Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux arrêtés du 29 mars 2022 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de renouveler leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2022 et le 10 octobre 2023, sous le n°22NC02206, M. F... D..., représenté par Me Manla Ahmad, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022 pour ce qui le concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4)°de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur un moyen tiré du vice de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté contesté dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été émis au regard de l'ensemble de la situation médicale de son fils E... ;
Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 425-10 du même code ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 23, 24 et 28 de cette même convention ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 7 et 24 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-10 du même code ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des observations.
Par une décision bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 17 mars 2023, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2022 et le 10 octobre 2023, sous le numéro 22NC02207, Mme A... D..., représentée par Me Manla Ahmad, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2203580, 2203582 du 22 juillet 2022 pour ce qui la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 29 mars 2022 la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur un moyen tiré du vice de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté contesté dès lors l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été émis au regard de l'ensemble de la situation médicale de son fils E... ;
Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 425-10 du même code ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 2, 23, 24 et 28 de cette même convention ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 7 et 24 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-10 du même code ;
- elle est entachée d'une d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une décision bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 17 mars 2023, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention internationale des personnes handicapées ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport C... Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants albanais, sont entrés en France le 20 décembre 2018, accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Le 6 janvier 2020, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parents d'enfant malade sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, en raison de l'état de santé de leur fils E.... Le préfet de la Moselle leur a délivré une autorisation provisoire de séjour, renouvelée jusqu'au 21 mai 2021. M. et Mme D... ont sollicité le renouvellement de cette autorisation. Par deux arrêtés du 29 mars 2022, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler les autorisations provisoires de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des visas et des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, opérant, invoqué par M. et Mme D... dans leurs mémoires en réplique enregistrés au greffe du tribunal le 8 juillet 2022 et tiré de ce qu'il n'était pas établi, en l'absence de production du dossier médical de leur fils, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait statué en prenant en considération l'ensemble des pathologies dont souffre cet enfant. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions des demandes C... et Mme D... tendant à l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de leurs autorisations provisoires de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les décisions portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour :
4. En premier lieu, par un arrêté du 31 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a donné à M. Delcayrou, secrétaire général, délégation pour signer, entre autres, tous actes en matière de police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées manque en fait.
5. En deuxième lieu, les décisions en litige, qui n'ont pas à énoncer l'ensemble des éléments relatifs à la situation C... et Mme D..., comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfont, par suite, à l'exigence de motivation.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers, en particulier du dossier médical du fils des requérants qui a été produit à l'instance par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le collège de médecins de cette autorité a rendu son avis sur la base d'un dossier retraçant l'ensemble des pathologies de l'enfant. En outre et à supposer que les requérants aient entendu soulever un tel moyen, l'avis rendu par l'Office est conforme aux exigences de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
7. En quatrième lieu, les requérants, qui n'établissent pas avoir sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peuvent utilement soutenir que l'absence d'examen de leur situation au regard de cet article, que le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office, révèlerait un défaut d'examen de leurs demandes de titre de séjour. Il ne ressort pas davantage des motifs des décisions contestées, qui font référence aux enfants C... et Mme D..., que le préfet de la Moselle n'aurait pas tenu compte de l'intérêt supérieur de ces derniers.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet de la Moselle se serait estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. "
10. D'une part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
11. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
12. Pour refuser de renouveler l'autorisation provisoire de séjour dont bénéficiaient M. et Mme D... en qualité de parents d'un enfant malade sur le fondement de
l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 août 2021. Il résulte de cet avis que l'état de santé du fils des requérants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'il peut y voyager sans risque.
13. Les requérants font valoir que leur fils E..., né en 2010, est atteint d'une déficience cognitive majeure associée à un trouble du spectre autistique avec épilepsie lésionnaire et une microcéphalie, qui nécessite un suivi par un neuropédiatre en hospitalisation de jour tous les deux mois. Toutefois, les comptes rendus d'hospitalisation qu'ils ont produits, antérieurs à l'avis du collège de médecins de l'OFII, qui décrivent seulement les pathologies dont souffre l'enfant ainsi que le traitement médicamenteux dont il bénéficie pour stabiliser son épilepsie, ne sont pas de nature à établir l'indisponibilité d'un suivi adapté à son handicap dans leur pays d'origine. Les considérations générales extraites d'un rapport de l'UNICEF de l'année 2015, qui relèvent en des termes généraux la stigmatisation des enfants handicapés en Albanie et les difficultés de leur prise en charge sur le plan éducatif, que corroborent des observations formulées par le Défenseur des droits dans le cadre d'autres instances contentieuses, ne sont pas davantage de nature à établir que leur fils ne pourrait pas recevoir des soins appropriés à son état de santé en Albanie. Quant au certificat médical d'un neuro-pédiatre albanais, il se borne à mentionner, sans autres précisions, que l'Albanie ne peut offrir à l'enfant la prise en charge que nécessite son état de santé. Ces diverses pièces ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause les conclusions du collège de médecins de l'OFII concernant l'existence d'une prise en charge médicale adaptée E... en Albanie. Enfin, la circonstance que M. et Mme D... disposent en France de faibles revenus, n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer leur impossibilité d'accéder effectivement au traitement approprié à l'état de leur enfant dans leur pays d'origine. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler leurs autorisations provisoires de séjour.
14. En septième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
15. Les requérants font valoir que l'état de santé de leur fils nécessite un suivi
neuro-pédiatrique rapproché ainsi qu'une prise en charge spécialisée, préconisée par la maison départementale des personnes handicapées qui l'a orienté vers un institut médico-éducatif, et qu'une rupture de cette prise en charge entrainerait un risque vital. Ils invoquent également l'intérêt de leur fille à poursuivre sa scolarité à l'école élémentaire. Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que le fils C... et Mme D... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies dans leur pays d'origine et qu'il ne pourrait pas y être scolarisé. Il n'est pas davantage établi que leur fille ne pourrait pas, eu égard notamment à son jeune âge, poursuivre sa scolarité en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que des articles 2, 23, 24 et 28 de cette convention, qui au demeurant ne créent des obligations qu'à l'égard des Etats sans ouvrir de droit aux intéressés, doivent être écartés.
16. En huitième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions en litige, qui ne fixent aucun pays de destination.
17. En neuvième lieu, aux termes de l'article 8 de la même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
18. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme D..., qui sont entrés récemment sur le territoire français, ont été admis à y séjourner temporairement en raison de l'état de santé de leur fils. Ils n'établissent pas, en se bornant à se prévaloir notamment de leur participation aux activités d'un centre socio-culturel, de leur apprentissage du français et de l'activité sportive de leur fille, d'une intégration particulière à la société française. S'ils allèguent être dépourvus d'attaches familiales en Albanie, ils ne le démontrent pas, alors qu'ils y ont vécu la majeure partie de leur vie. Si leur fils est atteint d'un trouble autistique associé à des crises d'épilepsie et que la maison départementale des personnes handicapées s'est prononcée en faveur de son orientation vers un institut médico-éducatif, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'un accès effectif à un traitement adapté à sa situation ne serait pas possible en Albanie. Enfin, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine et à ce que leur fille y poursuive sa scolarité. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle aurait porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et, par suite, qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
19. En dixième lieu, aux termes de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées : " (...). / 2. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...)". Aux termes de l'article 24 de cette même convention : " Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l'éducation. En vue d'assurer l'exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances, les États Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l'insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d'éducation (...). ".
20. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 13 qu'il n'est pas établi que le fils C... et Mme D... ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, ainsi que de l'article 24 de la même convention, qui au demeurant ne crée pas de droits dont les personnes privées pourraient se prévaloir envers les Etats parties, doit être écarté.
21. En dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces des dossiers, compte tenu notamment de ce qui a été précédemment indiqué, qu'en prenant les décisions contestées, le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale des requérants au regard de son pouvoir de régularisation.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
22. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
23. M. et Mme D... n'établissent ni même n'allèguent qu'ils rempliraient personnellement les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle a entaché d'illégalité les décisions en litige.
24. En second lieu, les requérants n'établissent pas, eu égard à ce qui a été mentionné précédemment, que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions en les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
25. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... n'ont pas établi l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de ces dernières doit être écarté.
26. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
27. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
28. Il ressort des termes mêmes des décisions attaquées que, pour fixer à douze mois la durée des interdictions de retour sur le territoire français prononcées à l'encontre C... et Mme D..., le préfet de la Moselle a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la courte durée de leur présence sur le territoire français, l'absence de liens anciens, stables et intenses avec la France et le fait que, s'ils ne représentent pas une menace pour l'ordre public, ils ne justifient d'aucune circonstance particulière qui s'opposerait au prononcé à leur encontre d'une interdiction de retour. Le préfet a également indiqué que M. D... s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige sont insuffisamment motivées.
29. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
30. En dernier lieu, les requérants ne démontrent pas, ainsi qu'il a été dit au point 13, que leur fils ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap en Albanie. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Moselle aurait entaché les décisions en litige d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur leur situation.
31. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont fondés à demander ni l'annulation des arrêtés en tant qu'ils refusent de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parents d'un enfant malade, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juillet 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation des décisions du 29 mars 2022 portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. et Mme D....
Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme D... en première instance tendant à l'annulation des décisions portant refus de délivrer une autorisation provisoire de séjour contenues dans l'arrêté du 29 mars 2022 et le surplus des conclusions de leurs requêtes d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... née B..., à M. F... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUXLe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N°s 22NC02206, 22NC02207 2