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17/07/2023 | FRANCE | N°21NC03241

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 juillet 2023, 21NC03241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Boulangerie Ange a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel les maires de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau se sont opposés à ses déclarations préalables de travaux déposées les 5 et 6 août 2019.

Par un jugement n° 1908511 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les deux arrêtés.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21

NC03241 le 13 décembre 2021 et le 26 avril 2023, la commune de Schweighouse-sur-Moder, représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Boulangerie Ange a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel les maires de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau se sont opposés à ses déclarations préalables de travaux déposées les 5 et 6 août 2019.

Par un jugement n° 1908511 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les deux arrêtés.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21NC03241 le 13 décembre 2021 et le 26 avril 2023, la commune de Schweighouse-sur-Moder, représentée par Me Gillig demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1908511 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 octobre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la société Boulangerie Ange une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, le jugement contesté ne comporte pas la signature des membres de la formation de jugement qui ont siégé ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2019 :

- le projet déposé par la société méconnaît l'article 3 UX du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de Schweighouse-sur-Moder et il ne pouvait que s'opposer à la déclaration préalable formée par la société ;

- son arrêté n'est pas entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, la SARL Boulangerie Ange, représentée par Me Merkling conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Schweighouse-sur-Moder au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Schweighouse-sur-Moder ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21NC03242 le 13 décembre 2021 et le 26 avril 2023, la commune d'Haguenau, représentée par Me Gillig demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1908511 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 octobre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la société Boulangerie Ange une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ne comporte pas la signature des membres de la formation de jugement qui ont siégé ;

- le projet déposé par la société méconnaît l'article 3 UX du règlement du plan local d'urbanisme d'Haguenau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, la SARL Boulangerie Ange, représentée par Me Merkling conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Haguenau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Huck pour les communes d'Haguenau et de Schweighouse-sur-Moder, ainsi que celles de Me Merkling pour la SARL Boulangerie Ange.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté conjoint du 1er octobre 2019, les maires des communes de Schweighouse-sur-Moder et Haguenau se sont opposés à la déclaration préalable déposée en vue de la " division d'une cellule commerciale en deux nouvelles cellules commerciales pour la création d'une boulangerie " sur un terrain situé route de Bitche à Haguenau et à Schweighouse-sur-Moder déposée par la société à responsabilité limitée (SARL) Boulangerie Ange. Cette dernière a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 1908511 du 14 octobre 2021 dont les communes interjettent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

2. Les requêtes des communes de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit dès lors être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2019 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 3 UX du plan local d'urbanisme intercommunal du SIVOM de Schweighouse-sur-Moder relatif aux conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et accès aux voies ouvertes au public : " Accès : Tout terrain enclavé est inconstructible à moins d'être desservi par une servitude de passage suffisante. / Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficiles la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie./ Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celles des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / La délivrance du permis de construire peut-être subordonnée : - à la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques de véhicules correspondant aux besoins de l'immeuble à construire. / - à la réalisation de voies privées ou de tous autres aménagements particuliers nécessaires au respect des conditions de sécurité mentionnées au deuxième alinéa ci-dessus. / Le nombre des accès sur les voies publiques peut être limité dans l'intérêt de la sécurité. En particulier, lorsque le terrain est desservi par plusieurs voies, les constructions peuvent n'être autorisées que sous réserve que l'accès soit établi sur la voie où la gêne pour la circulation sera la moindre. / Tout nouvel accès sur la RD.1062 est interdit ". Aux termes de l'article 3 UX du règlement du plan local d'urbanisme d'Haguenau : " 1. Accès / 1.1. Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée ouverte à la circulation publique, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisin. / 1.2 La délivrance des autorisations d'urbanisme peut être subordonnée à la réalisation d'aménagements particuliers concernant les accès et tenant compte de l'intensité de la circulation et du déplacement piéton, cycle et des personnes handicapées. / 1.3. Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux exigences : / -de sécurité, et limiter la gêne des usagers, / -de la protection civile, / -de la lutte contre l'incendie, / -liées à l'importance et à la destination des constructions (...) ".

6. Pour s'opposer à la déclaration préalable de la SARL Boulangerie Ange, les maires de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau se sont fondés sur la circonstance que le projet consiste en la division d'une cellule commerciale en deux nouvelles cellules pour la création d'une boulangerie et que l'accès projeté rue du Clausenhof posera d'importants problèmes de sécurité routière qui seront encore amplifiés par la création d'une seconde cellule commerciale et par le futur réaménagement de la rue du Clausenhof, consistant dans le passage d'une à deux voies en entrée du carrefour giratoire croisant la route de Bitche. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude effectuée par le cabinet Emprixia, versée au dossier, et de l'avis émis le 5 octobre 2012 par la direction départementale des territoires du Bas-Rhin à l'occasion de l'instruction de l'autorisation commerciale sollicitée par un supermarché situé vis-à-vis de la parcelle d'implantation du projet que le trafic rue du Clausenhof est particulièrement dense, voire saturé. Toutefois, pour établir que le projet de la SARL Boulangerie Ange aura des conséquences négatives justifiant une opposition, les maires de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau se fondent sur l'étude du cabinet Emprixia précédemment évoquée analysant les conséquences de l'installation non d'une boulangerie mais d'un supermarché avec une fréquentation de 1 500 passages en caisse par jour. Les appelantes ne peuvent pas plus se prévaloir de l'avis défavorable émis le 30 septembre 2019 par les propres services de la commune d'Haguenau dès lors que ce document est dépourvu de précisions, notamment factuelles, suffisantes. Ainsi les maires de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau ont fait une inexacte application des dispositions précitées en prenant la décision attaquée.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des déclarations du maire de Schweighouse-sur-Moder à la presse quotidienne régionale, reprises dans un article du 19 décembre 2020, que celui-ci s'est par trois fois opposé, à l'installation d'une boulangerie dans la périphérie de la commune afin de revitaliser l'offre commerciale de centre-ville. Il ressort également des pièces du dossier que les maires d'Haguenau et de Schweighouse-sur-Moder se sont engagés, en lien avec l'Etat et par le biais notamment d'une convention d'opération de revitalisation du territoire, dans une politique économique de renforcement de l'attractivité des centres-villes. Toutefois si ce faisant le maire de Schweighouse-sur-Moder ne poursuit pas un but étranger à l'intérêt général, il a poursuivi, en édictant l'arrêté du 1er octobre 2019 une fin distincte de celle qui devait normalement justifier son intervention en vertu du code de l'urbanisme. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué était entaché de détournement de pouvoir.

8. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Aucun autre moyen n'est susceptible de fonder, en l'état du dossier, l'annulation de la décision attaquée.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Boulangerie Ange, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les communes de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des communes de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais exposés par la société et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes des communes de Schweighouse-sur-Moder et d'Haguenau sont rejetées.

Article 2 : La commune de Schweighouse-sur-Moder versera à la SARL Boulangerie Ange la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La commune d'Haguenau versera à la SARL Boulangerie Ange la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Haguenau, à la commune de Schweighouse-sur-Moder et à la SARL Boulangerie Ange.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03241-21NC03242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03241
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP ALEXANDRE LEVY KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-17;21nc03241 ?
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