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17/10/2023 | FRANCE | N°23NC00420

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 octobre 2023, 23NC00420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2108614 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2023, M. A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2108614 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2023, M. A..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 13 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour, dans les délais respectivement d'un mois et de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de séjour :

- elle est entachée de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision en litige est entachée de défaut d'examen de ses conséquences sur son suivi médical ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée de défaut d'examen ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation de sa situation, notamment de la circonstance humanitaire qu'elle présente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né en 1987, est entré sur le territoire français le 30 août 2017 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 décembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 18 février 2021. Sa demande de réexamen a été rejetée par une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA du 7 avril 2021. Alors qu'il avait bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé, valable quelques mois entre juin et décembre 2020, l'intéressé a de nouveau sollicité, le 12 octobre 2020, la délivrance d'un titre de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version alors applicable. Par un arrêté du 13 octobre 2021, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 23 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé et non sa régularisation à titre exceptionnel. Ainsi, la circonstance que la décision en litige, qui lui refuse la délivrance du titre de séjour prévu à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après avis du collège des médecins de l'OFII, ne tienne pas compte de sa durée de séjour de quatre années sur le territoire français ne caractérise aucun défaut d'examen de sa demande. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. A... résidait sur le territoire français depuis quatre ans à la date de la décision en litige. S'il soutient y avoir tissé des liens, il ne produit toutefois aucune pièce de nature à établir la réalité et l'intensité de ceux-ci. Il ressort à l'inverse des pièces du dossier que sa compagne, son fils, sa mère et deux de ses frères résident au Nigéria, où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, et faute d'intégration sociale avérée en France, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En dernier lieu, M. A... produit des certificats médicaux dont il ressort que son état de santé nécessite une prise en charge médicale et chirurgicale dans le cadre de ses perforations tympaniques et que sa pathologie hépatique virale nécessite " une surveillance spécialisée, voire des soins spécifiques ". Ces certificats ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII du 26 mai 2021, que le préfet de la Moselle s'est approprié, selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) ; 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

7. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A... ne justifie pas, par les pièces médicales qu'il produit, que le défaut de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions précitées.

8. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons qu'énoncées aux points 4 et 5 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. D'une part, il ressort de la décision fixant le pays de destination que le préfet de la Moselle a considéré que M. A... n'établissait pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Nigéria. Compte tenu par ailleurs du motif de rejet de la demande de titre de séjour, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'un défaut d'examen des conséquences de l'arrêt de son suivi médical en France.

11. D'autre part, le requérant se borne à alléguer, sans au demeurant produire la moindre pièce à l'appui, qu'il n'est pas garanti qu'il puisse bénéficier au Nigéria d'un suivi dans des conditions optimales. Il ne justifie toutefois pas qu'il serait exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, ni à une réduction significative de son espérance de vie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

13. La décision fixant à une année la durée de l'interdiction faite à M. A... de revenir sur le territoire français est motivée par le fait que, alors même qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et n'a pas déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, M. A..., qui réside depuis quatre ans en France, n'atteste pas y avoir établi sa vie privée et familiale, ni ne justifie de la stabilité et de l'intensité de ses liens. Il ressort de sa motivation que le préfet de la Moselle a pris en compte l'ensemble des critères prévus à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour arrêter tant l'interdiction de retour sur le territoire français que sa durée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

14. En deuxième lieu, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ni, dès lors, que sa situation présentait des circonstances humanitaires justifiant qu'une interdiction de retour ne soit pas prononcée à son encontre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point précédent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00420
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;23nc00420 ?
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