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17/10/2023 | FRANCE | N°23NC00364

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 octobre 2023, 23NC00364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 12 mai 2022 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201558, 2201559 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par

une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 2 février, 27 mars et 4 avril 2023 so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 12 mai 2022 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201558, 2201559 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 2 février, 27 mars et 4 avril 2023 sous le n° 23NC00364, M. C..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, subsidiairement de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros hors taxes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire du débat en ne faisant pas usage de leur pouvoir d'instruction pour solliciter, ainsi qu'il le demandait, l'accès à la base de données sur laquelle les médecins de l'OFII se sont appuyés pour rendre leur avis ;

- ils ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 4259 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle ;

- il est entaché d'erreur de droit dans la réponse apportée aux autres moyens ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de preuve de ce que les trois médecins de l'OFII se sont prononcés par une décision collégiale prise à l'issue d'une réunion ou d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande formée devant le tribunal administratif de Besançon était tardive ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 avril 2023.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 2 février et 27 mars 2023 sous le n° 23NC00365, Mme C..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, subsidiairement de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros hors taxes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de dénaturation des pièces du dossier et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'erreur de droit dans sa réponse aux autres moyens soulevés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande formée devant le tribunal administratif de Besançon était tardive ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 avril 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants géorgiens nés respectivement en 1960 et en 1962, sont entrés régulièrement sur le territoire français le 26 juillet 2019 sous couvert de leur passeport biométrique en cours de validité. Leur demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 novembre 2020. M. C... avait, entre temps, obtenu la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 28 octobre 2020 au 27 octobre 2021. Par des arrêtés du 12 mai 2022, le préfet du Doubs a refusé de procéder au renouvellement du titre de séjour de l'intéressé et refusé de délivrer à son épouse un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par les deux requêtes visées ci-dessus, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu des dispositions des articles R. 425-11 et R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

3. Il ressort du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont estimé que le seul certificat d'un médecin géorgien, daté du 8 mai 2022, ne suffisait pas à démontrer que M. C... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie pour assurer le suivi, aussi bien biologique qu'hépatique, de l'intervention chirurgicale qu'il a subi le 29 septembre 2020, ni à remettre en cause le sens de l'avis émis le 7 avril 2020 par le collège des médecins de l'OFII qui a estimé que, si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Après avoir précisé qu'ils n'avaient pas besoin, pour se déterminer, de " faire produire le dossier de l'OFII ", les premiers juges ont alors fait droit à la demande de substitution de motif sollicitée par le préfet du Doubs, qui avait à tort indiqué que M. C... ne nécessitait plus de prise en charge médicale.

4. M. C... avait sollicité des premiers juges de pouvoir avoir accès aux éléments des bases de données Bispo et Medcoi ayant fondé l'avis défavorable du collège des médecins de l'OFII le concernant. Toutefois, et d'une part, la " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) se borne à recenser, le cas échéant avec leur adresse, les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII, elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. D'autre part, il ne ressort d'aucune obligation légale ou réglementaire ni que le collège des médecins de l'OFII doive regrouper dans un document l'ensemble des recherches effectuées sur chacun des cas qui lui est soumis pour avis, ni que l'administration soit tenue d'élaborer un tel document en vue de sa communication. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en ne mettant pas en œuvre leur pouvoir d'instruction en vue de solliciter de l'OFII la communication des éléments ayant fondé l'avis du collège des médecins et en ne les soumettant par suite pas au contradictoire, les premiers juges auraient entaché leur jugement d'irrégularité.

5. En second lieu, si M. et Mme C... soutiennent que les premiers juges ont entaché leurs jugements d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions en litige sur sa situation personnelle, d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de dénaturation des pièces du dossier, d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreurs de droit, de telles erreurs, à les supposer établies, sont seulement susceptibles de remettre en cause, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les motifs retenus par les premiers juges pour rejeter leur demande d'annulation. Par suite, les erreurs alléguées qui se rapportent au bien-fondé du jugement attaqué sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur la légalité des décisions de refus de séjour :

En ce qui concerne l'état de santé de M. C... :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. Les dispositions citées au point précédent, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... ne saurait utilement soutenir, pour contester l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 7 avril 2022, que cet avis n'aurait pas été rendu à l'issue d'une délibération prenant la forme soit d'une réunion soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Il ne saurait pas plus utilement se prévaloir des dispositions des articles 3 et 4 de l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le collège des médecins de l'OFII a, dans son avis du 7 avril 2020 dont le préfet du Doubs doit être regardé comme s'étant approprié le sens, estimé que M. C... pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des certificats médicaux produits par le requérant qu'il est suivi depuis août 2019 pour un syndrome de Budd-Chiari pour lequel il a bénéficié d'une opération chirurgicale consistant dans la " recanalisation " de la veine cave inférieure par pose d'une endoprothèse. Depuis cette intervention, l'état de santé de l'intéressé nécessite une surveillance clinique auprès de son médecin généraliste tous les mois, une surveillance biologique tous les deux mois et un suivi régulier en service hépatologie tous les trois à six mois, afin de " pouvoir envisager une nouvelle désobustruction en cas d'obstruction de l'endoprothèse ". Par ailleurs, diagnostiqué d'un foie atteint d'hépatopathie chronique au stade de cirrhose, il a besoin d'un dépistage semestriel par imagerie hépatique. Enfin, souffrant d'une hypertension portale, il prend un traitement à vie par anticoagulants. M. C... ne remet pas en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à la possibilité de bénéficier des traitements qu'implique ses pathologies dans son pays d'origine. Quant à la possibilité de bénéficier d'un suivi en Géorgie à la suite de la pose de son endoprothèse, le requérant se prévaut du certificat établi le 9 mai 2022 par le responsable de la transplantation d'organes au sein d'une clinique universitaire, qui précise que la chirurgie qu'il a subie en France en 2020 n'étant pas pratiquée dans ce pays, sa clinique n'a pas d'expérience pour réagir face à une éventuelle complication et indique que la Géorgie ne disposerait pas " des outils nécessaires pour un bon suivi thérapeutique ". Il produit également, à hauteur d'appel, une attestation de l'association géorgienne des médecins transplantologues du 11 janvier 2023, rédigée en langue anglaise et non traduite, dont il ressort qu'il serait hautement préférable qu'il reste sous la surveillance de l'équipe qui a procédé à la pose de son endoprothèse. Toutefois, dans les termes dans lesquels ils sont rédigés, ces certificats ne permettent pas d'établir que le suivi régulier de l'état de santé de l'intéressé et la détection d'éventuelles complications ne pourraient pas être réalisés dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet du Doubs aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la vie privée et familiale de M. et Mme C... :

11. M. et Mme C... résidaient, à la date des décisions en litige, depuis moins de trois ans sur le territoire français, où ils sont entrés à l'âge respectivement de 58 et 56 ans après avoir vécu l'essentiel de leur vie dans leur pays d'origine. Ils ne possèdent pas d'attaches familiales en France. S'ils justifient de leur volonté d'intégration, par l'apprentissage de la langue française et l'investissement dans des activités associatives et humanitaires, ces éléments ne suffisent pas à établir que les décisions de refus de séjour porteraient une atteinte disproportionnée, eu égard notamment à la durée de leur séjour, à leur droit au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions en litige sur leur situation personnelle doivent être écartés.

Sur les autres décisions :

12. Les requérants se bornent à reprendre les moyens tirés de ce que les mesures d'éloignement méconnaissaient l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire serait illégale compte tenu de l'illégalité de la mesure d'éloignement, et les moyens tirés de ce que les décisions fixant le pays de destination seraient illégales compte tenu de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et méconnaissaient l'article 3 de cette même convention européenne. Ces moyens ont été écartés par les premiers juges et ne sont pas davantage de nature à prospérer devant la cour. Par suite, ils ne peuvent qu'être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Doubs, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 12 mai 2022. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... B..., épouse C..., à Me Dravigny et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00364-23NC00365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00364
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;23nc00364 ?
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