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18/07/2023 | FRANCE | N°20NC03611

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 18 juillet 2023, 20NC03611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le collège " Les Nénuphars ", à titre principal, à lui verser une somme de 106 448,16 euros toutes taxes comprises (TTC) correspondant aux loyers dus en exécution du contrat, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 mai 2012 ou, à titre subsidiaire, à lui verser une somme de 71 411,16 euros hors taxe (HT) sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, assortie de la capi

talisation des intérêts, ou, à titre très subsidiaire, à lui verser la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le collège " Les Nénuphars ", à titre principal, à lui verser une somme de 106 448,16 euros toutes taxes comprises (TTC) correspondant aux loyers dus en exécution du contrat, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 mai 2012 ou, à titre subsidiaire, à lui verser une somme de 71 411,16 euros hors taxe (HT) sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, assortie de la capitalisation des intérêts, ou, à titre très subsidiaire, à lui verser la somme de 89 279,03 euros sur le fondement de sa responsabilité extracontractuelle, assortie de la capitalisation des intérêts, ainsi qu'à lui restituer le matériel et, enfin, de mettre à la charge du collège " Les Nénuphars " la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905640 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le collège " Les Nénuphars " à verser à la société Grenke Location une somme de 15 428, 37 euros, correspondant aux loyers dus en exécution du contrat, assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 1er avril 2012 et de leur capitalisation à compter du 1er avril 2013 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 11 décembre 2020 et les 7 et 26 mai 2021, la société Grenke Location, représentée par Me Thiéry, demande à la cour :

1°) d'annule ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation du collège " Les Nénuphars " à la somme de 15 428, 37 euros ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge du collège " Les Nénuphars " le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le contrat était résilié après 30 juin 2012 ; elle a droit au paiement des loyers non seulement avant cette date, comme l'a retenu à juste titre le tribunal, mais aussi jusqu'au 30 juin 2016 ;

- subsidiairement, pour la période postérieure à cette date, si la cour estimait que le contrat état résilié, elle aurait droit, sur un fondement contractuel, à l'indemnisation du préjudice d'immobilisation du matériel à hauteur de 71 411, 16 euros ; ces conclusions présentées en première instance sont recevables, au regard de la demande préalable du 26 mars 2019 ;

- très subsidiairement, si la cour écartait le contrat pour nullité, elle aurait droit, sur un fondement extracontractuel, à l'indemnisation des dépenses utiles à la collectivité à hauteur de 89 279, 03 euros ;

- les moyens soulevés par le collège " Les Nénuphars " tirés de l'autorité de la chose jugée et de l'exception de nullité du contrat ne sont pas fondés ; l'autorité de la chose jugée par la cour dans son arrêt du 19 juin 2018 s'oppose à ce qu'il soit à nouveau statué sur la validité du contrat de location, alors qu'aucune circonstance nouvelle postérieure n'est invoquée ; le collège n'est pas fondé à se prévaloir de l'indivisibilité des conventions et ne saurait se prévaloir d'une exception d'inexécution.

Par des mémoires enregistrés les 30 avril et 19 mai 2021, le collège " Les Nénuphars " conclut au rejet de la requête de la société Grenke Location et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2020 en tant qu'il l'a condamné à verser à cette société une somme de 15 428,37 euros au titre des loyers dus en exécution du contrat et au rejet de l'ensemble des demandes de la société, subsidiairement, au seul rejet de la requête de la société Grenke Location et, dans tous les cas, à ce que soit mis à la charge de la société Grenke Location le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté son moyen tiré de l'autorité relative de la chose jugée attachée à l'arrêt n° 17NC02338 du 19 juin 2018 en ce qui concerne les conclusions présentées par la société Grenke Location auxquelles ils ont fait droit ;

- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la société Grenke Location était fondée à demander le paiement des loyers dus en exécution du contrat alors que celui-ci doit être écarté pour nullité ; le consentement du collège a été vicié par des manœuvres dolosives de la société Grenke Location, représentée par la société Copy Conform ; la société Grenke Location n'a pas exécuté ses obligations contractuelles, le contrat la liant à cette société étant indivisible de celui conclu entre cette société et la société Copy Conform ;

- subsidiairement, la société Grenke Location n'a pas droit, sur le fondement des stipulations contractuelles, au paiement des loyers postérieurement à la résiliation du contrat ;

- subsidiairement, la société Grenke Location n'a pas lié le contentieux en ce qui concerne la demande d'indemnisation du préjudice d'immobilisation présentée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute ; ces conclusions ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ;

- subsidiairement, la société Grenke Location n'a pas de droit à réparation sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle ; le contentieux n'a pas été lié ; ces conclusions ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ; le préjudice n'est pas établi ;

- la demande de restitution n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me de Bailliencourt, représentant le collège " Les Nénuphars ".

Considérant ce qui suit :

1. Le principal du collège " Les Nénuphars " de Bréval (Yvelines) a conclu, le 28 septembre 2009, un contrat avec la société GE Capital Solutions portant sur la location d'un photocopieur de marque Xerox, fourni par la société Alliances Ouest, pour un loyer trimestriel de 3 656,36 euros TTC. Il a également conclu, le 28 septembre 2010, un contrat avec la société Xerox Financial Services portant sur la location d'un autre photocopieur de marque Xerox, également fourni par la société Alliances Ouest, pour un loyer trimestriel de 2 408,34 euros TTC. Dans le souci de diminuer la charge financière liée à la location de ces matériels, la personne publique a conclu, le 12 mai 2011, un nouveau contrat de location de longue durée avec la société Grenke Location, portant sur ces deux photocopieurs de marque Xerox, ainsi que sur la location d'un standard téléphonique de marque Ladder. Ce contrat faisait obligation à la société Grenke Location d'acquérir ces équipements auprès d'un fournisseur désigné dans le contrat, la société Copy Conform, qui en avait préalablement fait l'acquisition, afin de les donner en location au collège en contrepartie du versement d'un loyer trimestriel global de 4 300 euros hors taxe (HT) soit 5 142,80 euros toutes taxes comprises (TTC). Par ailleurs, la société Copy Conform avait prévu le versement au collège d'une somme de 25 000 euros destinée à compenser, avant que la résiliation des contrats conclus avec GE Capital Solutions et Xerox Financial Services ne prenne effet, la poursuite provisoire du versement des loyers dus à ces premiers bailleurs, parallèlement au versement des loyers dus à la société Grenke Location. A compter du 1er octobre 2011, le collège " Les Nénuphars " a cessé de verser des loyers à la société Grenke Location. Cette dernière a alors résilié de façon anticipée le contrat le 16 mai 2012 et réclamé le versement de l'indemnité de résiliation qu'il prévoyait. Par un arrêt n°17NC02338 du 19 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé pour irrégularité le jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté la demande de la société Grenke Location tendant à la condamnation du collège à lui verser une somme de 88 528,20 euros correspondant à l'indemnité de résiliation prévue à l'article 11 du contrat de location, avant de rejeter la demande de la société Grenke Location. Dans le cadre d'une seconde instance, la société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le collège " Les Nénuphars " à lui verser, à titre principal, une somme de 106 448,16 euros au titre des loyers dus en exécution du contrat, à titre subsidiaire, une somme de 71 411,16 euros sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à titre encore plus subsidiaire, une somme de 86 279,03 euros sur le fondement de sa responsabilité extracontractuelle. La société Grenke Location relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2020 en tant qu'il a limité la condamnation du collège " Les Nénuphars " au titre des loyers dus en exécution du contrat à la somme de 15 428, 37 euros et rejeté le surplus de ses demandes. Le collège " Les Nénuphars " conteste la condamnation prononcée à son encontre par la voie de l'appel incident.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le paiement des loyers dus en application du contrat :

S'agissant de l'autorité relative de la chose jugée :

2. Par un arrêt n°17NC02338 du 19 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les conclusions de la société Grenke Location tendant à la condamnation du collège " Les Nénuphars " à lui verser une somme de 88 528, 20 euros sur le fondement de l'article 11 des conditions générales de location prévoyant une indemnité en cas de résiliation du contrat. La seconde demande présentée par la société Grenke Location devant le tribunal administratif de Strasbourg tend à la condamnation du collège " Les Nénuphars " à lui payer les loyers qu'elle estime lui être dus sur le fondement de l'article 4 des mêmes conditions générales. Ainsi, si cette demande repose sur la même cause juridique, à savoir le contrat conclu le 12 mai 2011, elle ne tend pas à l'indemnisation du préjudice résultant de la résiliation de contrat mais à l'exécution même du contrat. Par conséquent, cette demande n'a pas le même objet que celle qui a donné lieu à l'arrêt du 19 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy. Par suite, et contrairement à ce que soutient le collège " Les Nénuphars ", l'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision ne peut être opposée à la nouvelle demande de la société Grenke Location. Il en résulte que le collège n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont écarté son moyen de défense tiré de l'exception d'autorité relative de la chose jugée.

S'agissant des loyers échus à la date de la résiliation :

Quant à l'exception de nullité du contrat :

3. Le collège " Les Nénuphars " soutient qu'il a conclu le contrat en litige après avoir été victime de manœuvres de la part de la société Copy Conform et en pensant s'engager avec cette société afin de louer les deux photocopieurs dont elle disposait déjà à des conditions financières plus avantageuses. Toutefois, les pièces contractuelles permettaient à la personne publique d'identifier sans ambiguïté l'identité du bailleur avec lequel elle s'engageait, la société Grenke Location, et notamment de le distinguer du fournisseur du matériel, la société Copy Conform, ainsi que la nature de la prestation et les obligations réciproques des parties. Dans ces conditions, dès lors qu'il n'est pas établi que le consentement du collège a été vicié au moment de la conclusion du contrat litigieux, en particulier en raison de manœuvres imputables à la société Grenke Location, la personne publique n'est pas fondée à demander que le contrat soit écarté et que le litige ne soit pas réglé sur le terrain contractuel.

Quant à l'exception d'inexécution du contrat :

4. Le collège " Les Nénuphars " reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance par la société Grenke Location de son obligation, prévue par l'article 2 des conditions générales du contrat, d'acquérir le matériel loué, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges. Il résulte de l'instruction qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Strasbourg.

S'agissant des loyers à échoir à la date de la résiliation :

5. Le constat de l'irrégularité de la résiliation par l'arrêt du 19 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy ne saurait, par lui-même, faire obstacle à ce que le contrat soit regardé comme résilié dès lors que cette résiliation n'a pas été contestée. L'exécution du contrat entre les parties ayant cessé à la suite de la résiliation anticipée du contrat, intervenue le 16 mai 2012, aucune obligation contractuelle de paiement des loyers ne pesait sur le collège à compter de cette date. Par suite, la société Grenke Location n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande, présentée sur un fondement contractuel, tendant au paiement des loyers à échoir après la date de la résiliation.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle pour faute du collège " Les Nénuphars " :

6. Il résulte de l'instruction que la société Grenke Location n'a pas préalablement demandé au collège " Les Nénuphars " l'indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi en raison de l'absence de restitution du matériel postérieurement à la résiliation. Elle n'a ainsi pas lié le contentieux, en méconnaissance de l'obligation prévue par l'article R. 421-1 du code de justice administrative, sa demande de paiement des loyers dus en application du contrat ne pouvant être regardée comme une réclamation préalable indemnitaire. Par suite, il y a lieu de faire droit à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de ces conclusions, invoquée par le collège. Les conclusions recherchant la responsabilité contractuelle pour faute de l'établissement scolaire doivent donc être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne la responsabilité extracontractuelle :

7. La personne publique n'étant pas pas fondée à demander que le contrat soit écarté et que le litige ne soit pas réglé sur le terrain contractuel, ainsi qu'il a été dit au point 4, les conclusions présentées sur le fondement de l'enrichissement sans cause par la société Grenke Location, dans l'hypothèse où la cour écarterait le contrat pour nullité, ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne la restitution :

8. En se bornant à reprendre à cet égard sa demande de première instance, sans mettre à même le juge d'appel d'apprécier la régularité et le bien-fondé du motif de rejet de sa demande de restitution du matériel opposé par les premiers juges, la société Grenke Location n'assortit pas ses conclusions des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Grenke Location est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du collège " Les Nénuphars " sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grenke Location et au collège " Les Nénuphars ".

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A....

2

N° 20NC03611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03611
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;20nc03611 ?
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