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07/11/2023 | FRANCE | N°21NC00356

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 21NC00356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armés a rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant à obtenir la somme de 2 408 454,89 euros en réparation du préjudice lié à sa radiation illégale des cadres, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation illégale, assortie des intérêts et de la c

apitalisation de ces intérêts.

Par une ordonnance du 26 mars 2019, le préside...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armés a rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant à obtenir la somme de 2 408 454,89 euros en réparation du préjudice lié à sa radiation illégale des cadres, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation illégale, assortie des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts.

Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis la demande de Mme A... au tribunal administratif de Nancy.

Par un jugement n° 1822321 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2021, Mme A..., représentée par Me Maamouri demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armés a rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant à obtenir la somme de 2 408 454,89 euros en réparation du préjudice lié à sa radiation illégale des cadres ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation illégale, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les décisions par lesquelles le ministre a décidé de l'admettre à la retraite d'office sont illégales dans la mesure où, à compter du 4 mars 2001, elle était apte à l'exercice de ses fonctions ;

- si elle devait être considérée comme inapte à ses fonctions, elle aurait dû bénéficier d'une procédure de reclassement ;

- en raison de son éviction illégale, elle a subi un préjudice de pertes de revenus qui sera exactement indemnisé à hauteur de la somme de 242 558,69 euros ;

- elle perdu une chance sérieuse d'évoluer vers un poste de catégorie A qui sera justement indemnisée à hauteur de la somme de 1 024 531,20 euros ;

- elle a subi un préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir une pension de retraite plus élevée qui sera justement indemnisée, dans l'hypothèse la plus réaliste, par l'allocation de la somme de 1 091 365 euros ;

- les troubles dans ses conditions d'existence seront justement indemnisés par l'allocation d'une somme de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Maamouri pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 août 1994, Mme A... a été titularisée dans le corps des secrétaires administratifs et a été affectée à la direction interrégionale des anciens combattants et des victimes de guerre à Strasbourg. Par un arrêté du 26 mars 2001, Mme A... a été radiée des contrôles et admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 20 février 2003 du tribunal administratif de Strasbourg en l'absence de saisine de la commission de réforme. Par un arrêté du 5 mars 2008, Mme A... a de nouveau été admise à la retraite d'office et radiée des contrôles à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 17 décembre 2008 du tribunal administratif de Strasbourg pour défaut de convocation et violation des droits de la défense lors de la réunion de la commission de réforme. Par un arrêté du 30 juillet 2010, Mme A... a, une nouvelle fois, été admise à la retraite d'office et radiée des contrôles à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 16 mai 2012 du tribunal administratif de Strasbourg en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme. Par un jugement du 8 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de sa radiation des cadres et son admission à la retraite.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, la rapporteure et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur l'étendue du litige :

5. La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre des armées sur la demande indemnitaire du 11 décembre 2017 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de Mme A... qui, en formulant des conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité de l'Etat et une demande d'annulation de la décision rejetant sa demande préalable, a donné à l'ensemble de sa demande de première instance le caractère d'un recours de plein contentieux. Mme A... doit donc être regardée comme demandant la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité des arrêtés prononçant sa radiation des cadres et son admission à la retraite à compter du 4 mars 2001.

Sur la responsabilité de l'Etat :

6. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". L'article 47 du décret du 14 mars 1986 dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " Le fonctionnaire ne pouvant à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite. (...) ". L'article 48 du même décret dispose que : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions (...) ". Enfin, l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ".

7. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, d'une décision il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, dans le cadre d'une procédure régulière.

8. Par des jugements des 20 février 2003 et 17 décembre 2008, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés des 26 mars 2001 et 5 mars 2008, respectivement pour absence d'avis de la commission de réforme et pour absence d'information sur la tenue d'une séance de la commission de réforme. Par un jugement du 16 mai 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 30 juillet 2010 du ministre des armées au motif que la commission de réforme ne comprenait pas un médecin spécialiste de la pathologie dont est affectée Mme A.... L'appel interjeté par le ministre des armées a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy le 4 avril 2013. Il convient dès lors de déterminer si, compte tenu des irrégularités procédurales affectant les arrêtés portant radiation des contrôles et admission à la retraite, le ministre des armées aurait pu légalement prendre la même décision.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par deux expertises des 23 avril et 31 juillet 2001, la symptomatologie de Mme A... a été considérée comme " sévère, invalidante, ne lui permettant plus d'exercer une activité professionnelle de façon totale et définitive ". Mme A... se prévaut de plusieurs attestations de rédigées entre les années 2001 et 2012 par son médecin psychiatre, indiquant notamment que l'intéressée est apte psychiquement à reprendre ses fonctions et précisant que " les capacités intellectuelles de l'intéressée et sa pugnacité m'ont toujours fait penser que Mlle A... B... était capable de reprendre à n'importe quel moment une activité professionnelle en responsabilité ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A..., dont le taux d'invalidité de 70 % n'est pas en tant que tel contesté, et qui a été placée du 4 mars 1996 au 3 mars 2001 en congé longue durée, aurait manifesté son intention de reprendre ses fonctions au cours de cette période ou à son terme immédiat. En outre, malgré une demande de la cour en ce sens, Mme A... n'a apporté aucun autre élément médical de nature à justifier qu'elle présentait au mois de mars 2001 des conditions permettant de la déclarer apte à l'exercice de toute fonction. Dès lors, en l'état de l'instruction, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas inapte à toute fonction à compter du 4 mars 2001.

10. En second lieu, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir (...) ".

11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, dès lors que Mme A... a été déclarée inapte à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre des armées aurait méconnu son obligation de reclassement doit être écarté comme inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la prescription quadriennale et l'exception de chose jugée opposées par le ministre des armées en première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00356
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MAAMOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-07;21nc00356 ?
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