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07/11/2023 | FRANCE | N°21NC01478

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 21NC01478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 mars 2016 par lequel le directeur général de l'Office national des forêts l'a réintégré dans un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'Office national des forêts.

Par un jugement n° 1801855 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enreg

istrés les 21 mai et 25 novembre 2021, et un mémoire récapitulatif enregistré le 20 mars 2023, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 mars 2016 par lequel le directeur général de l'Office national des forêts l'a réintégré dans un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'Office national des forêts.

Par un jugement n° 1801855 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai et 25 novembre 2021, et un mémoire récapitulatif enregistré le 20 mars 2023, M. B... représenté en dernier lieu par Me Lehmann de la Selarl Richard et Lehmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2021 ;

2°) de déclarer nul et non avenu l'arrêté du 24 mars 2016 par lequel le directeur de l'Office national des forêts l'aurait réintégré sur un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg ;

3°) d'enjoindre à l'Office national des forêts dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'une part, de reconstituer sa carrière à compter de l'annulation de l'arrêté contesté, d'autre part, de retirer les arrêtés des 24 mars et 20 mai 2016 prononçant sa suspension et lui infligeant une sanction ;

4°) de mettre à la charge le versement à Me Lehmann, avocat de M. B..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement est irrégulier dans la mesure où, contrairement à ce qui est indiqué, il ne s'est pas borné, dans ses écritures de première instance, à demander l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2016 et il n'a pas demandé à ce que les frais de l'instance soient mis à la charge de l'Etat ; le tribunal a omis de statuer et a dénaturé ses conclusions ;

- en s'abstenant de viser les différents arguments exposés dans ses mémoires des 25 février et 22 juin 2020 et d'y répondre, le tribunal a entaché son jugement d'une motivation insuffisante et donc d'irrégularité ;

- le jugement est irrégulier en tant que, en méconnaissance du droit au procès équitable prévu par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a inversé la charge de la preuve ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur les mesures de suspension du 24 mars 2016 et de placement à la retraite d'office du 21 mai 2016 pour apprécier la légalité de la décision du 24 mars 2016 prononçant sa réintégration ;

- le tribunal a commis une erreur de droit sur la tardiveté de sa demande de première instance ;

- alors que la décision du 24 mars 2016 est nulle et non avenue, sa demande de première instance est recevable ;

- il appartient à l'Office national des forêts de justifier qu'il a placé M. B... dans une position statutaire régulière en le nommant et réintégrant effectivement dans ses fonctions sur un poste vacant ; dans le cas contraire, en méconnaissance de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, il s'agit d'une nomination pour ordre, qui a eu lieu sur un poste inexistant ; par conséquent, la décision du 24 mars 2016 est nulle et non avenue et est inexistante juridique ; aucun délai de recours contentieux ne peut lui être opposé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, l'Office national des forêts, représenté par la SCP Delvolvé-Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision de réintégration ne correspondant pas à une nomination pour ordre qui serait inexistante, la demande de première instance est tardive.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, alors en vigueur ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret du 17 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., technicien forestier, exerçait, en dernier lieu, les fonctions de chef de triage de Schoenbourg au sein de l'unité territoriale de Saverne de l'agence Nord Alsace de l'Office national des forêts (ONF). Par un arrêté du 22 avril 2014, le directeur national de l'ONF lui a infligé la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office avec radiation des cadres à compter du 1er mai 2014. Par un jugement du 25 février 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 22 avril 2014 et a enjoint à l'ONF de réintégrer M. B... ainsi que de procéder à la reconstitution administrative de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par un arrêté du 24 mars 2016, M. B... a été réintégré dans un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'ONF. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté. Un jugement du 24 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg puis un arrêt du 27 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy ont rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit déclaré nul et non avenu. M. B... a, de nouveau, demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté du 24 mars 2016 et de le déclarer nul et non avenu. Par un jugement du 23 mars 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. / Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle (...) ". Aux termes du I de l'article 3 du décret du 17 décembre 2013 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs forestiers de l'Office national des forêts : " I. - Les membres du corps des techniciens supérieurs forestiers de l'Office national des forêts exercent les fonctions suivantes : / 1° Ils contribuent à la mise en œuvre des missions de protection, de conservation et de surveillance de la forêt et des milieux naturels, dans le cadre du régime forestier ou des missions d'intérêt général qui sont confiées à l'Office national des forêts. Ils constatent les infractions énumérées à l'article L. 161-1 du code forestier. A cet effet, ils sont assermentés et commissionnés conformément à l'article R. 161-2 du code précité. Ils contribuent au bon déroulement des ventes publiques ; / 2° Ils participent, tant au titre du service de gestion que dans le cadre des conventions passées par l'établissement avec l'Etat, les autres personnes morales de droit public et les personnes privées, à toutes les tâches actives de technique forestière, d'exploitation, d'aménagement et d'équipement de la forêt et des milieux naturels associés. / Ils peuvent, pour tout ou partie de leurs fonctions, être en charge d'un secteur forestier dénommé triage et être spécialisés dans les différents domaines de compétence de l'Office national des forêts auprès de chacun de ses niveaux d'organisation. Ils peuvent se voir confier des missions particulières, notamment en matière de formation professionnelle, de recherche et développement, et de santé et sécurité au travail ainsi qu'en matière d'accueil du public dans les milieux naturels et forestiers (...) ". Selon le II de l'article 4 du même décret : " II. - Les techniciens supérieurs forestiers de l'Office national des forêts exercent leurs fonctions dans les différents services de l'Office national des forêts ".

3. L'arrêté du 22 avril 2014 du directeur général de l'ONF portant mise à la retraite d'office de M. B... a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg, du 25 février 2016, devenu définitif, au motif que le délai de convocation de quinze jours au moins avant la séance du conseil de discipline prévu par l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat avait été méconnu, ce qui avait privé M. B... d'une garantie. En exécution de ce jugement qui enjoignait au directeur général de l'ONF de procéder à la réintégration de M. B... au sein de cet établissement, l'intéressé a été réintégré dans un poste d'agent patrimonial au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace à Schoenbourg, par un arrêté du 24 mars 2016. Alors qu'il appartenait à l'ONF, dans le cadre de l'exécution de ce jugement, de placer M. B... dans une position régulière et de le réintégrer effectivement, une telle circonstance faisait obstacle à ce que cette réintégration puisse revêtir, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une nomination pour ordre.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".

5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que M. B... l'a lui-même indiqué en première instance, que l'intéressé a eu notification de l'arrêté contesté, qui comportait les mentions des voies et délais de recours, le 29 mars 2016. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté puisse revêtir le caractère d'une nomination pour ordre qui puisse être contestée en dehors de tout délai de recours contentieux. M. B... a introduit sa demande le 19 mars 2018 devant le tribunal administratif de Strasbourg, soit plus de deux ans après avoir eu notification de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, cette demande a donc été présentée tardivement et n'était pas recevable.

6. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable.

En ce qui concerne les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

8. D'une part, le jugement attaqué vise une conclusion de la demande de M. B... comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration de l'intéressé alors que, dans son mémoire complémentaire, M. B... demandait à ce que cet arrêté soit déclaré nul et non avenu. Toutefois, dans ses motifs, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M B... en estimant que l'intéressé ne démontrait pas que " l'arrêté contesté aurait le caractère d'une nomination pour ordre dont la nullité peut être constatée à toute époque ". Par suite, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas omis de statuer sur cette conclusion.

9. D'autre part, le jugement attaqué vise une des conclusions de la demande de M. B... comme tendant à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors que M. B... a demandé à ce qu'une telle somme soit mise à la charge de l'ONF. Toutefois, malgré cette erreur, le jugement attaqué, dans ses motifs, a rejeté les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et n'a donc pas omis de statuer sur cette conclusion.

10. En deuxième lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par M. B.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de viser ou de répondre à tous les arguments avancés par M. B..., a répondu au moyen tiré de ce que la décision du 24 mars 2016 constituerait en réalité une nomination pour ordre. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une motivation insuffisante.

11. En dernier lieu, M. B... soutient que le tribunal administratif de Strasbourg, dans le jugement attaqué, aurait inversé la charge de la preuve, méconnu le droit à un procès équitable protégé par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aurait commis une erreur de droit en se fondant sur des décisions postérieures pour apprécier la légalité de la décision contestée de suspension. De telles allégations, qui sont relatives au bien-fondé du jugement attaqué, sont sans incidence sur sa régularité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui a rejeté sa demande comme irrecevable, serait irrégulier. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de sa requête doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que l'ONF demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office national des forêts présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Office national des forêts et à Me Lehmann.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC01478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01478
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : FRACHET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-07;21nc01478 ?
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