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07/11/2023 | FRANCE | N°21NC01046

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 21NC01046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et Me Catherine Matarin ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de Strasbourg a rejeté les recours gracieux qu'ils avaient formés, les 20 et 21 février 2018, contre son arrêté du 22 décembre 2017, en tant qu'il exclut la profession d'avocat du bénéfice du forfait de stationnement journalier " professions mobiles ".

Par un jugement n° 1803765 du 9 février 2021, le tribunal administra

tif de Strasbourg a rejeté leur demande ainsi que les conclusions de la commune ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et Me Catherine Matarin ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de Strasbourg a rejeté les recours gracieux qu'ils avaient formés, les 20 et 21 février 2018, contre son arrêté du 22 décembre 2017, en tant qu'il exclut la profession d'avocat du bénéfice du forfait de stationnement journalier " professions mobiles ".

Par un jugement n° 1803765 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ainsi que les conclusions de la commune de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2021, Me Catherine Matarin et l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, représentés par Me Placidi, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de Strasbourg de réexaminer leurs demandes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme d'un euro symbolique, à verser à Me Matarin, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur appel n'est pas tardif ;

- en excluant la profession d'avocat du bénéfice du tarif applicable aux professionnels mobiles, la commune de Strasbourg a institué une différence de traitement qui n'est pas justifiée et a ainsi méconnu le principe d'égalité ; c'est à tort qu'il a été tenu compte du code NAF ; il n'y a pas lieu de tenir compte des notions de livraison, ou de proportion d'utilisation du véhicule, auxquelles le règlement litigieux ne se réfère pas ;

- l'arrêté du 22 décembre 2017 porte atteinte au principe de participation des avocats au service public de la justice ainsi qu'à leur obligation de ponctualité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2021, la commune de Strasbourg, représentée par Me Kern, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et de Me Matarin d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Placidi, pour les requérants, et de Me Kern pour la commune de Strasbourg.

Une note en délibéré, présentée pour Me Catherine Matarin et l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, a été enregistrée le 14 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités qui décident d'instituer une redevance de stationnement sur leur territoire doivent déterminer, par délibération, un barème tarifaire de paiement immédiat de la redevance, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement est réglée par le conducteur du véhicule dès le début du stationnement, ainsi qu'un tarif de forfait post-stationnement, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement n'est pas réglée dès le début du stationnement ou est insuffisamment réglée. En application de ces dispositions, le conseil municipal de Strasbourg a d'abord fixé, par une délibération du 25 septembre 2017, les montants des redevances de stationnement sur la voirie à compter du 1er janvier 2018. Puis, par un arrêté du 22 décembre 2017, le maire de Strasbourg a modifié en conséquence le règlement général de la circulation qui avait été adopté le 30 avril 1996. Cet arrêté a notamment modifié les durées maximales de stationnement dans les trois zones, rouge, orange et verte, précédemment définies, et a augmenté le montant des redevances au-delà de deux heures en zones rouge et orange, et de trois heures en zone verte. Par ailleurs, l'arrêté du 22 décembre 2017 maintient une tarification spécifique du stationnement pour certaines catégories d'usagers des voies publiques. Outre les résidents qui peuvent bénéficier d'un forfait mensuel de 15 euros, l'arrêté prévoit une tarification spécifique pour les usagers professionnels ayant besoin d'utiliser la voie publique pour l'exercice de leur activité professionnelle. L'article 1.3 de l'arrêté prévoit ainsi un forfait journalier de 11 euros, quelle que soit la zone de stationnement, pour les artisans, les professionnels de la santé mobile et les " métiers de bouche " amenés à effectuer des livraisons. Le bénéfice de ce forfait a également pour effet de dispenser du respect des durées maximales de stationnement définies, pour chacune des zones, dans le cadre des règles applicables au stationnement rotatif pour les usagers soumis au régime général. Si les avocats bénéficiaient d'un forfait journalier avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 22 décembre 2017, tel n'est plus le cas. Dans ce contexte, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et Me Matarin ont chacun formé un recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 22 décembre 2017, en tant qu'il exclut les avocats de ce dispositif, par des courriers reçus respectivement les 20 et 21 février 2018. Du silence gardé par la commune de Strasbourg pendant plus de deux mois sont nées des décisions implicites de rejet. L'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et Me Matarin doivent être regardés comme ayant demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites rejetant leurs recours gracieux ainsi que l'arrêté du 22 décembre 2017, en tant qu'il ne fait pas bénéficier les avocats du forfait journalier. Ils relèvent appel du jugement par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté du 22 décembre 2017 porte une atteinte à leur obligation de ponctualité dès lors que cette obligation, qui est de nature déontologique, ne saurait être utilement invoquée à l'encontre d'une réglementation municipale relative au stationnement des véhicules.

3. En deuxième lieu, l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que " les avocats sont des auxiliaires de justice ". Son article 3 bis précise que " L'avocat peut librement se déplacer pour exercer ses fonctions ". L'arrêté en litige, qui porte réglementation générale de la circulation applicable sur le territoire de la commune de Strasbourg, n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher les avocats d'exercer leur activité professionnelle, qui n'est pas subordonnée à l'usage d'un véhicule. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de participation des avocats au service public de la justice ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit. A cet égard, la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure. Dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement ainsi instituée ne doit pas être manifestement disproportionnée au regard des circonstances ou des objectifs qui la motivent.

5. L'arrêté du 22 décembre 2017 a entendu, au regard de la pression constatée dans certains secteurs de la commune de Strasbourg en terme de stationnement, permettre une meilleure rotation des véhicules, afin d'améliorer les conditions de stationnement des résidents, des visiteurs et des clients, de soutenir le commerce de proximité et de développer l'attractivité de la ville. Il indique également que le montant des redevances de stationnement sur voirie a été fixé en vue de favoriser la fluidité de la circulation, et d'aboutir à un report modal vers des déplacements plus respectueux de l'environnement. Cet arrêté a accordé le bénéfice du forfait journalier à certaines catégories d'usagers professionnels désignés comme " professionnels mobiles ". L'article 3 de l'arrêté en litige énumère la liste des activités éligibles à cette tarification préférentielle, identifiées par leur code NAF et issues de trois grandes catégories de professions que sont les artisans, les professionnels de la santé mobiles et les " métiers de bouche " amenés à effectuer des livraisons. Les requérants font ainsi grief à l'arrêté d'exclure la profession d'avocat de cette liste d'activités, et critiquent plus spécifiquement la différence de traitement entre cette profession et les médecins. D'une part, il n'est pas sérieusement contesté que l'exercice de la profession d'avocat ne nécessite ni de procéder à l'approvisionnement de commerces ou de restaurants comme le font les " métiers de bouche ", ni de transporter du matériel lourd à proximité immédiate d'habitations ou de chantiers à l'instar des artisans. D'autre part, la nature de l'activité exercée par les médecins, ainsi que par les autres professionnels de santé visés par cet arrêté, tenant en particulier à la délivrance de soins au domicile des patients, ou à la nécessité de se déplacer pour pratiquer des soins ou des interventions médicales en d'autres lieux que leur cabinet, parfois en urgence, justifie que ces professionnels de santé bénéficient d'un traitement spécifique, et en particulier d'un traitement plus favorable que les avocats. Il ne résulte pas de l'instruction que la différence de traitement ainsi instituée serait manifestement disproportionnée au regard des circonstances et des objectifs motivant la mesure litigieuse. Le fait que la condition de mobilité n'aurait pas été suffisamment précisée, et que les professionnels bénéficiaires de ce régime favorable soient seulement identifiés par leur code NAF, indépendamment de leur mobilité effective, pourrait être de nature à remettre en cause la légalité du bénéfice de la dérogation pour les professionnels de santé qui ne peuvent être regardés comme mobiles, mais ne saurait donner droit, par lui-même, aux avocats d'obtenir le bénéfice de cette dérogation. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté.

6. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

7. La commune de Strasbourg n'ayant pas la qualité de partie perdante, les conclusions de des requérants dirigées à son encontre, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le défendeur, sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg et de Me Matarin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg, à Me Catherine Matarin et à la commune de Strasbourg.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-Dye

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : S. Roussaux La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC01046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01046
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : PLACIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-07;21nc01046 ?
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