Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2201341 du 20 juillet 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2022, Mme C..., représentée par Me Martin-Hamidi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 25 mai 2022 ;
3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- la communication tardive du mémoire en défense, quelques minutes avant l'audience, méconnaît le principe du contradictoire ainsi que le droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le jugement omet de répondre à sa demande d'écarter le mémoire en défense.
Sur la légalité des décisions contestées :
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Aube qui n'a pas produit d'observations en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante albanaise, née le 4 décembre 1998, entrée sur le territoire français le 10 septembre 2021, a présenté le 24 novembre 2021 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 16 février 2022 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure accélérée. Par un arrêté en date du 25 mai 2022, la préfète de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement du 20 juillet 2022, dont Mme C... relève appel, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 414-5 du code de justice administrative : " Les formalités prévues par les articles R. 413-5 et R. 413-6 sont réalisées par voie électronique. L'arrivée de la requête et des différents mémoires est certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique. ". Aux termes de l'article R. 776-20-1 du même code : " Lorsqu'elles sont faites par voie électronique conformément aux articles R. 611-8-2 et R. 711-2-1, les communications et convocations sont réputées reçues dès leur mise à disposition dans l'application ". Aux termes de l'article R.776-13-2 du même code : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent, sans préjudice de la section 1, aux règles définies au premier alinéa de l'article R. 776-13, aux articles R. 776-15, R. 776-18, R. 776-20-1, R. 776-22 à R. 776-26 (...) ". L'article R. 776-26 précise que " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
3. Si la requérante soutient que le mémoire en défense de la préfète de l'Aube enregistré le 6 juillet 2022 n'a été communiqué à son avocate que quelques minutes avant le début de l'audience à 14 heures, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce mémoire a été mis à la disposition du conseil de l'intéressé par l'application Télérecours, le même jour à 12 heures 38. Dès lors, cette circonstance n'a pas été de nature à faire obstacle à ce que la requérante ait pu utilement formuler des observations avant la clôture de l'instruction, intervenue après l'appel de l'affaire à l'audience, en l'absence des parties et de leurs représentants à l'audience, ainsi que le démontre au demeurant la production d'un mémoire en réplique, communiqué à la préfète de l'Aube par mise à disposition à 13h17 via l'application Télérecours. La communication du mémoire en défense ayant été effectuée régulièrement avant la clôture de l'instruction, le président du tribunal a pu implicitement rejeter la demande de la requérante tendant à ce qu'il soit écarté des débats. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le jugement du tribunal administratif serait irrégulier doit être écarté.
Sur la légalité des décisions contestées :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 27 avril 2022, régulièrement publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Aube, la préfète de l'Aube a donné délégation à M. Christophe Borgus, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des actes visés à l'article 2, parmi lesquels ne figurent pas les mesures prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A... n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté contesté du 25 mai 2022 doit être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, pour obliger Mme C... à quitter le territoire français et fixer le pays d'éloignement, la préfète de l'Aube, après avoir visé les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rappelé les principaux éléments de la situation administrative et personnelle de l'intéressée, notamment que sa demande d'asile, examinée selon la procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 février 2022, qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, qu'elle se trouve ainsi dans le cas prévu par l'article L. 611-1, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel il peut lui être fait obligation de quitter le territoire français. La préfète a également indiqué que l'intéressée a déclaré être célibataire et sans enfant à charge et qu'elle n'établit pas être exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans le pays dont elle a la nationalité. Enfin, la préfète a vérifié que Mme C... ne rentrait dans aucun des cas énumérés à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lesquels un étranger ne peut être éloigné. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que la préfète ne se serait pas livrée à un examen réel et sérieux de la situation de Mme C... avant d'édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays n'étant pas membre de l'Union européenne où elle est légalement admissible.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme C... fait valoir qu'elle est intégrée en France et qu'elle est dépourvue de toute attache familiale en Albanie. Il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressée, entrée en France le 10 septembre 2021, est célibataire, sans charges de famille en France et qu'elle a vécu en Albanie jusqu'à l'âge de 22 ans. Compte tenu du caractère très récent de son séjour en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale. La préfète de l'Aube n'a, par suite, en prenant les décisions contestées, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
10. Mme C... soutient qu'elle risque de subir les traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour dans le pays dont elle a la nationalité, l'Albanie. Toutefois, la demande d'asile présentée par Mme C... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 16 février 2022. La requérante se borne à produire la copie de l'entretien conduit par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ce seul document ne suffisant pas à établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour en Albanie. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2023.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC02104