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19/10/2023 | FRANCE | N°23NC00456

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 23NC00456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... B... agissant en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de son enfant C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a refusé de reconnaitre le statut d'apatride pour l'enfant C... B....

Par un jugement n° 2200117 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2023, M. B..., agissant en son nom pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... B... agissant en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de son enfant C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a refusé de reconnaitre le statut d'apatride pour l'enfant C... B....

Par un jugement n° 2200117 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2023, M. B..., agissant en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de son enfant C... B..., représenté par Me Issa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 6 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides de reconnaitre le statut d'apatride pour l'enfant C... B... ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'incompétence en ce qu'il n'est démontré ni que le directeur était empêché, ni que la délégation de signature était régulièrement publiée ;

- elle est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de C... B... ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 1er de la convention de New-York relative au statut des apatrides dans la mesure où les parents de C... B... ne sont pas en mesure de procéder à l'enregistrement de la naissance de leur fils au D....

Par un mémoire enregistré le 20 mars 2023, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de cinq cents euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- et les observations de Me Issa, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. I... B... et Mme F... G..., ressortissants du D..., sont les parents de C... B... né le 6 décembre 2016 en République du D.... La naissance de cet enfant n'aurait pas été déclarée aux autorités de cet Etat. La famille a quitté le D... en février 2018 et serait entrée irrégulièrement en France le 16 février 2019. M. B... et Mme G... ont présenté des demandes d'asile qui ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 30 novembre 2018. La demande de réexamen de leurs demandes d'asile a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du 12 avril 2019. Ils ont par la suite sollicité une aide au retour volontaire auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFII). Par un courrier du 1er juin 2021, l'OFII a informé M. H..., que les démarches entreprises en vue de l'obtention d'un laissez-passer consulaire pour leur enfant C... B... n'avaient pas pu aboutir. Le 15 juillet 2021, M. H..., agissant en qualité de représentant légal de M. C... B..., a formé une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride sur le fondement des stipulations de la convention de New York du 28 septembre 1954. Cette demande a été rejetée par une décision du 6 décembre 2021 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. M. B... relève appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions de la requête de M. B... :

2. En premier lieu, par une décision du 1er décembre 2021, régulièrement publiée sur le site internet de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), le directeur général de l'OFPRA a donné délégation de signature à Mme E... A..., cheffe de bureau, pour signer tous les actes individuels pris en application de l'article L. 582-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans la subordonner à son absence ou son empêchement. Dès lors, la circonstance, à la supposée établie, que le directeur général n'est pas été empêché, est sans incidence sur la compétence du signataire de l'acte. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de de la décision en litige doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement en particulier l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'absence de démarches réalisées par les parents de C... B... pour pourvoir à son enregistrement sur les registres d'état-civil. Ainsi, le directeur général de l'OFPRA a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le directeur général de l'OFPRA qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de C... B..., n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.

5. En quatrième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la convention de New York du 28 septembre 1954 : " Aux fins de la présente Convention, le terme ''apatride'' désigne une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ". Aux termes de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Aux termes de l'article L. 582-2 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 582-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat ". La reconnaissance de la qualité d'apatride implique d'établir que l'Etat susceptible de regarder une personne comme son ressortissant par application de sa législation ne le considère pas comme tel.

6. D'autre part, le premier paragraphe de l'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. Pour rejeter la demande de reconnaissance de la qualité d'apatride de C... B..., l'OFPRA s'est fondé d'une part, sur le fait qu'en application de la loi n° 04/L-215 sur la citoyenneté du D... du 31 juillet 2013, C... B..., né de deux parents possédant la nationalité kosovare, est, en droit, fondé à se prévaloir de cette nationalité et d'autre part, sur le fait qu'il n'est pas démontré que la naissance de l'enfant n'ait pas été enregistrée sur les registres d'état civil la ville de Kraljevo, commune de naissance de ses deux parents ou ceux de la commune d'Obilic où ses parents soutiennent que l'enfant serait né et enfin qu'aucune démarche n'a été réalisée par ses parents pour pourvoir à l'enregistrement de leur enfant sur ces registres.

8. Dans le cadre d'une demande d'aide au retour, il est constant que les démarches entreprises par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides pour obtenir un laissez-passer consulaire pour C... B... n'ont pu aboutir. En outre, les parents de C... B... versent au dossier la copie d'un document justifiant de la non-inscription de C... B... sur les registres d'état-civil de la commune d'Obilic. Toutefois, d'une part, l'authenticité de ce document qui, ne constituant pas un acte d'état civil, ne bénéficie pas de la présomption de validité posée par l'article 47 précité, n'est pas établie et d'autre part, par cette seule production, ils ne démontrent pas qu'ils auraient effectué en vain des démarches pour enregistrer leur enfant sur les registres d'état civil de cette commune, directement ou par l'intermédiaire d'un mandataire. Dans ces conditions, il n'est pas démontré que l'Etat kosovien refuse de considérer C... B... comme son ressortissant et que le directeur de l'OFPRA aurait fait une appréciation erronée de sa situation pour lui refuser la qualité d'apatride. D'autre part, les pièces versées au dossier, à savoir un rapport de mission en République de D... publié en mars 2011 par l'OFPRA et une déclaration du 17 août 2010 du commissaire aux droits de l'homme du conseil de l'Europe ne permettent pas d'établir que les personnes issues de la communauté Rome seraient exclues de la nationalité kosovienne. Il s'ensuit que l'appartenance de M. C... B... à la communauté Rome est sans incidence sur sa qualité ou non d'apatride. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe premier de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1984 doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

Sur les conclusions de l'OFPRA tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'OFPRA tendant à l'application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B..., au directeur de l'Office français de la protection des réfugiés et des apatrides et à Me Issa.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC00456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00456
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;23nc00456 ?
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