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14/11/2023 | FRANCE | N°20NC02855

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 14 novembre 2023, 20NC02855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler son compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 notifié le 26 février 2019, ensemble la décision du 27 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 mars 2019 et le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 comportant le visa de l'autorité territoriale.

Par une ordonnance n° 1904593 du 30 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020, et un mémoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler son compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 notifié le 26 février 2019, ensemble la décision du 27 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 mars 2019 et le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 comportant le visa de l'autorité territoriale.

Par une ordonnance n° 1904593 du 30 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Grimaldi, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 30 juillet 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 notifié le 26 février 2019, ensemble la décision du 27 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 19 mars 2019 et le compte-rendu d'évaluation pour l'année 2018 comportant le visa de l'autorité territoriale ;

3°) d'enjoindre à la commune de Colmar de réexaminer sa valeur professionnelle et les acquis de son expérience professionnelle pour l'année 2018, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Colmar à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que sa demande a été rejetée pour tardiveté dès lors que l'historique d'envoi établi par les services postaux démontre que la décision en cause lui a été notifiée le 16 avril 2020 ;

- les dispositions de l'article 76 de la loi n°84-53 modifiée et de l'article 2 du décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 ont été méconnues dans la mesure où son entretien professionnel a été mené par deux personnes, Mme B..., responsable d'une des structures dans laquelle elle avait effectué des remplacements en 2018, ainsi que Mme A..., cheffe du service petite enfance ; elle a également effectué des remplacements au sein de trois autres sites en 2018, dont les responsables n'étaient pas présents ; aucune allusion sur sa valeur professionnelle à propos de ces autres remplacements n'a été mentionnée dans le compte-rendu ; si la commune soutient que l'entretien a été mené par Mme A... en qualité de supérieure hiérarchique directe, c'est bien le nom de Mme B... qui figure en tant qu'évaluateur ; or, seule sa supérieure hiérarchique directe, qui n'est pas déterminée en l'espèce, était en droit de mener l'entretien ;

- les dispositions de l'article 76 de la loi n° 84-53 modifiée et celle de l'article 6 du décret précité ont été méconnues dès lors que le compte-rendu était intégralement rédigé avant l'entretien, et n'a pas été modifié ; elle a dû signer le compte-rendu en même temps que ses évaluatrices à la fin de l'entretien et n'a pas pu rédiger d'observations ayant trait aux difficultés liées à ses conditions de travail ; par ailleurs, le visa de l'autorité territoriale est complété par une appréciation complémentaire rajoutée sur le compte-rendu d'évaluation après notification, alors que la rédaction alors en vigueur de l'article 76 précité de la loi n° 83-54 n'autorisait pas l'autorité territoriale à apposer ses propres observations au moment du visa ;

- le compte-rendu d'évaluation est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa valeur professionnelle dès lors qu'elle n'a jamais refusé le travail d'agent d'exécution demandé, mais a simplement relevé que celui-ci ne correspondait pas aux termes de la fiche de poste définissant les missions de l'éducateur de jeunes enfants, agent de conception et d'encadrement ; le travail d'exécution réalisé dans les autres structures n'a pas été relevé par la supérieure hiérarchique directe ; ses conditions de travail sont difficiles du fait des nombreux changements d'horaires, de lieux de travail, l'installant dans la précarité et empêchant tout travail dans la durée, et des souffrances relevées régulièrement, notamment par le médecin du travail ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, la commune de Colmar, représentée par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'accusé de réception du courrier de rejet du recours gracieux est daté du 13 avril 2018 et ne fait aucune mention du fait que le courrier aurait été retiré à une date ultérieure ; l'historique produit aux termes duquel le courrier aurait en fait été reçu ultérieurement n'a pas été produit en première instance, de sorte que la requérante ne peut s'en prévaloir ;

- l'entretien a été mené par Mme A..., cheffe du service petite enfance, supérieure hiérarchique directe de Mme C... ; aucune disposition n'interdit la présence d'une autre personne ; elle n'a été privée d'aucune garantie dans la mesure où Mme B... étant la directrice de la structure au sein duquel Mme C... a principalement exercé en 2018, elle était la personne la plus à même de porter une appréciation objective sur la qualité de son travail ;

- le compte-rendu d'entretien a été notifié conformément aux dispositions de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 dès lors qu'aucune disposition ne prévoit un délai minimum entre l'entretien et la rédaction, puis la notification du compte-rendu ; en tout état de cause, une irrégularité éventuelle n'aurait pu exercer d'influence sur le sens de la décision ni ne l'aurait privée d'une garantie ; en effet, elle a pu s'exprimer lors de l'entretien et pouvait rédiger ses observations sur le compte-rendu avant d'y apposer sa signature, puis s'est à nouveau vu communiquer le compte-rendu visé par l'autorité territoriale ;

- la circulaire du 23 avril 2012 relative aux modalités d'application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 prévoit que l'autorité hiérarchique peut apposer ses observations sur la valeur professionnelle du fonctionnaire ; en tout état de cause, la présence de ce visa, qui ne contredit en rien les observations de la supérieure hiérarchique de l'appelante, n'a exercé aucune influence sur le sens du compte-rendu et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie dans la mesure où il lui a été communiqué ;

- pour l'appréciation de la valeur professionnelle de l'agent, rien n'interdit à l'employeur public de prendre en compte la réalisation de l'ensemble des autres tâches qui lui sont confiées, y compris lorsqu'elles relèvent d'un grade inférieur au sien ; en l'espèce, les critères retenus pour l'évaluation correspondent à ceux exigés par l'article 4 du 16 décembre 2014 ; les compétences souhaitées pour le poste d'éducatrice de jeunes enfants chargée de remplacement étaient rappelées dans la fiche de poste de la requérante que cette dernière a signée ; au regard de ces éléments, la commune a considéré que de nombreuses compétences dont l'appelante était censée faire preuve, notamment en ce qui concerne la manière de servir et l'efficacité dans l'emploi, étaient encore à consolider ou à développer et a ainsi retenu un défaut d'investissement dans ses missions ; Mme C... ne produit aucun élément de nature à démontrer une erreur manifeste d'appréciation sur ce point, ni ne justifie de la difficulté alléguée de ses conditions de travail.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., éducatrice de jeunes enfants chargée de remplacements au sein du service de la petite enfance de la commune de Colmar, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le compte-rendu d'évaluation professionnelle dont elle a fait l'objet le 26 février 2019 au titre de l'année 2018 et d'enjoindre à la commune de réexaminer sa valeur professionnelle au titre de cette année. Par une ordonnance du 30 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande pour tardiveté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ". Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a formé un recours gracieux contre le compte-rendu de son évaluation au titre de l'année 2018 par un courrier du 19 mars 2019, lequel a suspendu le délai de recours jusqu'à la notification de la décision de rejet expresse édictée par le maire de la commune de Colmar le 27 mars 2019. Si la commune produit l'avis de réception de l'envoi en recommandé de cette décision, mentionnant que le pli a été présenté le 13 avril 2019 sans comporter la date explicite à laquelle il été notifié à l'intéressée, la requérante produit pour sa part l'historique d'envoi de cette lettre recommandée établi par les services postaux et faisant état d'une notification le 16 avril 2019, la circonstance que ce document ait été produit pour la première fois en appel alors que l'intéressée aurait été en mesure de le transmettre au tribunal administratif étant sans incidence sur sa recevabilité. Dans ces conditions et alors que la commune ne conteste pas les mentions portées sur cet historique, l'administration n'établit pas que la décision attaquée a été notifiée à la date du 13 avril 2019 et, par suite, que la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2019 est tardive. Il s'ensuit que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que sa demande a été rejetée comme irrecevable par ordonnance sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la requérante en première instance.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes de l'article 76 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, dans sa rédaction applicable au litige : " L'appréciation, par l'autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. Les commissions administratives paritaires ont connaissance de ce compte rendu ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent demander sa révision. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct (...) ". Aux termes de l'article 5 du même texte : " Le compte rendu de l'entretien, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard des critères fixés à l'article 4. ".

6. La fiche de poste de la requérante précise que cette dernière effectue des remplacements au sein de diverses structures d'accueil de la petite enfance de la commune de Colmar, sous l'autorité des directeurs de structure à qui il appartient de définir les actions attendues au sein de l'établissement, et que Mme C... agit sous l'autorité de la cheffe du service de la petite enfance. Or il ressort des pièces du dossier que son entretien d'évaluation, s'il a bien été effectué en présence de la cheffe de service, a été conduit par la responsable de l'une des structures dans lesquelles la requérante a été amenée à effectuer un remplacement au titre de l'année 2018, et qui ne pouvait donc, pour l'application des dispositions précitées, au regard de la diversité des fonctions de remplacement effectuées par l'intéressée, être regardée comme le supérieur hiérarchique direct de la requérante nonobstant la circonstance que Mme C... aurait été affectée dans la structure dirigée par la personne qui a réalisé son évaluation la majeure partie de l'année 2018. L'évaluation a ainsi été menée dans des conditions irrégulières, selon la seule appréciation d'une responsable de structure, ce qui a privé Mme C... de la garantie d'un examen global de son service au vu de l'intégralité des tâches de remplacement effectuées et a été de nature à exercer une influence sur le sens de l'évaluation. Elle doit, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le motif d'annulation retenu implique qu'il soit enjoint à la commune de Colmar de procéder au réexamen de la valeur professionnelle de la requérante au titre de l'année 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de Colmar au titre des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens.

9. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Colmar une somme de 2 000 euros à verser à la requérante au titre de ces mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juillet 2020 est annulée.

Article 2 : L'évaluation professionnelle de Mme C... au titre de l'année 2018 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Colmar de procéder au réexamen de la valeur professionnelle de Mme C... au titre de l'année 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Colmar versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Colmar tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la commune de Colmar.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Wurtz, président,

Mme Bauer, présidente-assesseure,

M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER

Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 20NC02855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02855
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI-MOLINA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-14;20nc02855 ?
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