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16/11/2023 | FRANCE | N°22NC03194

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 22NC03194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 2205301, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par une requête n° 2205302, Mme E... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le

préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 2205301, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par une requête n° 2205302, Mme E... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n°s 2205301, 2205302 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, M. B... C... et Mme E... née D..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ;

5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

s'agissant des refus de titre de séjour :

- le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;

- ces décisions méconnaissent les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions sur leurs situations personnelles ;

s'agissant des obligations de quitter le territoire français :

- elles sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité affectant les refus de titre de séjour ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions sur leurs situations personnelles ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elles sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité affectant les refus de titre de séjour et les obligations de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2023.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C... et Mme E... née D..., ressortissants kosovares nés le 14 mai 1970 et le 5 octobre 1974, sont entrés en France selon leurs dires le 24 septembre 2018 avec leur fils, M. A... C.... L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 28 décembre 2018 leur demande d'admission au statut de réfugié. Le 29 décembre 2019 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Le 15 juin 2020, Mme C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par trois arrêtés du 2 décembre 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement n°s 210126, 2101262, 2101263 du 10 avril 2021, que la cour a confirmé le 24 juin 2022 par un arrêt n° 21NC03223, 21NC03224, 21NC03225, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Le 5 mai 2022, M. C... et Mme C... ont sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 21 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin leur a refusé, chacun en ce qui le concerne, la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. C... et Mme C... relèvent appel du jugement du 16 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 21 juillet 2022.

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. C... soutient que le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation, au motif que celui-ci n'aurait pas pris en compte ses qualifications professionnelles, son expérience, ses diplômes ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il serait candidat. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet a pris en considération la durée de son séjour en France, la scolarité de son fils A... et la circonstance que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. C..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, l'autorité préfectorale a pris en compte ces mêmes éléments ainsi que la circonstance que Mme C... n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de son état de santé. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme C..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier aliéna de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. M. C... et Mme C... soutiennent être présents en France depuis bientôt quatre ans au jour de la décision attaquée, que leur fils A... a obtenu son baccalauréat en juin 2022 et qu'il entend intégrer une licence de " Langues étrangères appliquées " à l'université de Mulhouse en septembre 2022, que M. C... détient une promesse d'embauche, que Mme C... souffre d'une grave pathologie ophtalmique qu'elle ne peut soigner dans son pays, qu'ils parlent français et ont consenti à d'importants efforts d'intégration. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... et Mme C... ne pouvaient ignorer la précarité de leur situation sur le territoire national, que la durée de leur séjour, au demeurant de moins de quatre ans trouve essentiellement son origine dans leur refus répété d'exécuter les décisions d'éloignement prises à leur égard, que leur fils désormais majeur a terminé un cycle de formation avec l'obtention d'un baccalauréat et qu'il n'est pas établi que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour des intéressés en France, les arrêtés litigieux du 21 juillet 2022 n'ont pas porté au droit de M. C... et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Ainsi, le préfet du Haut-Rhin n'a ni méconnu les stipulations et dispositions précitées, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle des intéressés.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

6. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, les arrêtés du 21 juillet 2022 énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des diverses décisions qu'ils comportent et satisfont dès lors à l'obligation de motivation.

8. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. C... et Mme C... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, les décisions fixant le pays de destination n'ont pas été prises sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme E... née D... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC03194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03194
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-16;22nc03194 ?
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