Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge en droits et pénalités du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1901429 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 février et 15 octobre 2021, M. D... et Mme A..., représentés par Me Bancel et Me Leclerc, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration n'a pas fourni les documents sur lesquels elle a fondé son imposition et notamment le contrat liant l'utilisateur final du chauffe-eau solaire à l'exploitant de celui-ci en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales malgré leur demande ;
- l'article 199 undecies B du code général des impôts n'impose ni formalisme quant à l'engagement à exploiter l'installation pendant sept ans, ni délai dans lequel cet engagement doit être fourni ; en l'espèce, un tel engagement existe et a été fourni lors de leur réclamation ; l'absence de respect de cet engagement ne pouvait pas conduire à la remise en cause de la déduction fiscale mais aurait dû conduire à sanctionner l'exploitant conformément à l'article 1740-00A du code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, si l'absence d'engagement d'exploiter le chauffe-eau solaire pendant sept ans depuis son installation est avérée, cette seule défaillance déclarative ne saurait les priver du bénéfice de l'avantage fiscal.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 juillet 2021 et le 21 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme A... ont bénéficié en 2014 d'une réduction d'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 199 B undecies du code général des impôts en raison d'un investissement dans la société en nom collectif (SNC) Glaïeul. Cet investissement avait pour objet l'acquisition de chauffe-eaux solaires et leur location par la société à responsabilité limitée (SARL) Eco Soley Developpement, installée dans le département de la Guadeloupe. Après un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause, dans une proposition de rectification du 18 décembre 2017, le bénéfice de cette réduction d'impôt dans la mesure où d'une part l'engagement d'exploiter ces équipements par le locataire pendant sept ans n'était pas rempli et d'autre part que les investissements refacturés à la SNC ont été surfacturés. Les rehaussements contestés ont été maintenus par l'administration dans la réponse aux observations du contribuable du 21 mars 2018. La réclamation présentée par les contribuables à la suite de la mise en recouvrement des impositions supplémentaires n'a pas fait l'objet d'une décision de l'administration dans le délai de six mois prévu par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales. M. D... et Mme A... relèvent appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
2. D'abord, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.
3. M. D... et Mme A... font valoir qu'ils ont explicitement demandé, dans leurs observations du 18 janvier 2018, la communication de l'intégralité des documents ayant servi de fondement aux rectifications notifiées. Toutefois, s'agissant du contrat de fourniture d'énergie liant la SNC Glaïeul à la SARL Eco Soley Développement, il n'est pas contesté que les contribuables l'ont eux-mêmes produit en pièce jointe à leurs observations du 18 janvier 2018 tandis que l'administration cite dans sa réponse à ces observations in extenso l'article 3 des conditions générales de vente sur lequel elle fonde notamment les rectifications. Enfin, s'agissant de la surfacturation du matériel, l'administration fait valoir, sans être contestée, qu'elle ne s'est fondée sur aucune étude de marché qu'elle serait en mesure de fournir aux contribuables mais sur des éléments sur le coût de revient des chauffe-eaux solaires qu'elle a obtenu au cours de la vérification de la société exploitante et qu'elle a détaillés dans un tableau figurant dans la proposition de rectification. Dans ces conditions, les contribuables ne démontrent pas qu'ils ne disposaient pas de ces informations dans les mêmes conditions que l'administration. Le cas échéant, il leur incombait d'en demander communication à l'administration avant la mise en recouvrement. En outre, si l'administration évoque dans ses écritures devant la juridiction administrative, la réponse du gérant de la SARL Eco Soley Développement à la proposition de rectification dans la procédure de vérification de sa société, ces éléments sont cités postérieurement à la mise en recouvrement des impositions en litige et n'entrent donc pas dans le champ d'application de l'article L. 76 B précité. Par suite, les contribuables ne sont pas fondés à soutenir que l'administration n'a pas respecté la garantie de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
4. Ensuite, l'article 199 undecies B du code général des impôts fixe les conditions dans lesquelles les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale. Le vingt-sixième alinéa du I de cet article, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige prévoit que : " La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location ", sous réserve notamment que, conformément au quinzième alinéa de l'article 217 undecies du même code, le contrat de location soit conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ou pour la durée normale d'utilisation du bien loué si elle est inférieure. Le trente-troisième alinéa du I de l'article 199 undecies B précité prévoit néanmoins que : " Pour les investissements dont la durée normale d'utilisation est égale ou supérieure à sept ans, et qui sont loués dans les conditions prévues au vingt-sixième alinéa, la réduction d'impôt prévue est applicable lorsque l'entreprise locataire prend l'engagement d'utiliser effectivement pendant sept ans au moins ces investissements dans le cadre de l'activité pour laquelle ils ont été acquis ou créés ".
5. Il résulte de l'instruction que la SNC Glaïeul, dont les requérants sont associés, donnait en location des chauffe-eaux solaires à la SARL Eco Soley Développement en Guadeloupe qui se chargeait de les sous-louer aux clients finaux chez lesquels le matériel était installé. L'administration a remis en cause la réduction d'impôt dont avaient bénéficié les requérants à raison de leur investissement outre-mer au motif d'une part, que la SARL Eco Soley Développement n'avait pas pris l'engagement d'exploiter ces équipements pour la période minimale de sept ans prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts et d'autre part, que la base de la réduction d'impôt obtenue avait été largement majorée par rapport au prix réel de revient des investissements concernés. L'administration s'est notamment fondée sur les contrats signés dès 2014 entre la société Eco Soley Développement, société exploitante, et les utilisateurs finaux, conclus pour une durée de cinq ans, prévoyant une offre de vente du chauffe-eau solaire aux intéressés à l'issue de cette période.
6. M. D... et Mme A... soutiennent que les dispositions précitées n'imposent aucun formalisme quant à l'engagement d'exploitation durant sept ans et se prévalent de deux courriers de la SARL Eco Développement des 1er juillet 2014 et 3 avril 2018, produits à l'appui de leur réclamation préalable, confirmant s'agissant du premier courrier, que " la SNC Glaïeul cèdera l'ensemble des biens d'équipement à partir du 61ème mois de la période locative " et, s'agissant du second, que la société Eco Soley continuera d'exploiter ces équipements " durant une période minimal de 84ème mois à compter de leur mise en exploitation le 1er juillet 2014 ". Toutefois, ces documents ne sont pas de nature à démontrer que la société exploitante s'était engagée, à compter de son installation, à utiliser effectivement l'équipement pendant sept ans au moins, alors que les contrats de fourniture d'énergie conclus avec les utilisateurs finaux comportaient une offre de vente intervenant de plein droit à l'issue du contrat dont la durée était fixée à cinq ans. L'article 3 des conditions générales de vente cité par l'administration dans sa réponse aux observations du contribuable précise ainsi que la " vente aux conditions préférentielles, assortie d'une clause de transfert de propriété différé, (...) est une vente dans laquelle les parties placent le transfert de la propriété de la chose vendue au terme d'une période de 61 mois ". Si les contribuables soutiennent que les clients finaux ne vont pas nécessairement activer cette option d'achat, sa seule existence tend à remettre en cause l'engagement initial d'utilisation effective du matériel par l'exploitant pendant au moins sept ans. De surcroit, la société exploitante a indiqué dans ses observations en réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée que la " possibilité que cette option ne soit pas exercée par l'utilisateur [est] très faible ". Il ressort par ailleurs de ces stipulations que le démontage et la restitution du matériel à la société exploitante après cinq ans reviennent plus cher aux utilisateurs finaux que son acquisition. En outre, aucune disposition contractuelle ne prévoit la prolongation de la mise à disposition des chauffe-eaux par l'exploitant pour les utilisateurs finaux à l'issue de cette période de cinq ans. Dans ces conditions, les courriers des 1er juillet 2014 et 3 avril 2018 ne permettent pas d'établir que la société Eco Soley Développement aurait pris l'engagement d'utiliser effectivement pendant au moins sept ans les investissements en cause dans le cadre de l'activité pour laquelle ils ont été acquis ou créés. Par suite, l'administration était fondée à remettre en cause la réduction d'impôt dont ont bénéficié M. D... et Mme A... au motif que la condition d'engagement d'exploitation sur sept ans prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts n'était pas remplie.
7. Enfin, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en l'absence de respect de cet engagement d'utilisation effective pendant une durée de sept ans, seul l'exploitant devrait être sanctionné sur le fondement de l'article 1740-00A du code général des impôts sans que leur déduction d'impôts soit remise en cause dans la mesure où il résulte de ce qu'il vient d'être dit qu'il n'est pas reproché le non-respect par l'entreprise de l'engagement d'exploitation du matériel à l'expiration d'un délai de cinq ans mais l'absence d'engagement préalable d'exploitation de l'investissement pendant au moins sept ans. De la même manière, dès lors que le bénéfice de la réduction d'impôts est subordonné à un engagement préalable et effectif de l'entreprise exploitante, les requérants ne peuvent utilement faire valoir qu'il s'agit d'une simple défaillance déclarative de leur part ultérieurement régularisable, ni se prévaloir à cette fin d'une attestation du 28 juin 2021 indiquant que " l'exploitation des chauffe-eaux solaires individuels de la SNC Glaïeul est toujours en cours ".
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président de chambre,
Mme Brodier, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
Signé : C. Mosser Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC00394