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17/10/2023 | FRANCE | N°20NC01194

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 20NC01194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Geudertheim a accordé à Mme D... un permis de construire une maison d'habitation individuelle, ainsi que la décision du 29 avril 2019 rejetant leur recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le maire a accordé un permis de construire modificatif à Mme D....

Par un jugement n° 1904838 du 7 avril 2020, le tribunal administ

ratif de Strasbourg a annulé le permis de construire modificatif et rejeté le s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Geudertheim a accordé à Mme D... un permis de construire une maison d'habitation individuelle, ainsi que la décision du 29 avril 2019 rejetant leur recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le maire a accordé un permis de construire modificatif à Mme D....

Par un jugement n° 1904838 du 7 avril 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le permis de construire modificatif et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juin 2020 et le 8 janvier 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Soler-Couteaux, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 avril 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Geudertheim a accordé à Mme D... un permis de construire une maison d'habitation individuelle, ainsi que la décision du 29 avril 2019 rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Geudertheim la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le maire aurait dû vérifier l'exactitude de l'attestation établie par le pétitionnaire concernant l'absence d'indication de la localisation du terrain d'assiette du projet dans un lotissement ;

- il n'est pas établi que la subdivision du lot en propriété ou en jouissance a été autorisée en application de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme ;

- le projet de construction réalise une division en jouissance d'une unité foncière qui nécessitait une autorisation de division sous le régime de la déclaration ou du permis d'aménager en application de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme ; l'omission de mentionner cette division a également été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur ;

- l'illégalité du permis de construire modificatif au regard de l'article 7 UB du plan local d'urbanisme doit entraîner celle du permis de construire initial qu'il a modifié ;

- le permis de construire initial méconnaît l'article 6 UB du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire initial méconnaît l'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que l'égout du toit calculé au niveau du toit de la lucarne excède 5 mètres et qu'il comporte plus de deux niveaux ;

- le permis de construire initial méconnaît l'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme qui interdit les sous-sols ;

- le permis de construire initial, compte tenu de l'annulation du permis de construire modificatif, est situé dans le périmètre d'une servitude d'utilité publique liée à la présence d'une canalisation de gaz et méconnaît les prescriptions imposées par GRT GAZ ;

- l'arrêté en litige méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire en litige ne peut être régularisé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, la commune de Geudertheim, représentée par Me Olszak, conclut, à titre principal, au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente d'une mesure de régularisation des éventuels vices et demande que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- un permis de construire modificatif peut être sollicité, dans le cadre d'un sursis à statuer pris sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, si une irrégularité venait à être constatée.

Par une lettre du 22 septembre 2023, les parties ont été informées que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pour permettre la régularisation du vice entachant le permis de construire du 7 mars 2019 tiré de la méconnaissance de l'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme applicable en ce que la hauteur de la construction excède la limite maximale de 5 mètres et en ce que le nombre et les caractéristiques des niveaux du bâtiment projeté, compte tenu du sous-sol et de l'aménagement au-dessus du rez-de-chaussée, excèdent ce que permet cet article.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Vilchez pour M. et Mme A... et E... pour la commune de Geudertheim.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a déposé une demande de permis de construire pour une maison d'habitation individuelle sur la parcelle cadastrée section 43 n° 539, rue des Prés dans la commune de Geudertheim. Par un arrêté du 7 mars 2019, le maire de Geudertheim a délivré le permis sollicité. Par une décision du 29 avril 2019, le maire a rejeté la demande de M. et Mme A..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, tendant au retrait de ce permis. Parallèlement, Mme D... a sollicité, le 26 avril 2019, un permis de construire modificatif portant sur la réduction de la surface au sol du sous-sol et la pose d'un bardage en limite séparative, qui lui a été accordé par un arrêté du 11 juin 2019. Par un jugement du 7 avril 2020, le tribunal a annulé le permis de construire modificatif et rejeté le surplus de la demande de M. et Mme A..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2019 et de la décision de rejet de leur recours gracieux. Les intéressés doivent être regardés comme faisant appel du jugement du 7 avril 2020 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande d'annulation du permis de construire initial et de la décision rejetant leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. et Mme A... soutiennent que, les modifications apportées par le permis de construire modificatif s'étant incorporées au permis de construire initial, le tribunal administratif aurait également dû annuler ce dernier à la suite de l'annulation du permis de construire modificatif. Toutefois, si les irrégularités affectant un permis de construire initial régularisées par un permis de construire modificatif ne peuvent plus utilement être invoquées à l'appui d'un recours dirigé contre le permis initial, cette circonstance n'a pas pour effet de créer une indivisibilité entre ces deux permis. Par ailleurs, le permis de construire initial ne constituant pas une décision qui n'aurait pu être prise en l'absence du permis de construire modificatif, l'annulation de ce dernier ne saurait entraîner l'annulation par voie de conséquence du permis initial. Par suite, le moyen d'irrégularité invoqué par les requérants ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme : " Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. De même, lorsqu'une majorité de co-lotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ". Aux termes de l'article L. 442-10 du même code : " Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d'un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable. Le premier alinéa ne concerne pas l'affectation des parties communes des lotissements. Jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'achèvement du lotissement, la modification mentionnée au premier alinéa ne peut être prononcée qu'en l'absence d'opposition du lotisseur si celui-ci possède au moins un lot constructible ". Enfin aux termes de l'article R. 442-21 de ce code : " Les subdivisions de lots provenant d'un lotissement soumis à permis d'aménager sont assimilées aux modifications de lotissements prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 sauf : / a) Lorsqu'elles consistent à détacher une partie d'un lot pour la rattacher à un lot contigu ; / b) Lorsque ces subdivisions interviennent dans la limite du nombre maximum de lots autorisés, et résultent d'une déclaration préalable, d'un permis d'aménager, d'un permis valant division ou d'une division réalisée en application du a de l'article R. 442-1 dès lors que le lotisseur atteste de son accord sur cette opération par la délivrance d'une attestation ".

4. Il est constant que le lotissement du " Coteau du soleil ", autorisé par un arrêté préfectoral du 11 janvier 1974 pour un nombre maximal de 50 lots, au sein duquel est situé le terrain d'assiette du projet de construction en litige, était couvert par un plan local d'urbanisme à la date d'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Ainsi, les règles d'urbanisme contenues dans les documents de ce lotissement, notamment celle relative au nombre maximal de lots, avaient cessé de s'appliquer à la date du permis de construire contesté. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire est illégal faute d'avoir été précédé d'une autorisation de subdivision de la parcelle cadastrée section 43 n° 539 en vertu de l'article R. 442-21 du code de l'urbanisme, ni que la subdivision de cette parcelle devait être soumise à l'accord d'une majorité des co-lotis conformément à l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme.

5. En deuxième lieu, si Mme D... a coché dans la rubrique 3.2 relative à la situation du terrain du formulaire CERFA de la demande de permis de construire la case " je ne sais pas " en réponse à la question " le terrain est-il situé dans un lotissement ' " alors qu'elle ne pouvait pas, selon les requérants, ignorer, tout comme le service instructeur, que le terrain d'assiette du projet se situait dans le lotissement " le Coteau du soleil ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait cherché à obtenir le permis de construire par fraude en fournissant une information erronée, alors que, comme il a été dit plus haut, les règles d'urbanisme résultant du règlement du lotissement avaient, en tout état de cause, cessé de s'appliquer et qu'une telle information n'aurait par suite pu permettre d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme et alors que, au demeurant, le renseignement de cette rubrique était facultatif.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". Aux termes de l'article L. 442-3 de ce même code : " Les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d'un permis d'aménager doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige a pour objet, outre la démolition d'un abri de voiture, la construction une maison individuelle d'habitation sur une partie de la parcelle cadastrée section 43 n° 539 qui supporte déjà une construction. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'antérieurement au dépôt de la demande de permis de construire, la pétitionnaire et ses parents, propriétaires de la parcelle, auraient procédé à une division en propriété ou en jouissance de celle-ci, laquelle ne saurait, notamment, se déduire de la seule emprise au sol de la construction. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la construction et le terrain d'assiette seraient destinés à devenir la propriété exclusive et particulière de la pétitionnaire. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le projet en litige ne peut être regardé comme nécessitant au préalable une autorisation de lotissement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.

8. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 7, le moyen tiré de ce qu'en omettant de mentionner que le terrain d'assiette du projet était issu de la division d'une parcelle, Mme D... aurait faussé l'appréciation du service instructeur manque en fait.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 UB du règlement du plan local d'urbanisme de la commune : " 1.1. Les constructions nouvelles doivent respecter la ligne de construction définie par les constructions voisines existantes ou un recul de 5 mètres. / 1.2. En cas de décrochement entre deux bâtiments, le bâtiment pourra s'implanter entre les deux limites définies par l'implantation de ces derniers. / 1.3. Les reculs des constructions, le long de certaines voies, indiqués au plan, sont à respecter. / 2. Dispositions particulières / 2.1. Les dispositions du paragraphe 1 ci-dessus ne s'appliquent pas aux terrains situés en retrait de la voie et qui n'ont qu'un accès sur cette voie, ni aux bâtiments ou annexes édifiés à l'arrière d'un bâtiment existant, ni aux annexes, ni à la reconstruction de bâtiments (notamment en cas de sinistre) respectant l'implantation initiale. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige doit être implanté à l'arrière de la maison d'habitation déjà construite sur la parcelle cadastrée section 43 n° 539. S'il est vrai que la future construction sera partiellement visible de la voie publique, les dispositions précitées n'impliquent pas que la construction existante l'occulte totalement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 UB du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme communal : " 1. La hauteur maximum des constructions nouvelles, mesurée de tout point de l'égout principal des toitures au niveau moyen du terrain d'assiette du bâtiment à construire avant travaux éventuels d'affouillements ou d'exhaussements du sol, ne peut excéder 5 mètres, (R + 1 combles aménageables), soit 2 niveaux au maximum. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une construction doit comporter au plus deux niveaux, le deuxième ne pouvant comporter que des combles aménageables, et qu'elle ne doit pas excéder une hauteur de 5 mètres mesurée à l'égout principal du toit.

12. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige comporte un sous-sol semi enterré au-dessus duquel est édifié un rez-de-chaussée et un niveau supplémentaire. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de la façade sud-ouest et du plan de coupe, que le projet prévoit l'aménagement, dans le pan de la toiture de cette façade, sur presque toute sa longueur, d'une avancée dotée de deux fenêtres et surmontée d'une toiture plate. Un tel aménagement, qui a pour effet de prolonger, sans rupture, ni retrait, la façade sud-ouest, ne saurait être regardé, eu égard à ces caractéristiques, comme un comble. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Geudertheim, la hauteur à l'égout du toit doit se mesurer non pas au niveau de la gouttière située au point le plus bas du pan de toiture inclinée mais au niveau de l'acrotère de la toiture terrasse chapeautant cet aménagement, quand bien même les eaux de pluie de l'ensemble des toitures sont réceptionnées au bas du pan de la toiture inclinée. Il est constant que la hauteur de la construction au niveau de l'acrotère excède la hauteur maximale de 5 mètres. Il s'ensuit que les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire initial méconnaît les dispositions précitées de l'article 10 UB.

13. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que le sous-sol est accessible de

plain-pied au droit de la façade donnant sur la rue et partiellement enterré sur les trois autres façades. Il n'est aucunement établi par les pièces du dossier que cette situation serait la conséquence des irrégularités de niveau du terrain d'assiette du projet. Par suite, quand bien même ce sous-sol ne serait pas habitable, il doit être regardé comme un niveau supplémentaire au sens des dispositions précitées. Le projet en litige est ainsi composé de trois niveaux, en méconnaissance des dispositions de l'article 10 UB. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire initial est illégal pour ce second motif.

14. Enfin, si les requérants soutiennent qu'il ressort du rapport de présentation de février 2020 relatif à la modification n° 3 du plan local d'urbanisme de la commune de Geudertheim que l'article 10 UB, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige, interdisait la réalisation des sous-sols, il ressort de ce document que les auteurs du plan local d'urbanisme ont procédé à la modification de cet article pour lever toute ambiguïté sur son interprétation pouvant conduire à une telle interdiction. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation établi lors la rédaction de cet article, que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient entendu interdire par principe les sous-sols dans la version applicable au projet. Une telle interprétation ne se déduit pas, par ailleurs, des dispositions précitées. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

15. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du plan des servitudes annexé au plan local d'urbanisme de Geudertheim, que le terrain d'assiette du projet de construction en litige, qui est situé à proximité d'une canalisation de gaz à haute pression, est soumis à la servitude d'utilité publique de maîtrise de l'urbanisation prévue à l'article L. 555-27 du code de l'environnement, qui par elle-même, ainsi que l'a mentionné la société GRT Gaz, gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel, dans un courrier du 28 février 2018, n'est pas de nature à justifier une opposition à la demande de permis de construire. Les requérants n'établissent pas que l'annulation du permis de construire modificatif par le tribunal administratif de Strasbourg entrainerait la méconnaissance par le projet en litige des prescriptions imposées par GRT Gaz alors que cette société a rendu son avis sur la base du projet autorisé par le permis de construire initial. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

17. En vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de cet article, peuvent justifier le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.

18. Si le projet de construction en litige est situé à proximité d'une canalisation de gaz à haute pression, il ressort des pièces du dossier que la société gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel a mentionné, dans un courrier du 28 février 2018, qu'elle n'avait aucun élément susceptible de faire obstacle au projet de construction, sous réserve pour le pétitionnaire de respecter les prescriptions qu'elle a énoncées pour les travaux à proximité d'un tel ouvrage. Il n'est pas établi, eu égard notamment à ce qui a été indiqué au point 15, que ces prescriptions, qu'il appartient au pétitionnaire de suivre, ne pourraient pas être respectées lors de la mise en œuvre du permis, ni que ce projet emporterait par lui-même des risques pour ses occupants ou les tiers. Par suite, en accordant le permis de construire en litige, le maire de Geudertheim n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

19. Il résulte de tout ce qui précède que seuls les vices mentionnés aux points 12 et 13 du présent arrêt, tirés de la méconnaissance de la règle de hauteur et de celle du nombre de niveaux fixées par l'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Geudertheim, sont fondés.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

20. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

21. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Un vice relatif au bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si la régularisation implique de revoir l'économie générale du projet, dès lors que les règles en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

22. Les vices mentionnés aux points 12 et 13 tirés de ce que le permis de construire en litige méconnaît les dispositions de l'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Geudertheim sont susceptibles d'être régularisés sans apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les nouvelles dispositions du règlement du plan local d'urbanisme ne s'opposent pas à une telle mesure de régularisation. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sur les conclusions tendant à l'annulation de ce permis et d'impartir à Mme D... un délai de six mois suivant la notification du présent arrêt afin de notifier à la cour une mesure de régularisation de ces irrégularités.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... pour permettre à Mme D... de notifier, le cas échéant, à la cour une mesure de régularisation des irrégularités mentionnées aux points 12 et 13 du présent arrêt, dans un délai de six mois à compter la notification du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A..., à la commune de Geudertheim et à Mme C... D....

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC01194 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01194
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELAS OLSZAK LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;20nc01194 ?
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