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16/11/2023 | FRANCE | N°20NC03776

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 20NC03776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de... a retiré son contrat à durée déterminée renouvelé pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 et d'enjoindre à la commune de ... de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1905971 du 23 octobre 2020, le

tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de... a retiré son contrat à durée déterminée renouvelé pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 et d'enjoindre à la commune de ... de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1905971 du 23 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés le 23 décembre 2020 et le 27 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Arvis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré son contrat à durée déterminée renouvelé pour la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre à la commune de ... de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de ... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure méconnaît le principe du contradictoire dès lors que le délai de réponse de deux jours ouvrés accordé pour répondre au moyen susceptible d'être relevé d'office communiqué le vendredi 9 octobre 2020 pour l'audience du mardi 13 octobre 2020 était insuffisant alors même que le 12 octobre 2020, son conseil avait demandé le renvoi de l'audience en raison de ce délai insuffisant ;

- le jugement est insuffisamment motivé quant à la réponse apportée au moyen tiré du détournement de pouvoir ;

- la décision attaquée du 29 mai 2019 est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que son contrat de travail lui a été retiré en raison de sa condamnation pénale et non de sa qualité de fonctionnaire territoriale ;

- le jugement méconnaît l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n°17VE00325 et n°17VE00327 du 12 décembre 2019 qui juge que Mme A... a été radiée des effectifs de la commune de... depuis le 1er février 2012 et de la commune de... depuis le 10 février 2012 ;

- la décision attaquée du 29 mai 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas eu droit à la communication personnelle et confidentielle de son dossier administratif demandé le 27 mai 2019 ;

- à titre subsidiaire, elle méconnaît l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que son recrutement n'était pas illégal et que le délai de quatre mois était dépassé ;

- en tout état de cause, Mme A... pouvait être recrutée en qualité de contractuelle malgré son statut de fonctionnaire dès lors qu'elle n'est plus affectée à un emploi.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2021 la commune de ... représentée par Me Jeandon conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires,

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jeandon, représentant la commune de ....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., fonctionnaire territoriale titulaire du grade de rédacteur en chef, a été recrutée à compter du 1er février 2016 sur contrat à durée déterminée de trois ans sur les fonctions de responsable du service financier de la ville de ..., renouvelé le 1er février 2019 pour une nouvelle durée de trois ans. Par un arrêté du 29 mai 2019, notifié le 3 juin, la ville a retiré son contrat et a mis fin à ses fonctions à compter du 14 juin 2019. Mme A... fait appel du jugement du 23 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ".

3. Ces dispositions, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, impliquent que le délai accordé aux parties pour répondre au moyen communiqué soit raisonnable.

4. En l'espèce, la lettre de communication du vendredi 9 octobre 2020 informant les parties que le tribunal était susceptible de relever d'office un moyen, reçu par l'avocat de Mme A... à 12 h 18 le même jour, mentionne que des observations peuvent être présentées jusqu'à la date de l'audience, le mardi 13 octobre 2020. Toutefois, le tribunal administratif n'a finalement pas retenu ce moyen dans le jugement attaqué. Au surplus, même si le conseil de Mme A... a adressé un courrier au tribunal le 12 octobre 2020 sollicitant le renvoi du dossier à une autre audience, il n'a pas jugé utile de présenter des observations écrites et orales. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

5. En second lieu, aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation en écartant le moyen tiré du détournement de pouvoir soulevé par Mme A... en indiquant que ce détournement n'était pas établi.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. D'une part, aux termes de l'article 7 de la loi du 26 janvier 1984 " Les fonctionnaires territoriaux ont vocation à occuper les emplois de la fonction publique territoriale. ", de l'article 25 de cette même loi " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade. ". Par ailleurs, il résulte de l'article 25 de la loi du 26 janvier 1984 que " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. " et de l'article 25 septies que " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision " et l'article 241-2 de ce même code : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ".

8. Il résulte de ces dispositions qu'un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits. Ainsi, l'autorité compétente pour le prendre peut en conséquence le retirer ou l'abroger alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à un fonctionnaire d'informer de certains éléments la collectivité publique auprès de laquelle il postule, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état.

9. D'une part, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire une obligation d'informer son futur employeur public de son statut de fonctionnaire lors de sa candidature à un emploi contractuel. D'autre part, les nombreux contentieux engagés par Mme A... depuis 2014 avec d'autres collectivités publiques qui se sont clos définitivement par la décision de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 juillet 2023 et qui ont donné lieu à des décisions divergentes sur son statut, révèlent des incertitudes sur sa situation administrative et statutaire lors de la présentation de sa candidature et la difficulté à en faire mention alors qu'en outre elle n'était plus affectée sur aucun poste dans son administration d'origine depuis le 1er février 2012. Par suite, la fraude fondée sur un manquement à une obligation d'information sur sa qualité de fonctionnaire n'est pas caractérisée.

10. En l'espèce, la décision portant renouvellement de son contrat à durée déterminée pour une durée de trois ans signée le 28 novembre 2018 a été retirée au-delà du délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration par la décision attaquée du 29 mai 2019, notifiée le 3 juin suivant et n'est pas justifiée par l'existence d'une fraude. Par suite, la décision attaquée est illégale et est annulée.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction de la réintégrer dans ses fonctions :

12. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, outre la réintégration juridique rétroactive de cet agent à la date de la décision d'éviction illégale, entraînant la régularisation de ses droits sociaux, sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction illégale ou dans un emploi équivalent à celui-ci. Toutefois, si l'annulation du licenciement d'un agent contractuel implique en principe la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction, cette réintégration doit être ordonnée sous réserve de l'examen de la date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin si la mesure d'éviction illégale n'était pas intervenue.

13. Il résulte de ce qui précède que l'annulation de la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré le contrat à durée déterminée de Mme A... n'implique pas sa réintégration effective dans ses fonctions dès lors que son contrat aurait pris fin le 31 janvier 2022. Par suite ses conclusions à fin d'injonction tendant à sa réintégration dans ses fonctions sont rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de ... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1905971 du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 29 mai 2019 par laquelle la commune de ... a retiré le contrat à durée déterminée du 1er février 2019 au 31 janvier 2022 conclu avec Mme A... et l'a radiée des effectifs à compter du 14 juin 2019 sont annulés.

Article 2 : La commune de ... versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de ....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Peton, première conseillère,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC03776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03776
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-16;20nc03776 ?
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