de la présidente de la cour du 20 octobre 2021 est mise à la charge de M. A....

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...s A..., au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

Copie en sera adressée aux experts requis.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : C. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 18NC00574 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00574
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-01 Procédure. - Instruction. - Moyens d'investigation. - Expertise. - Recours à l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : UGGC AVOCATS & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;18nc00574 ?
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