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18/07/2023 | FRANCE | N°21NC01198

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 juillet 2023, 21NC01198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement l'Etat et le collège privé " Notre Dame " situé dans la commune de Hauts-de-Bienne à lui verser la somme de 10 125,56 euros.

Par un jugement n° 1901602 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 avril 2021 et le 20 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Gras, demande à la c

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1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement l'Etat et le collège privé " Notre Dame " situé dans la commune de Hauts-de-Bienne à lui verser la somme de 10 125,56 euros.

Par un jugement n° 1901602 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 avril 2021 et le 20 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Gras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de condamnation de l'Etat ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 125,56 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de la faute de l'Etat à ne pas avoir respecté la promesse qu'il avait formulée ;

- le recteur a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en ne respectant pas la promesse qu'il avait formulée en acceptant sa candidature et en lui laissant signer un procès-verbal d'installation ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'Etat, pris en la personne du recteur de l'académie de Besançon, a commis une faute en rompant le contrat de recrutement dont elle bénéficiait ; elle n'a pas été informée de la possibilité de solliciter un recul de la limite d'âge pour des raisons familiales et le tribunal ne pouvait le lui reprocher ;

- elle a subi un préjudice tiré de la perte de chance de percevoir un revenu depuis décembre 2018 jusqu'à l'échéance de son contrat à la fin août 2019 ; elle est fondée à solliciter le versement de la somme de 8 125,56 euros correspondant aux revenus qu'elle aurait pu percevoir sur cette période ;

- elle a subi un préjudice moral, qui doit être indemnisé par le versement d'une somme de 2 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 4 juin 2021 et le 8 novembre 2021, le recteur de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 1er septembre 1951, a exercé les fonctions de maître délégué du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 au collège " Notre Dame " de Hauts-de-Bienne, établissement privé sous contrat d'éducation. A l'issue de cette année scolaire, Mme A... a présenté sa candidature afin de pouvoir être à nouveau affectée à ce collège pour l'année 2018-2019. Sa candidature a été retenue et elle a ainsi été affectée à ce collège pour la période du 1er septembre 2018 au 31 août 2019. Toutefois, informé par le comptable public que Mme A... dépassait l'âge légal permettant d'occuper ce poste, le recteur de l'académie de Besançon a mis fin aux fonctions de Mme A... en novembre 2018. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat et le collège privé " Notre Dame " situé à Hauts-de-Bienne à lui verser la somme de 10 125,56 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Mme A... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de ses conclusions à fin de condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices, Mme A... s'est prévalue tant de l'illégalité fautive de la décision mettant fin à ses fonctions que d'une faute résultant de la méconnaissance par le recteur de la promesse qu'il avait faite en la recrutant et en lui faisant signer un procès-verbal d'installation. Toutefois, le tribunal administratif de Besançon n'a pas visé le moyen tiré de l'existence d'une faute du recteur à ne pas avoir respecté sa promesse et il n'a pas plus répondu à ce moyen. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à soutenir que le jugement, en tant qu'il rejette ses conclusions à fin de condamnation de l'Etat, est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de Mme A... à fin de condamnation de l'Etat.

Sur les conclusions à fin de condamnation de l'Etat :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 914-58 du code de l'éducation : " Les maîtres délégués exerçant dans les établissements d'enseignement privés sous contrat d'association sont soumis, pour la détermination de leurs conditions d'exercice et de cessation de fonctions, aux règles applicables aux agents contractuels enseignants de l'enseignement public des premier et second degrés. (...) ". Aux termes du I de l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public alors en vigueur : " Sous réserve des exceptions légalement prévues par des dispositions spéciales, la limite d'âge des agents contractuels employés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que par toutes autres personnes morales de droit public recrutant sous un régime de droit public est fixée à soixante-sept ans ". Enfin, la note de service n° 87-162 du 11 juin 1987 du ministre de l'éducation nationale indique que : " La présente note de service a pour objet (...) de rappeler et de préciser les règles applicables en matière de maintien en fonctions des personnels atteints par la limite d'âge. Selon un principe d'application constante confirmé par l'article 68 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, un fonctionnaire ne peut être maintenu en fonctions au-delà de la limite d'âge de son emploi ou, pour ceux qui peuvent bénéficier d'un recul de celle-ci, de leur limite d'âge personnelle. Toutefois, une dérogation traditionnelle à cette règle a été prise, dans l'intérêt du service, en faveur des personnels enseignants qui peuvent être maintenus en fonctions jusqu'à la fin de l'année scolaire au cours de laquelle ils atteignent leur limite d'âge. Cette dérogation a été étendue par ailleurs aux personnels chargés d'inspection dans la mesure où leurs fonctions consistent en une activité pédagogique liée à celle des enseignants. Ces dérogations demeurent en vigueur. (...) ".

5. La survenance de la limite d'âge des agents publics, telle qu'elle est déterminée par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, entraîne de plein droit la rupture du lien de ces agents avec le service. Les décisions administratives individuelles prises en méconnaissance de la situation née de la rupture de ce lien sont entachées d'un vice tel qu'elles doivent être regardées comme nulles et non avenues et ne sauraient, en conséquence, faire naître aucun droit au profit des intéressés.

6. Il résulte de l'instruction que Mme A... est née le 1er septembre 1951 et qu'elle avait donc, au 1er septembre 2018, l'âge de 67 ans. La décision par laquelle Mme A... a été recrutée pour les fonctions de maître délégué pour l'année scolaire 2018-2019 permettait donc à la requérante d'être maintenue en fonctions après la limite d'âge légale. Mme A... ne saurait, à ce titre, utilement soutenir qu'elle aurait dû bénéficier de la dérogation prévue par la note de service précitée du 11 juin 1987, alors qu'elle n'établit pas avoir présenté une demande en ce sens et qu'elle ne justifie également pas que, en dépit de l'arrivée d'un nouveau maître délégué pour la remplacer, l'intérêt du service imposait son maintien en poste. Elle ne saurait pas plus utilement se prévaloir de ce qu'elle aurait pu bénéficier d'autres dérogations à la limite d'âge, mais qu'elle n'a pas été informée de cette possibilité, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration de l'informer de l'existence de ces dérogations et qu'elle ne justifie pas, en tout état de cause, qu'elle satisfaisait aux conditions lui permettant d'en bénéficier. Ainsi, quand bien même le recteur de l'académie de Besançon avait nécessairement connaissance de l'âge de la requérante lors de son recrutement et aurait dû s'opposer à celui-ci, il pouvait légalement mettre fin à ses fonctions au cours de l'année scolaire, sans avoir à suivre une procédure particulière. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le recteur a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en mettant fin à ses fonctions. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le recteur a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en ne respectant pas la promesse qu'il aurait faite en la recrutant et en lui faisant de signer un procès-verbal d'installation.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A..., qui ne se prévaut pas de l'illégalité fautive de la décision la recrutant pour l'année scolaire 2018-2019 et qui, en tout état de cause, ne justifie pas de la réalité de ses préjudices, n'est pas fondée par les moyens qu'elle invoque à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur les frais de justice :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme sollicitée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 février 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin de condamnation de l'Etat à indemniser Mme A....

Article 2 : La demande de première instance de Mme A... tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Besançon.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHAL

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC01198

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01198
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : AGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;21nc01198 ?
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