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17/10/2023 | FRANCE | N°23NC00826

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2023, 23NC00826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201163 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2023, M. A..., représenté par Me Levi-Cyferman, d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 jan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201163 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2023, M. A..., représenté par Me Levi-Cyferman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- il est entaché d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation personnelle ;

- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il est venu rejoindre son épouse et leurs quatre enfants demeurant en France depuis 2010 avec lesquels il était demeuré très uni ;

- pour les mêmes raisons, il méconnait les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où son épouse bénéficie du statut de réfugiée ;

- il méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en ce que son éloignement remettrait en cause l'équilibre familial ;

- il est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux menaces qui pèsent sur lui en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire enregistré le 4 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité congolaise, est né le 14 septembre 1965 et a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 2 janvier 2021. Ayant sollicité l'asile auprès de la préfecture de la Moselle le 15 avril 2021, il a été muni d'une attestation de demandeur d'asile régulièrement renouvelée jusqu'au 14 février 2022. Sa demande d'asile ayant été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile en dernier lieu le 10 décembre 2021, le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile par un arrêté du 28 janvier 2022, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 11 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels il se fonde et fait état des circonstances de fait relatives à la situation personnelle de M. A.... Il comporte ainsi de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. A... la décision qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de la Moselle aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. A... est présent sur le territoire français depuis moins de treize mois à la date de l'arrêté contesté. Père de quatre enfants dont deux mineurs, il a vécu séparé de son épouse et de leurs enfants pendant près de dix ans. La seule production de son passeport faisant état d'allers-retours en France entre 2015 et 2017 ne permet pas d'établir la continuité et l'intensité des liens familiaux. Domicilié en dernier lieu à la SPADA 57/AIEM à Metz, il s'est déclaré célibataire auprès de la préfecture de la Moselle. Ainsi, la production à hauteur d'appel d'une attestation de contrat d'électricité établie le 25 févier 2023, soit postérieurement à l'arrêté en litige et corroborée par aucune autre pièce ou témoignage, ne démontre pas la réalité de la communauté de vie avec son épouse et leurs enfants au domicile de cette dernière à Bar-Le-Duc depuis son arrivée en France. En outre, il ne justifie pas participer activement à l'éducation de ses enfants par la seule production des témoignages de son épouse et de ses deux enfants majeurs établis pour les besoins de la cause et de pièces relatives à la scolarité de son plus jeune fils en classe passerelle, postérieures à la date de l'arrêté litigieux. Enfin, il ne démontre pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu et travaillé jusqu'à l'âge de 56 ans. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. A... en France, le préfet de la Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le préfet de la Moselle n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En quatrième lieu, n'ayant pas formé de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de cet article.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ".

8. En tout état de cause, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées puisqu'il ressort de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des demandeurs d'asile du 7 juin 2021 que la demande d'asile de son épouse a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 17 février 2012.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si M. A... fait valoir que ses enfants sont présents en France depuis près de dix ans et scolarisés, il ressort des pièces du dossier que la cellule familiale a été séparée jusqu'en 2021 et que le requérant n'est présent sur le territoire français seulement depuis treize mois à la date de l'arrêté en litige. De plus, ainsi qu'il a été dit, la communauté de vie avec son épouse et les enfants n'est pas établie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

12. M. A... soutient avoir appartenu au parti d'opposition " Engagement pour la citoyenneté et le développement " et avoir été arrêté en mai 2020 en raison de son implication alléguée, dans la cadre de son activité professionnelle de déclarant douanier, dans l'importation de biens non déclarés et prohibés par la législation congolaise. Toutefois, les témoignages versés au dossier sont peu circonstanciés et si les pièces médicales produites corroborent la réalité des blessures subies aux jambes, elles ne permettent pas d'établir qu'il aurait été blessé lors de son arrestation à la suite d'un contrôle douanier ou de son incarcération. Ce faisant, il n'établit pas, par les documents produits, être exposé personnellement et gravement à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 10 décembre 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté comme manquant en fait.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Levi-Cyferman.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

M. Sibileau, premier conseiller,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

Le greffier,

Signé : J-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J-Y. Gaillard

2

N° 23NC00826


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00826
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;23nc00826 ?
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