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19/10/2023 | FRANCE | N°21NC02818

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 21NC02818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) CPTL a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la restitution de la somme de 142 395 euros correspondant à un crédit d'impôt pour investissement réalisé en Corse acquise au titre de l'année 2019 et de mettre à la charge de l'administration fiscale le paiement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 2001901 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à restituer à l

a SARL CPTL la somme de 142 395 euros au titre du crédit d'impôt pour investissement en C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) CPTL a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la restitution de la somme de 142 395 euros correspondant à un crédit d'impôt pour investissement réalisé en Corse acquise au titre de l'année 2019 et de mettre à la charge de l'administration fiscale le paiement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 2001901 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à restituer à la SARL CPTL la somme de 142 395 euros au titre du crédit d'impôt pour investissement en Corse au titre de l'année 2019 et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2021 en tant qu'il a condamné l'Etat à restituer à la SARL CPTL la somme de 142 395 euros ;

2°) d'ordonner la restitution du crédit d'impôt accordé en première instance.

Il soutient que :

- les investissements que le contribuable justifie avoir pris l'engagement de réaliser au sens de l'article 57 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 n'a vocation à s'appliquer pour des immeubles autres que ceux qui sont en cours de construction ;

- à la suite de la promesse de vente unilatérale signée le 6 décembre 2018, le bénéficiaire ne s'étant pas expressément engagé à acquérir le bien en cause, le transfert de propriété n'a lieu qu'à compter du jour de la signature de l'acte authentique de vente le 26 avril 2019.

La requête a été communiquée à la SARL CPTL qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de tourisme ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;

- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;

- le décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL CPTL a acquis le 26 avril 2019 un logement à usage d'habitation situé à Sari Solenzara (Corse du Sud) pour un montant hors taxe de 474 649 euros afin de le louer en tant que meublé de tourisme. Au titre de l'année 2019, elle a sollicité la restitution de la somme de 142 935 euros correspondant à une créance de crédit d'impôt pour un investissement en Corse à laquelle elle estimait avoir droit en vertu de cette acquisition en application de l'article 244 quater E du code général des impôts. Par une décision du 29 juillet 2020, l'administration fiscale a refusé de faire droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a condamné l'Etat à restituer à la SARL CPTL la somme de 142 395 euros.

2. En vertu de l'article 244 quater E du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole autre que : (...) a bis. la gestion et la location de meublés de tourisme situés en Corse ". Aux termes du II de l'article 22 de la loi du 28 décembre 2018 tel que modifié par l'article 57 de la loi du 28 décembre 2019 : " Le I s'applique aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2019. Le I ne s'applique pas aux investissements que le contribuable justifie avoir pris l'engagement de réaliser avant le 31 décembre 2018, et dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020. A titre transitoire, les investissements effectués dans des meublés de tourisme ayant fait l'objet d'un contrat préliminaire de réservation prévu à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, signé et déposé au rang des minutes d'un notaire ou enregistré au service des impôts des entreprises au plus tard le 31 décembre 2018, sont éligibles au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts dès lors que ces investissements sont achevés au 31 décembre 2020 ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 1589 du code civil : " La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1124 de ce code : " La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ".

4. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, si une société remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater E du code général des impôts.

5. En l'espèce, M. A..., gérant de la SARL CPTL a conclu le 6 décembre 2018, en qualité de bénéficiaire, un avant-contrat dans lequel cette société avait la faculté d'acquérir l'immeuble situé à Sari Solenzara " si bon lui semble " dans les conditions et délais fixés dans l'acte, la promesse de vente expirant le 6 mars 2019. Il se déduit des termes de cette promesse de vente qu'elle constitue une promesse unilatérale qui engage principalement le promettant. Le bénéficiaire s'engage quant à lui à respecter des délais ou à accomplir certaines formalités pour obtenir notamment son financement et à payer une indemnité d'immobilisation mais il n'a pas encore donné son consentement à la vente. Ainsi, une telle promesse unilatérale ne vaut pas vente et ne saurait opérer le transfert de propriété. Ainsi que le fait valoir l'administration, cet acte n'est d'ailleurs pas publié au service de la publicité foncière, seul l'acte de vente du 26 avril 2016, pour lequel la SARL CPTL s'est d'ailleurs substituée au bénéficiaire de la promesse, a été publié et a supporté les droits de mutation à titre onéreux. Par ailleurs, si en contrepartie de la promesse faite au promettant, le bénéficiaire verse une indemnité forfaitaire d'immobilisation, cette somme ne constitue pas des arrhes mais la contrepartie de la position avantageuse du bénéficiaire. Dans ces conditions, à supposer que le II de l'article 22 précité s'applique aux immeubles déjà construits et non aux seuls immeubles en cours de construction, il résulte de l'instruction que la société contribuable, qui n'est d'ailleurs pas même partie à la promesse unilatérale de vente, n'avait pas pris l'engagement d'acquérir l'immeuble lors de la signature de cet acte. Par suite, elle ne saurait être regardée comme ayant pris l'engagement de réaliser un investissement avant le 31 décembre 2018.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur le II de l'article 22 de la loi du 28 décembre 2018, tel que modifié par l'article 57 de la loi du 28 décembre 2019, pour condamner l'Etat à restituer à la SARL CPTL la somme de 142 395 euros correspondant au crédit d'impôt pour investissement réalisé en Corse au titre de l'année 2019.

7. Toutefois, il appartient à cette cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SARL CPTL devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

8. L'article L. 324-1-1 du code du tourisme définit les meublés de tourisme comme les " villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ".

9. Aux termes du I de l'article 5 du décret du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises : " L'attribution par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), à des fins statistiques, d'un code caractérisant l'activité principale exercée (APE) en référence à la nomenclature d'activités ne saurait suffire à créer des droits ou des obligations en faveur ou à charge des unités concernées ".

10. La SARL CPTL soutient qu'il ressort de son extrait Kbis que son activité principale est la " gestion de parahôtellerie " et que cette activité est classée par le code de la nomenclature d'activité française (NAF) en hôtel et hébergement similaire. Toutefois, d'une part, il ressort des dispositions citées au point 9 que ce code, à visée essentiellement statistique, ne lui confère pas de droit et n'est pas contraignant pour l'administration. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'activité principale de la société constitue bien la location de meublés de tourisme, les prestations hôtelières étant accessoires et réalisées par une société tierce, la société Corsicasa, avec laquelle elle a conclu un contrat de prestations de conciergerie le 15 mai 2019 lequel comprend principalement la réception des clients et le ménage entre deux locations. Enfin, en tout état de cause, il ne ressort pas des dispositions citées au point 2 que le législateur, après avoir constaté l'attractivité fiscale de ce dispositif qui a contribué à la spéculation immobilière et au renchérissement du coût du logement pour les habitants de l'île, ait entendu faire une distinction entre les meublés de tourisme tels que définis au point 8 comprenant des prestations hôtelières et ceux qui n'en comprendraient pas. Il s'ensuit que la SARL CPTL n'est pas fondée à soutenir qu'eu égard à ses activités para-hôtelières, elle n'entre pas dans le champ de l'exclusion relative aux activités de gestion et de location de meublés de tourisme situés en Corse.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL CPTL n'est pas fondée à demander la restitution de la somme de 142 395 euros au titre du crédit d'impôt au titre des investissements réalisés et exploités en Corse.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : Est remise à la charge de la SARL CPTL la somme de 142 395 euros correspondant au crédit d'impôt pour investissement réalisé en Corse au titre de l'année 2019.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL CPTL.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. Mosser Le président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC02818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02818
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;21nc02818 ?
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