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19/10/2023 | FRANCE | N°22NC03112

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 22NC03112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2107049 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis

trée le 10 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Carraud, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2107049 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Carraud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14décembre 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 12 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions du 1° et du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils ont entaché leur jugement d'erreur de droit en considérant que la demande d'asile n'était étayée par aucun élément précis et circonstancié ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est entachée de défaut de motivation ;

- elle est entachée de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée de défaut de base légale ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors d'une part qu'il est entré régulièrement sur le territoire et bénéficiait d'un droit au séjour et d'autre part de ce qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il aurait dû être procédé à l'enregistrement de sa demande d'asile ;

Sur la légalité du refus de lui accorder un délai de départ volontaire :

- la décision en litige est entachée de défaut de motivation ;

- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite, ni ne constitue une menace à l'ordre public ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision en litige est entachée de défaut de motivation ;

- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la fixation de la durée de l'interdiction de retour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision en litige est entachée de défaut de motivation ;

- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien né en 1982, serait entré irrégulièrement sur le territoire français début septembre 2021 selon ses déclarations. Interpellé et placé en garde à vue pour des faits de vol aggravé le 12 octobre 2021, il a fait l'objet d'un arrêté du même jour par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il ressort de la décision en litige qu'elle a été prise sur le fondement des dispositions des 1°, 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est titulaire d'un passeport biométrique en cours de validité, est entré le 3 septembre 2021 dans l'espace Schengen. La préfète du Bas-Rhin ne conteste pas que le requérant est entré sur le territoire français moins de trois mois après la date de son entrée dans l'espace Schengen et qu'il ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. D'autre part, eu égard à ce qui vient d'être dit, M. A... ne pouvait pas non plus faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Enfin, la préfète du Bas-Rhin a sollicité, devant les premiers juges, que la mesure d'éloignement soit uniquement fondée sur les dispositions du 5° du même article. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été interpellé le 12 octobre 2021 après avoir volé des paquets de têtes de brosse à dents électrique, pour un montant total de 194,87 euros, faits qu'il a reconnus. La préfète du Bas-Rhin se prévaut par ailleurs de ce qu'il serait défavorablement connu des services de police, pour des faits de vol simple que l'intéressé aurait commis le 11 août 2017 et de vol à l'étalage le 26 août 2017. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, notamment des éléments issus du traitement d'antécédents judiciaires, que M. A..., qui doit être regardé comme les contestant, aurait été condamné pour ces faits. Dans ces conditions, les seuls faits de vol commis le 12 octobre 2021 ne suffisent pas, eu égard à leur nature, à faire regarder son comportement comme constituant une menace pour l'ordre public.

7. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision du 12 octobre 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. A.... Il y a lieu de lui prescrire d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

10. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Carraud, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Carraud de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2107049 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 12 octobre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Carraud la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Carraud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC03112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03112
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CARRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;22nc03112 ?
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