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28/09/2023 | FRANCE | N°23NC01446

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 28 septembre 2023, 23NC01446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 2301114, M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 19 janvier 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement commun n° 2204994 et 2301114 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la

cour :

I - Par une requête n° 23NC01446 enregistrée le 10 mai 2023, M. C..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 2301114, M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 19 janvier 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement commun n° 2204994 et 2301114 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête n° 23NC01446 enregistrée le 10 mai 2023, M. C..., représenté par Me Manla Ahmad, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 avril 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 19 janvier 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence algérien ou à défaut de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de certificat de résidence n'est pas motivée ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation dès lors qu'elle n'a pas examiné la possibilité de l'admettre exceptionnellement au séjour en faisant usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne sont pas motivées en fait ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il doit bénéficier d'un titre de plein droit.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

II - Par une requête n° 23NC01448 enregistrée le 10 mai 2023, M. C..., représenté par Me Manla Ahmad demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 avril 2023 ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence algérien ou à défaut de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution de l'obligation de quitter le territoire aurait des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés dans la requête n°23NC01446 sont sérieux quant à l'annulation de la décision.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- et les observations de Me Issa, substituant Me Manla Ahmad pour M. C..., et les observations de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire français le 1er juillet 2021 pour y rejoindre son épouse, ressortissante française et leurs trois enfants de nationalité française. Le 16 décembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en sa qualité d'ascendant direct d'enfants français mineurs résidants en France. Par un courrier du 21 janvier 2022, la préfète du Bas-Rhin a sollicité des pièces complémentaires que M. C... a produites le 9 février suivant. A défaut de réponse dans un délai de quatre mois, une décision implicite de rejet de sa demande est née le 9 juin 2022 pour laquelle il a demandé la communication des motifs le 15 juin 2022 qui est également restée sans réponse. Par une requête du 1er août 2022, il a donc demandé l'annulation de cette décision implicite de rejet. Par une ordonnance du 25 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu l'exécution de cette décision et un récépissé lui a été délivré du 8 décembre 2022 au 7 mars 2023. Par un arrêté du 19 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. C... fait appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2023 :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4. au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an. ". Il résulte des termes mêmes de ces stipulations que lorsque le certificat de résidence " vie privée et familiale " est demandé par un ressortissant algérien au motif qu'il est parent d'un enfant français, la délivrance de plein droit de ce titre est subordonnée à la condition, notamment, que l'enfant réside en France. Ce faisant, ces stipulations n'ont pas requis la simple présence de l'enfant sur le territoire français, mais ont exigé que l'enfant réside en France, c'est-à-dire qu'il y demeure effectivement de façon stable et durable. Il appartient dès lors, pour l'application de ces stipulations, à l'autorité administrative d'apprécier dans chaque cas sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, où se situe la résidence de l'enfant, entendue comme le lieu où il demeure effectivement de façon stable et durable à la date à laquelle le certificat de résidence est demandé.

3. En l'espèce, M. C... est marié depuis le 29 avril 2013 avec Mme D... C... avec qui il a eu trois enfants nés en 2014 en Algérie, en 2017 et en 2020 en France. Même s'il est constant que les enfants ne résidaient pas avec leur père jusqu'à sa venue en France en juillet 2021, il ressort néanmoins des pièces du dossier et notamment des attestations des écoles où sont scolarisés ses enfants, que A... est inscrite depuis l'année 2017 en école maternelle puis en école élémentaire à l'exception d'une période de mars 2020 à août 2021 où elle a suivi une scolarité en Algérie en raison du confinement lié à la crise sanitaire et de l'impossibilité de revenir sur le territoire français et qu'elle a dès son retour en France poursuivi sa scolarité sans que son absence n'ait eu d'incidence sur sa progression, l'élève étant inscrite en CE2 pour l'année 2022/2023. De la même sorte, Rachid né en 2017, est scolarisé en France depuis le 1er septembre 2021 à l'école maternelle et est inscrit actuellement en grande section pour l'année scolaire 2022/2023. Enfin, même si Ayoub est trop jeune pour être scolarisé les certificats établis par son médecin traitant mentionnent qu'il est suivi régulièrement en France. Par ailleurs, les circonstances que Mme C... soit allée voir son mari à de nombreuses reprises en Algérie et que les enfants s'y soient également rendus pendant les vacances scolaires ne permettent pas de remettre en cause la réalité de leur résidence en France mais plutôt de confirmer la réalité des liens affectifs existants entre eux et M. C... malgré la distance. De même, le fait que Mme C... et leurs trois enfants soient hébergés chez sa mère depuis 2016 et que son mari les y ait rejointes n'a pas d'incidence sur la stabilité de cette résidence alors qu'au demeurant ils ont formulé une demande de logement social qui leur a été refusé en raison de la situation irrégulière de M. C.... Par suite, la décision attaquée méconnait les stipulations du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est annulée.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2023.

Sur l'injonction :

5. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 19 janvier 2023, implique nécessairement que le préfet délivre à M. C... le certificat de résidence d'un an et, dans cette attente, le munisse d'une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une autorisation de travailler. Il y a lieu, à cet effet, d'impartir à la préfète du Bas-Rhin un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour délivrer ce titre de séjour.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Manla Ahmad, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Manla Ahmad de la somme de 1 500 euros.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 23NC011448 :

7. Le présent arrêt se prononçant sur l'appel de M. C... il n'y a par suite pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23NC01448.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23NC01448.

Article 2 : Le jugement n° 2204994-2301114 du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté en date du 19 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé à M. C... la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. C... le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, le munisse d'une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une autorisation de travailler.

Article 4 : L'Etat versera à Me Manla Ahmad, avocat de M. C..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Manla Ahmad renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me Manla Ahmad et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01446-23NC01448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01446
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MANLA AHMAD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-28;23nc01446 ?
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