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18/07/2023 | FRANCE | N°19NC03616

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 juillet 2023, 19NC03616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... C..., M. et Mme B... E... à l'Antoine et M. et Mme G... H... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le maire de la commune de Le Pasquier a accordé à Mme D... A... un permis de construire pour le changement d'affectation d'un bâtiment de stockage et pour l'extension d'un bâtiment existant.

Par un jugement n° 1701735 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 7 août 2017 du maire de la

commune de Le Pasquier.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... C..., M. et Mme B... E... à l'Antoine et M. et Mme G... H... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le maire de la commune de Le Pasquier a accordé à Mme D... A... un permis de construire pour le changement d'affectation d'un bâtiment de stockage et pour l'extension d'un bâtiment existant.

Par un jugement n° 1701735 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 7 août 2017 du maire de la commune de Le Pasquier.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2019 sous le n° 19NC03616, et deux mémoires, enregistrés le 15 septembre 2020 et le 22 février 2021, Mme D... A..., représentée par Me Brocherieux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme C..., M. et Mme E... à l'Antoine et M. et Mme H... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de ces derniers une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 août 2020 et le 8 janvier 2021, M. et Mme C..., M. et Mme E... à l'Antoine et M. et Mme H..., représentés par Landbeck, demandent à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel de Mme A... et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Besançon ;

2°) à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il n'a pas retenu les autres moyens soulevés devant lui ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 28 janvier 2022, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de la délivrance d'un permis de construire régularisant les vices tirés, d'une part, de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de la méconnaissance de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura.

Par un mémoire, enregistré le 1er février 2022, Mme A... a présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un mémoire, enregistré le 3 février 2022, M. et Mme C..., M. et Mme E... à l'Antoine et M. et Mme H... ont présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un arrêt n°s 19NC03616, 20NC00333 du 8 mars 2022, la cour a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a accordé un délai de quatre mois à Mme A... et à la commune de Le Pasquier pour justifier de la délivrance d'un acte destiné à régulariser l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 7 août 2017, soit la méconnaissance de la distance minimale imposée par l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura.

Par un mémoire, enregistré le 5 juillet 2022, Mme A... fait valoir que le vice a été régularisé par un arrêté du préfet du Jura du 1er juillet 2022 accordant une dérogation à la règle de distance prévue à l'article 153-4 du règlement sanitaire du Jura et maintient ainsi ses précédentes conclusions.

Par des mémoires, enregistrés le 29 août 2022 et le 29 septembre 2022, M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... maintiennent leurs conclusions.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2022, M. et Mme E... à l'Antoine déclarent se désister de l'instance.

M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... ont présenté un mémoire enregistré le 28 novembre 2022, par lequel ils concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Par une lettre du 29 novembre 2022, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de la délivrance d'un permis de construire régularisant le vice tiré de l'absence de proposition préalable du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales à l'adoption de la dérogation préfectorale sur le fondement de l'article 164 du règlement sanitaire départemental du Jura.

Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2022, M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... ont présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2022, Mme A... a présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un arrêt n°s 19NC03616, 20NC00333 du 29 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a accordé un délai de trois mois à Mme A... et à la commune de Le Pasquier pour justifier de la délivrance d'un acte destiné à régulariser l'illégalité dont est entaché le permis modificatif accordé par le maire de la commune de le Pasquier le 20 septembre 2022, soit l'irrégularité de la dérogation préfectorale à la règle de distance prévue par le règlement sanitaire départemental du Jura en l'absence de proposition préalable du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales.

Un arrêté du maire de la commune de le Pasquier du 22 mars 2023 portant permis de construire modificatif a été produit devant la cour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... doivent être regardés comme maintenant leurs conclusions et demandant, de plus, l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de le Pasquier du 22 mars 2023.

Ils soutiennent que :

- l'avis de la chambre d'agriculture mentionne à tort que le projet n'aggravera pas les nuisances potentielles liées à l'activité de Mme A..., mais améliorera même la situation ;

- la dérogation accordée par le maire par l'arrêté du 22 mars 2023 est insuffisamment motivée ;

- la dérogation accordée par le maire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'il n'existe aucune spécificité locale permettant de déroger à une règle de distance ;

- la dérogation accordée par le maire est insuffisamment précise ;

- l'arrêté du 14 mars 2023, par lequel le préfet a accordé une dérogation à la règle de distance prévue à l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'est pas justifié d'un cas exceptionnel permettant l'octroi d'une dérogation ;

- l'article 164 du règlement sanitaire départemental du Jura impose, pour bénéficier d'une dérogation préfectorale, que les intéressés s'engagent préalablement par écrit à se conformer aux prescriptions qui leur seront ordonnées, or Mme A... ne s'est nullement engagée à respecter ces prescriptions ;

- le courrier présenté comme une proposition du directeur de la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations ne saurait être apprécié comme une proposition permettant au préfet d'accorder une dérogation.

M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... ont présenté un mémoire, enregistré le 9 mai 2023, par lequel ils concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée le 7 février 2020 sous le n° 20NC00333, et un mémoire, enregistré le 30 mars 2021, la commune de Le Pasquier, représentée par Me Lhomme, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme C..., M. et Mme E... à l'Antoine et M. et Mme H... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de ces derniers une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 août 2020 et le 27 juillet 2021, M. et Mme C..., M. et Mme E... à l'Antoine ainsi que M. et Mme H..., représentés par Me Landbeck, demandent à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel de la commune de Le Pasquier et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Besançon ;

2°) à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il n'a pas retenu les autres moyens soulevés devant lui ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la commune de Le Pasquier la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 28 janvier 2022, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de la délivrance d'un permis de construire régularisant les vices tirés, d'une part, de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de la méconnaissance de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura.

Par un mémoire, enregistré le 1er février 2022, Mme A... a présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un mémoire, enregistré le 3 février 2022, la commune de Le Pasquier a présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un arrêt n°s 19NC03616, 20NC00333 du 8 mars 2022, la cour a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a accordé un délai de quatre mois à Mme A... et à la commune de Le Pasquier pour justifier de la délivrance d'un acte destiné à régulariser l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 7 août 2017, soit la méconnaissance de la distance minimale imposée par l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura.

Par des pièces et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2022 et le 22 septembre 2022, la commune de Le Pasquier fait valoir que le vice a été régularisé par un arrêté du préfet du Jura du 1er juillet 2022 accordant à Mme A... une dérogation à la règle de distance prévue à l'article 153-4 du règlement sanitaire du Jura, ainsi que par un arrêté du maire de la commune de Le Pasquier du 20 septembre 2022 accordant également une dérogation à cette règle de distance et maintient ainsi ses précédentes conclusions, sauf sa demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'elle ramène à la somme de 3 000 euros.

Par des mémoires, enregistrés le 29 août 2022 et le 29 septembre 2022, M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... maintiennent leurs conclusions.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2022, M. et Mme E... à l'Antoine déclarent se désister de l'instance.

M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... ont présenté un mémoire enregistré le 29 novembre 2023, par lequel ils concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Par une lettre du 29 novembre 2022, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de la délivrance d'un permis de construire régularisant le vice tiré de l'absence de proposition préalable du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales à l'adoption de la dérogation préfectorale sur le fondement de l'article 164 du règlement sanitaire départemental du Jura.

Par un mémoire, enregistré 1er décembre 2022, M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... ont présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2022, la commune de Le Pasquier a présenté des observations en réponse à ce courrier.

Par un arrêt n°s 19NC03616, 20NC00333 du 29 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a accordé un délai de trois mois à Mme A... et à la commune de Le Pasquier pour justifier de la délivrance d'un acte destiné à régulariser l'illégalité dont est entaché le permis modificatif accordé par le maire de la commune de le Pasquier le 20 septembre 2022, soit l'irrégularité de la dérogation préfectorale à la règle de distance prévue par le règlement sanitaire départemental du Jura en l'absence de proposition préalable du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales.

Un arrêté du maire de la commune de le Pasquier du 22 mars 2023 portant permis de construire modificatif, produit devant la cour le24 mars 2023, a été communiqué aux parties.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... doivent être regardés comme maintenant leurs conclusions et demandant, de plus, l'annulation de l'arrêté du maire de la commune du 22 mars 2023.

Ils soutiennent que :

- l'avis de la chambre d'agriculture mentionne à tort que le projet n'aggravera pas les nuisances potentielles liées à l'activité de Mme A..., mais améliorera même la situation ;

- la dérogation accordée par le maire dans l'arrêté du 22 mars 2023 est insuffisamment motivée ;

- la dérogation accordée par le maire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'il n'existe aucune spécificité locale permettant de déroger à une règle de distance ;

- la dérogation accordée par le maire est insuffisamment précise ;

- l'arrêté du 14 mars 2023, par lequel le préfet a accordé une dérogation à la règle de distance prévue à l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'est pas justifié d'un cas exceptionnel permettant l'octroi d'une dérogation ;

- l'article 164 du règlement sanitaire départemental du Jura impose, pour bénéficier d'une dérogation préfectorale, que les intéressés s'engagent préalablement par écrit à se conformer aux prescriptions qui leur seront ordonnées, or Mme A... ne s'est nullement engagée à respecter ces prescriptions ;

- le courrier présenté comme une proposition du directeur de la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations ne saurait être apprécié comme une proposition permettant au préfet d'accorder une dérogation.

M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... ont présenté un mémoire, enregistré le 9 mai 2023, par lequel ils concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le règlement sanitaire départemental du Jura ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 août 2017, le maire de la commune de Le Pasquier a délivré un permis de construire à Mme A... autorisant, d'une part, le changement de destination d'un bâtiment de stockage en six boxes équins, ainsi que, d'autre part, la réalisation d'une extension de 18 mètres carrés à ce bâtiment de stockage pour réaliser deux autres boxes. M. et Mme C... et autres ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1701735 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 7 août 2017 du maire de la commune de Le Pasquier. Après avoir joint les requêtes présentées par Mme A... et par la commune de Le Pasquier tendant à l'annulation de ce jugement, la cour, par un arrêt du 8 mars 2022, a retenu que l'arrêté du 7 août 2017 était illégal, car le projet ne respectait pas la distance minimale imposée par l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura. La cour a, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur les requêtes de Mme A... et de la commune de Le Pasquier jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois imparti à ces requérantes pour justifier de la délivrance d'un acte destiné à régulariser cette illégalité. La commune de Le Pasquier a produit un arrêté de son maire devant être regardé comme délivrant un permis de régularisation. Par un arrêt du 29 décembre 2022, la cour a constaté que si ce permis, qui se fondait notamment sur une dérogation accordée par le préfet du Jura à la règle de distance prévue par le règlement sanitaire départemental du Jura, portait régularisation du vice entachant le permis initial, il était néanmoins entaché d'un vice propre dès lors que la dérogation sur laquelle se fondait le permis n'avait pas été adoptée sur proposition du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ainsi que l'exigeait l'article 164 du règlement sanitaire précité. Par suite, la cour a, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à nouveau à statuer sur les requêtes de Mme A... et de la commune de Le Pasquier jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois imparti à ces requérantes pour justifier de la délivrance d'un acte permettant de régulariser cette illégalité.

2. La commune de le Pasquier a produit, le 24 mars 2023, un arrêté du 22 mars 2023 par lequel son maire délivre notamment un permis de construire de régularisation à Mme A....

Sur la régularisation du vice relevé par l'arrêt du 29 décembre 2022 :

3. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

4. Aux termes de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : (...) / stabulation libres : les aires de couchage des stabulations libres ne peuvent être implantées à moins de 50 mètres d'une part, les aires d'exercice et le bâtiment de stockage de fourrage ne peuvent être implantés à moins de 35 mètres d'autre part, des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs ou de tout établissement recevant du public, à l'exception des installations de camping à la ferme. (...) ". Aux termes de l'article 164 de ce règlement : " Sous réserve de la législation et de la réglementation en vigueur, le préfet peut, dans des cas exceptionnels et sur proposition du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales accorder des dérogations au présent règlement par des arrêtés pris en application de son pouvoir réglementaire. / Dans ce cas, les intéressés doivent prendre l'engagement écrit de se conformer aux prescriptions qui leur seront ordonnées. Toute contravention comportera déchéance complète du bénéfice de la dérogation, sans préjudice des sanctions prévues à l'article L. 1336-4 (L.45) du code de la santé publique, et éventuellement aux articles L. 1324 3 (L.46) et L.47 dudit code, ainsi qu'aux autres réglementations applicables ".

5. Le permis de régularisation du 22 mars 2023 est notamment fondé sur l'arrêté du 14 mars 2023 par lequel le préfet du Jura accorde au projet de Mme A..., sur le fondement de l'article 164 du règlement sanitaire départemental du Jura, une dérogation à la règle de distance prévue à l'article 153-4 de ce règlement. Il est également produit au dossier une lettre du 17 février 2023 du directeur départemental de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) qui est antérieure à l'arrêté du préfet du Jura accordant la dérogation et qui doit être regardée comme proposant au préfet l'octroi de cette dérogation, ce directeur s'étant substitué, pour l'exercice de cette compétence, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales à la suite de la suppression de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales au 1er avril 2010. Dans ces conditions, le vice tiré de l'irrégularité de la dérogation accordée par le préfet en l'absence de proposition du directeur départemental a été régularisé par le permis de construire du 22 mars 2023.

Sur la légalité du permis de construire de régularisation :

6. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte tant l'énoncé des motifs de fait que la présentation des motifs de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit donc, en tout état de cause, être écarté.

7. En deuxième lieu, M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... se prévalent d'une erreur d'appréciation qui entacherait l'avis émis par la chambre d'agriculture du Jura. Pour autant, un tel moyen est inopérant dès lors qu'il vise à remettre en cause non la régularité mais le bien-fondé d'un avis purement consultatif et qui ne liait ainsi pas l'autorité préfectorale.

8. En troisième lieu, les éventuelles prescriptions dont le préfet assortit une dérogation aux exigences du règlement sanitaire départemental s'imposent au bénéficiaire quand bien même ce dernier ne s'est pas engagé par écrit à les respecter. Par suite, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... se serait engagée préalablement par écrit à se conformer aux éventuelles prescriptions édictées par l'autorité préfectorale, ainsi que l'imposait l'article 164 précité, cette irrégularité n'a pas été susceptible de priver les intéressés d'une garantie, ni d'exercer une influence sur le sens de la dérogation accordée. Par suite, les intimés ne sont pas fondés à se prévaloir par la voie de l'exception de l'illégalité de la dérogation accordée par le préfet le 14 mars 2023, dès lors qu'elle n'aurait pas été précédée d'un engagement écrit de Mme A....

9. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, la lettre du 17 février 2023 du directeur départemental de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations doit être regardée comme proposant au préfet du Jura l'octroi, pour le projet de Mme A..., d'une dérogation à l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental. La circonstance que ce directeur se réfère à l'avis favorable de la chambre d'agriculture ne saurait permettre de considérer qu'il se serait estimé en situation de compétence liée pour présenter une telle proposition. Par suite, les intimés ne sont pas fondés à se prévaloir par la voie de l'exception de l'illégalité de la dérogation du 14 mars 2023, en ce que la proposition du directeur départemental n'aurait pas été régulière.

10. En cinquième lieu, le site du projet de Mme A... accueille depuis quarante ans des équidés et une activité d'élevage y est menée depuis 2013. Il ressort de plus des pièces du dossier et notamment des mentions non contestées de l'arrêté du préfet et de l'avis de la chambre d'agriculture que le logement en cause, qui est situé au sein d'un ancien corps de ferme et est occupé par les parents de Mme A..., anciens éleveurs, ainsi qu'un ancien employé du père de la pétitionnaire et sa compagne, mais devant néanmoins quitter prochainement les lieux, est implanté à proximité des écuries de l'exploitation. Or le projet litigieux, dont rien ne permet de considérer qu'il impliquerait une augmentation du nombre de chevaux accueillis, porte sur la réalisation d'un lieu d'accueil des équidés plus éloigné du logement que les actuelles écuries et n'aggrave ainsi pas les nuisances potentielles liées à l'activité d'élevage pour ces personnes. Dans ces conditions, les intimés ne sont pas fondés à se prévaloir par la voie de l'exception de l'illégalité de la dérogation du 14 mars 2023, en ce qu'elle serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 164 du règlement sanitaire départemental du Jura.

11. En sixième lieu, pour accorder le permis de régularisation en litige, le maire de la commune de Le Pasquier s'est non seulement fondé sur la dérogation du préfet du Jura du 14 mars 2023, mais a également délivré lui-même une dérogation, sur le fondement de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, à la règle de distance prévue par l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Jura. Toutefois, il résulte de l'instruction que, à considérer même que doivent être retenus les moyens soulevés par l'intimé pour contester la dérogation accordée par le maire et tenant à l'absence de motivation de cette dérogation quant à l'existence de circonstances locales, à l'erreur d'appréciation à avoir retenu l'existence de telles circonstances locales et enfin au caractère insuffisamment précis de cette dérogation, le maire de la commune aurait délivré le même permis en se fondant uniquement sur la dérogation délivrée par le préfet du Jura. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C..., ainsi que M. et Mme H... ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de régularisation du 22 mars 2023. Au contraire, Mme A... et la commune de Le Pasquier sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 7 août 2017 du maire de la commune de Le Pasquier.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter tant les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les intimés que les conclusions présentées sur le même fondement par Mme A... et par la commune de Le Pasquier.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme F... C... et M. et Mme G... H... devant le tribunal administratif de Besançon et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... et la commune de Le Pasquier sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la commune de Le Pasquier, à M. et Mme F... C..., à M. et Mme B... E... à l'Antoine, à M. et Mme I... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHAL

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet du Jura, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°s 19NC03616, 20NC00333 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03616
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : BROCHERIEUX - GUERRIN-MAINGON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;19nc03616 ?
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