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09/11/2023 | FRANCE | N°21NC01786

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21NC01786


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Real Transport a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2014, du 1er janvier au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 décembre 2016, pour des montants, respectivement, de 6 399 euros, 5 892 euros et 11 780 euros.

Par un jugement n° 1902228 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejet

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Real Transport a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2014, du 1er janvier au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 décembre 2016, pour des montants, respectivement, de 6 399 euros, 5 892 euros et 11 780 euros.

Par un jugement n° 1902228 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2021, la SARL Real Transport, représentée par Me Boul, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée relative au véhicule Porsche Cayenne au motif que l'usage de celui-ci présenterait un caractère mixte, alors que ce véhicule a fait l'objet de transformations facturées le 14 novembre 2013 afin de lui conférer un usage exclusivement professionnel ; ce n'est qu'à la fin du contrat de location avec option d'achat que le véhicule a été à nouveau modifié pour en permettre un usage mixte ; la circonstance que les modifications effectuées en 2013, consistant à supprimer les sièges arrières de ce véhicule, n'auraient pas présenté un caractère irréversible est sans incidence sur la qualification de son usage et, par suite, sur la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ; les transformations effectuées en 2013 et 2016 ont d'ailleurs fait l'objet de taxes acquittées à la D.R.E.A.L. ;

- il résulte de la réponse ministérielle n° 58198 à M. A..., publiée au journal officiel le 6 avril 2010 et reprise au paragraphe 20 de la doctrine référencée BOI-TVA-DED-30-30-20 dans sa version publiée le 18 novembre 2013 que le droit à déduction s'applique aux véhicules dits " dérivés VP " qui ne comportent que deux places ; elle peut se prévaloir utilement des énonciations de cette doctrine dès lors que n'y figure aucune condition tenant à ce que les transformations soient intervenues antérieurement à l'acquisition du véhicule.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Real Transport, qui exerce une activité de transport de marchandises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. A l'issue du contrôle, par une proposition de rectification du 30 octobre 2017, le service a procédé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu'à des rappels de taxe sur les véhicules de société pour l'ensemble de la période vérifiée. Après que la société a présenté ses observations par un courrier du 22 décembre 2017, les suppléments d'imposition mis à la charge de la SARL Real Transport ont été maintenus dans la réponse aux observations du contribuable du 25 janvier 2018. Les rectifications non soumises à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ont été mises en recouvrement le 15 mars 2018 pour un montant total de 58 390 euros. Après l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu à la suite de la séance du 16 avril 2018, les suppléments d'imposition en résultant, assortis de l'intérêt de retard et de pénalités, ont été mis en recouvrement le 17 juillet 2018 pour un montant total de '33 657' euros. La SARL Real Transport a présenté le 16 mai 2018 une réclamation visant à obtenir, notamment, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison de la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée déductible relative aux loyers et aux factures de réparation et d'entretien d'un véhicule Porsche Cayenne, pour lequel la société avait conclu un contrat de location longue durée entre les mois de septembre 2013 et septembre 2016. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet du 25 janvier 2019. La SARL Real Transport relève appel du jugement du 20 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels. '''''

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de l'annexe II du même code prévoit : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; / b. Donnés en location ; / c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ; / d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; / e. De type tout terrain affectés exclusivement à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables (...), dans des conditions fixées par décret ; / f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports (...) 10° Pour les prestations de services de toute nature, notamment la location, afférentes aux biens dont le coefficient d'admission est nul en application des dispositions du 1° au 8°(...) ".

3. Pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné.

4 Il résulte de l'instruction que la SARL Real Transports a conclu un contrat de location longue durée pour l'utilisation d'un véhicule de marque Porsche modèle Cayenne, immatriculé pour la première fois le 13 septembre 2013 dans la catégorie " véhicule particulier " (VP). Il est constant que ce véhicule était équipé, à la date de sa mise en circulation, d'une banquette arrière, correspondant ainsi à un véhicule comportant cinq places assises. A supposer même que la société ait effectivement fait procéder à la suppression des sièges disposés à l'arrière du véhicule par un carrossier le 14 novembre 2013, postérieurement à la souscription du contrat, la double circonstance que le certificat d'immatriculation ait été modifié pour classer le véhicule en catégorie N1, code carrosserie J3 " dérivé VP " et que des taxes aient été acquittées à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (D.R.E.A.L.) demeure sans incidence sur sa qualification, laquelle s'apprécie en fonction de l'usage auquel ce véhicule a été normalement destiné à la date de la conclusion du contrat de location. La société requérante n'est, par suite, pas fondée à contester, en application de la loi fiscale, la remise en cause de son droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les loyers et les frais de réparation et d'entretien exposés pour le véhicule en cause.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi :

5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

6. La SARL Real Transport demande, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la réponse ministérielle n° 58198 adressée à M. A..., député, publiée au journal officiel de l'Assemblée nationale le 6 avril 2010 (p. 3957), prévoyant que les véhicules dits " dérivés VP " (véhicule particulier), qui ne comportent que deux places, ne sont pas concernés par les dispositions précitées de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts excluant le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée relative à certains véhicules. Cette réponse a été rapportée à compter du 12 septembre 2012 puis reprise partiellement, à compter de l'édition du 9 septembre 2013, au bulletin officiel des finances publiques-impôts (Bofip-impôts) sous la référence BOI-TVA-DED-30-30-20. Cette instruction précise en son point n° 20 que les véhicules qui ne comportent que deux places dits " dérivé VP " sont commercialisés sous les appellations " société ", " affaire " ou " entreprise ". Elle rappelle également en son point n° 40 que " c'est à la date de son acquisition ou de sa location qu'il doit être apprécié si un véhicule est conçu ou non pour le transport de personnes ou à usages mixtes ".

7. Il résulte de l'instruction que la livraison du véhicule Porsche Cayenne n'a pu intervenir qu'à compter du 13 septembre 2013, date de sa première immatriculation, de sorte que la société requérante serait susceptible de se prévaloir de la doctrine administrative précitée dans sa rédaction en vigueur à compter du 9 septembre 2013. Toutefois, cette doctrine précise que le droit à déduction en faveur des véhicules conçus pour un usage professionnel concerne également les véhicules dits " dérivés VP " commercialisés sous les appellations " société ", " affaire " ou " entreprise " et qui disposent dès l'origine de deux places assises. Le véhicule en cause n'ayant pas été configuré lors de sa location comme un véhicule de deux places destiné à un usage professionnel et n'ayant pas été commercialisé sous les appellations précédemment énoncées, la SARL Réal Transports ne saurait se prévaloir de la doctrine invoquée dans les prévisions desquelles sa situation n'entre pas, compte tenu des caractéristiques du véhicule en litige. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Real Transport n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin de décharge doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Real Transport est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Real Transport et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC01786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01786
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-09;21nc01786 ?
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