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19/10/2023 | FRANCE | N°21NC01652

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 21NC01652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 2 mai 2017 par laquelle la communauté de communes Jura Sud a rejeté sa demande d'adhésion au contrat de prévoyance collective maintien de salaire qu'elle a souscrit auprès de la mutuelle nationale territoriale prenant effet le 1er février 2012.

Par une ordonnance n° 1701119 du 14 septembre 2018, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

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n arrêt n° 18NC03058 du 27 décembre 2019, cette cour a annulé cette ordonnance et renvo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 2 mai 2017 par laquelle la communauté de communes Jura Sud a rejeté sa demande d'adhésion au contrat de prévoyance collective maintien de salaire qu'elle a souscrit auprès de la mutuelle nationale territoriale prenant effet le 1er février 2012.

Par une ordonnance n° 1701119 du 14 septembre 2018, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Par un arrêt n° 18NC03058 du 27 décembre 2019, cette cour a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant le tribunal pour qu'il y soit de nouveau statué.

Par un jugement n° 1902289 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 7 juin et 30 août 2021 et 28 avril 2022, M. A..., représenté par la SCP G. Thouvenin- O. Coudray- M. B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2021 et la décision du 2 mai 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où il n'est pas établi que la minute du jugement ait été signée par les magistrats qui l'ont rendue en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la décision du 2 mai 2017 méconnait l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 relatif aux contrats collectifs à adhésion facultative dès lors que le contrat de prévoyance en cause n'exclut pas de la prise en charge des suites pathologiques les maladies contractées antérieurement à l'adhésion au contrat ;

- elle méconnait le principe d'égalité puisque la première différence de traitement qu'elle instaure entre les agents en arrêt de travail et ceux qui travaillent n'est pas justifiée par l'intérêt général qui est de ne pas différencier les agents en fonction de leur état de santé ; elle instaure une seconde différence de traitement entre les agents en arrêt de travail qui pourront reprendre le travail et ceux qui ne le peuvent pas qui n'est ni justifiée, ni en rapport avec l'objet du contrat de prévoyance, ni proportionnée ;

- elle méconnait l'article 2 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 5 de la convention relative aux droits des personnes handicapées et l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 qui interdisent à un employeur d'exclure d'une assurance même facultative, des travailleurs en raison d'un handicap ou d'une maladie les plaçant dans l'incapacité de travailler ;

- elle instaure une discrimination contraire aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention dans la mesure où elle n'est justifiée par aucun objectif légitime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2022, la communauté de communes de Terre d'émeraude, représentée par Me Suissa, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaitre d'un contrat de prévoyance collective à adhésion facultative conclu entre une personne publique et une compagnie d'assurance qui ne comprend pas de clause exorbitante édictée pour des motifs d'intérêt général.

Le 29 juin 2023, M. A... a présenté ses observations. Il soutient qu'en admettant que le contrat de prévoyance collective soit un contrat de droit privé, il n'en demeure pas moins que la décision de la communauté de communes lui refusant l'adhésion constitue un acte administratif détachable dont il appartient à la juridiction administrative de connaître de la légalité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative aux droits des personnes handicapées, signée à New-York le 30 mars 2007 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

- le code de la mutualité ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- et les observations de Me Clément, représentant la communauté de communes de Terre d'émeraude.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par la commune de Moirans-en-Montagne en tant qu'attaché territorial contractuel de conservation du patrimoine le 15 avril 2004. Titularisé en tant que fonctionnaire territorial le 15 février 2007, son poste a été transféré à la communauté de communes Jura Sud le 1er janvier 2010. En congé de longue durée du 16 mai 2009 au 15 avril 2014, M. A... a ensuite été placé en disponibilité d'office en raison de l'épuisement de ses droits à congé de maladie, le 16 mai 2014, avant d'être admis à la retraite pour invalidité le 16 mai 2015. En 2007, la commune de Moirans-en-Montagne avait souscrit un contrat de prévoyance collective auprès de la compagnie d'assurance AXA, auquel M. A... avait adhéré la même année et dont il a bénéficié durant son congé de maladie de longue durée. La commune de Moirans-en-Montagne a résilié ce contrat en 2011 et la communauté de communes Jura Sud a conclu auprès de la mutuelle nationale territoriale, avec effet au 1er février 2012, un contrat de prévoyance collective " maintien de salaire " à adhésion facultative qui comporte des garanties indemnités journalières et invalidité. Par un courriel du 12 février 2014, M. A... s'est en premier lieu adressé à la mutuelle nationale territoriale pour solliciter son adhésion à ce contrat de prévoyance qui a rejeté sa demande par un courrier du 6 mars 2014. Par de multiples courriers, M. A... a ensuite sollicité la communauté de communes afin de pouvoir adhérer à ce contrat. Cette dernière a rejeté ses demandes. M. A... a enfin formulé deux nouvelles demandes ayant le même objet, les 10 décembre 2016 et 12 mars 2017 que la communauté de communes Jura Sud a rejetées par deux décisions successives des 18 janvier et 2 mai 2017. M. A... relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus du 2 mai 2017.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi ci-dessus visée du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques : " Lorsque des salariés sont garantis collectivement, soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par décision unilatérale de l'employeur, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " Pour les opérations collectives autres que celles mentionnées à l'article 2 de la présente loi et pour les opérations individuelles, l'organisme qui a accepté une souscription ou une adhésion doit, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration, prendre en charge les suites d'états pathologiques survenus antérieurement à l'adhésion de l'intéressé ou à la souscription du contrat ou de la convention. / Toutefois, il peut refuser de prendre en charge les suites d'une maladie contractée antérieurement à l'adhésion de l'intéressé ou à la souscription du contrat ou de la convention à condition : / a) que la ou les maladies antérieures dont les suites ne sont pas prises en charge soient clairement mentionnées dans le contrat individuel ou dans le certificat d'adhésion au contrat collectif ; / b) que l'organisme apporte la preuve que la maladie était antérieure à la souscription du contrat ou à l'adhésion de l'intéressé au contrat collectif ".

3. D'autre part, aux termes du cinquième alinéa de l'article 4 des conditions générales du contrat de prévoyance collective : " Les agents ou membres du souscripteur en arrêt de travail pour maladie ou accident à la date d'effet du contrat, ne peuvent adhérer au contrat. Ils ne peuvent y adhérer qu'à l'issue d'une reprise effective de leur activité au moins égale à 60 jours continus ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le contrat de prévoyance collective " maintien de salaire " souscrit par la communauté de communes Jura Sud auprès de la mutuelle nationale territoriale, régi par le code de la mutualité, ne prévoit aucune participation financière de la collectivité publique et constitue une convention collective à adhésion facultative relevant, en tant que telle, de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1989 et non une convention collective à adhésion obligatoire relevant de son article 2. Ni les conditions générales, ni les conditions particulières de ce contrat de prévoyance collective facultatif ne comprennent de clause exorbitante de droit public, édictée pour des motifs d'intérêt général. Dans ces conditions, ce contrat ne constitue pas un contrat administratif. Dès lors, les relations contractuelles et précontractuelles entre la communauté de communes, ses agents adhérents au contrat de prévoyance collective et la mutuelle ne revêtent pas un caractère de droit public. Il s'ensuit que la juridiction administrative n'est pas compétente pour apprécier de la légalité du refus d'adhérer à ce contrat de prévoyance, opposé à M. A... par la communauté de communes Jura Sud en application des conditions générales de ce contrat, en particulier son article 4 précité, un tel acte ne se détachant pas des relations de droit privé découlant de ce mécanisme d'assurance.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de M. A... et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais exposés par elles dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la communauté de communes de Terre d'émeraude.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC01652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01652
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;21nc01652 ?
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