Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... G... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 à 2016.
Par un jugement n° 1903042 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2022, M. G... D..., représenté par Me Lachaize, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été privé du bénéfice de la garantie, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié rendue opposable par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, de pouvoir débattre utilement avec l'interlocuteur interrégional des points de désaccord subsistant sur les rectifications proposées ;
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité en raison de l'insuffisante motivation de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts en se fondant sur le motif tiré d'une prétendue reprise ou extension d'une activité préexistante ; l'ensemble des indices retenu par le service est inopérant ; son activité de vente de véhicules automobiles neufs ou d'occasion constitue une entreprise nouvelle ; aucune reprise de clientèle n'a été retenue à son encontre par le service alors que la réponse ministérielle C... n° 5128 publiée au JO Sénat du 4 août 1994, page 1929, souligne le caractère déterminant de cet indice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par M. G... D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'activité de commerce de véhicules automobiles légers de M. B... G... D..., exploitant individuel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 21 mai 2013 au 31 mai 2016. A l'issue du contrôle, par une proposition de rectification du 20 décembre 2017, le service a notifié à M. G... D..., selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour les années 2014 à 2016, à raison de la remise en cause du bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de la période vérifiée. A la suite de la présentation des observations du contribuable du 20 février 2018, les suppléments d'imposition mis à la charge de M. G... D... ont été maintenus pour l'essentiel par le service dans la réponse aux observations du contribuable du 7 mars 2018. Après saisine du supérieur hiérarchique et postérieurement à la notification de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires émis le 12 novembre 2018 et à l'interlocution, les compléments d'imposition en résultant, assortis de l'intérêt de retard et de pénalités, ont été mis en recouvrement les 30 avril et 30 juin 2019 pour un montant total, en droits et pénalités, de '48 428' euros en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 à 2016. M. G... D... a présenté les 28 juin et 9 juillet 2019 deux réclamations visant à obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires. Ces réclamations ont fait l'objet d'une décision de rejet du 21 août 2019. M. G... D... relève appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations mises à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales : " L'avis ou la décision de la commission départementale doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l'administration des impôts ".
3. Les vices entachant la procédure de consultation de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que les vices de forme affectant l'avis de cette commission sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de l'avis rendu par la commission sur les désaccords subsistant entre l'administration fiscale et M. G... D... en ce qui concerne le motif fondant la remise en cause de l'exonération prévue pour la création d'entreprises nouvelles en zone d'aides à finalité régionale, doit être écarté comme inopérant.
4. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 de ce livre : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Cette charte (millésime 2018) indique en sa page 20 que " si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. (...) Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (voir p. 4) ". Les dispositions précitées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis, le cas échéant, dans un second temps, avec un fonctionnaire de l'administration fiscale de rang plus élevé. Ces garanties doivent pouvoir être exercées par le contribuable dans des conditions ne conduisant pas à ce qu'elles soient privées d'effectivité.
5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la demande présentée par M. G... D... le 2 octobre 2018, l'interlocuteur interrégional a reçu le contribuable, assisté de son conseil, dans les locaux de l'administration le 26 octobre suivant. Contrairement à ce que soutient le requérant, il résulte de l'instruction, notamment de l'examen du compte-rendu d'interlocution du 4 décembre 2018, que l'administrateur des finances adjoint a pris note des arguments exposés par le contribuable lors de cette réunion et a décidé de ne pas remettre en cause les conclusions du service vérificateur après avoir relu l'ensemble des échanges intervenus dans le cadre de la procédure et avoir étudié les faits, estimant que les éléments de faits réunis par l'administration caractérisent l'extension ou la reprise d'une activité préexistante au sens du droit fiscal. La circonstance que l'interlocuteur interrégional ne lui ait pas accordé satisfaction et qu'il n'ait pas mentionné explicitement la teneur de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu à l'issue de la séance du 12 novembre 2018, n'implique pas que l'administrateur des finances adjoint en charge de cette fonction n'aurait pas procédé à un examen critique de sa situation et se serait contenté de suivre les conclusions de cet avis. Par suite, le moyen tiré de ce que M. D... aurait été privé de tout débat utile dans le cadre de l'interlocution ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés (...) jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création (...). Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. / Le bénéfice du présent article est réservé aux entreprises qui se créent dans les zones et durant les périodes suivantes, à la condition que le siège social ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation soient implantés dans l'une de ces zones : (...) 2° A compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au 31 décembre 2013, dans les zones d'aide à finalité régionale. (...) L'exonération reste applicable pour sa durée restant à courir lorsque la commune d'implantation de l'entreprise sort de la liste des communes classées en zone de revitalisation rurale, d'aide à finalité régionale ou de redynamisation urbaine après la date de sa création. (...) III. Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au paragraphe I (...) ".
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
8. Pour remettre en cause le régime d'exonération prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts, l'administration a relevé que l'activité de vente de véhicules automobiles neufs et d'occasion exercée par M. B... G... D... n'était pas une entreprise nouvelle au sens de ces dispositions au motif que ce dernier avait repris et procédé à l'extension de l'activité préexistante déployée à titre accessoire au sein du garage automobile appartenant à son père, M. E... D..., son ancien employeur.
9. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la signature d'un compromis de vente le 28 décembre 2011, M. E... G... D... a cédé le fonds de commerce de son activité principale de réparation mécanique automobile à M. A..., cessionnaire, en excluant expressément de la cession l'activité de vente de véhicules neufs et d'occasion exercée à titre accessoire par le garage D.... Il résulte de cet acte que le cessionnaire, autorisé, uniquement à titre accessoire, à exercer une activité de négoce de véhicules automobiles, a été tenu informé que la cour, située à l'arrière des locaux loués par M. A... au cédant, serait prise à bail par M. B... G... D... dans le cadre de l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de véhicules automobiles. Si le requérant soutient avoir exercé cette activité en privilégiant la vente de véhicules de marques allemandes haut de gamme selon des méthodes de commercialisation totalement distinctes de celles mises en œuvre au sein du garage D... à la faveur de son activité de réparation, il n'en demeure pas moins que l'activité de M. B... D... est identique dans son objet à celle déployée antérieurement, à titre accessoire, par le garage D.... Il résulte également de l'instruction que si le requérant a conclu avec son employeur, le garage D..., une rupture conventionnelle de son contrat de travail le 16 mars 2012, le début de son activité, à compter du mois de mai 2013, coïncide avec la cessation effective par le garage D... de son activité de vente de véhicules automobiles d'occasion à l'été 2013. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de la réponse apportée par M. A... au service à la suite de l'exercice d'un droit de communication, que ce dernier aurait, dans les faits, repris l'activité accessoire antérieure au cours des années en litige, alors même que cette activité figure au nombre de celles qu'il a déclarées au registre du commerce et des sociétés. Il résulte également de l'instruction que certains moyens d'exploitation du garage ont fait l'objet d'un transfert au bénéfice de l'activité de M. B... G... D..., à raison des liens de parenté l'unissant au cessionnaire. Les parents du contribuable lui ont ainsi consenti un bail commercial pour l'utilisation d'une partie des locaux, affectés jusqu'en 2012 à l'ensemble des activités du garage D..., avant de lui en faire partiellement donation le 14 avril 2015. Le requérant a pu également acquérir à prix coûtant six véhicules appartenant au stock de l'entreprise de M. E... G... D... afin de conclure ses premières transactions dès le mois de juin 2013. Enfin, compte tenu de sa localisation, l'affichage d'une enseigne commerciale comportant le nom " D... " lui a permis de bénéficier de l'image de marque du garage D... pour son activité, l'usage du nom patronymique qu'il tenait de son père ne lui étant pas opposé par le service comme contrevenant à une règle de droit mais simplement à titre d'indice. Dans ces conditions, compte tenu de l'identité d'activité, de la concomitance entre le début de l'activité du contribuable et la cessation effective de celle du garage D... ainsi que de la communauté d'intérêts existant entre les deux entreprises, attestée, outre les liens de parenté l'unissant à l'ancien exploitant, par le transfert de certains moyens d'exploitation dans des conditions avantageuses, l'administration a pu estimer, à bon droit, que l'activité de M. B... G... D... avait été créée dans le cadre de la reprise de l'activité préexistante, exercée à titre accessoire par le garage D.... La circonstance que le requérant ait développé significativement le chiffre d'affaires de cette activité préexistante et la circonstance qu'il n'aurait pas bénéficié d'un transfert de clientèle, à la supposer même établie, demeurent sans incidence, dès lors que l'activité existait antérieurement et que le critère de l'identité de clientèle ne présente pas en matière de négoce de véhicules la même pertinence que pour d'autres secteurs d'activité. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a regardé l'activité du contribuable comme correspondant à la reprise d'une activité préexistante et que, pour ce seul motif, elle a pu légalement remettre en cause l'exonération d'impôt sur le revenu dont M. G... D... a bénéficié au titre des années 2014 à 2016, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
10. En dernier lieu, la réponse ministérielle à M. C..., sénateur, en date du 4 août 1994, ne fait que commenter le texte légal sans en faire une interprétation au sens et pour l'application de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales. Le requérant ne saurait, par suite, se prévaloir de cette réponse sur le fondement de cet article.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin de décharge des impositions contestées, en droits et pénalités, et par voie de conséquence, celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. G... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC01282