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17/07/2023 | FRANCE | N°20NC02635

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 juillet 2023, 20NC02635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, M. B... U..., M. A... C..., Mme G... Q..., M. K... X..., Mme S... Y..., M. A... AF... J..., Mme O... T..., M. D... L..., M. V... Z..., M. H... AA..., Mme P... N..., M. R... AA..., M. AC... M..., Mme E... AD..., Mme AB... I..., M. D... F..., représentés par la SELARL Helios avocats, ont demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 avril 2016 par lequel le maire d'Errevet a, au nom de l'Etat, accordé à M

. W... un permis de construire une maison d'habitation de berger, sur u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, M. B... U..., M. A... C..., Mme G... Q..., M. K... X..., Mme S... Y..., M. A... AF... J..., Mme O... T..., M. D... L..., M. V... Z..., M. H... AA..., Mme P... N..., M. R... AA..., M. AC... M..., Mme E... AD..., Mme AB... I..., M. D... F..., représentés par la SELARL Helios avocats, ont demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 avril 2016 par lequel le maire d'Errevet a, au nom de l'Etat, accordé à M. W... un permis de construire une maison d'habitation de berger, sur un terrain situé chemin des Champs du Quartier et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 30 avril 2016 par lequel le maire d'Errevet a, au nom de l'Etat, accordé à M. W... un permis de construire un bâtiment agricole à usage de bergerie, sur un terrain situé chemin des champs du quartier et, d'autre part, de mettre à la charge de la commune d'Errevet une somme de 500 euros par requérant, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement avant-dire droit n° 1601020, 1601022 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon, d'une part, a rejeté comme irrecevables les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. U..., M. C..., Mme Q..., M. X..., Mme Y..., M. J..., Mme T..., M. L..., M. Z..., MM. AA..., Mme N..., M. M..., Mme AD..., Mme I..., M. F... et, d'autre part, a sursis à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier en accordant au préfet de la Haute-Saône un délai de trois mois pour justifier de la régularisation des autorisations litigieuses par la délivrance de permis de construire modificatifs.

A la suite de ce jugement, le préfet de la Haute-Saône a transmis au tribunal, le 5 juin 2018, des arrêtés du 25 mai 2018 accordant des permis de construire modificatifs de la maison d'habitation et de la bergerie.

Par un jugement n° 1601020, 1601022 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé les arrêtés du 25 mai 2018 par lesquels le maire d'Errevet a, au nom de l'Etat, accordé à M. W... un permis de construire modificatif pour la construction d'une part d'une maison d'habitation et d'autre part d'une bergerie.

Par un arrêt n° 18NC01732 du 25 avril 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la partie de ce jugement mettant en œuvre l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a annulé la partie de ce jugement statuant sur les autres moyens dirigés contre les permis de construire du 30 avril 2016 et, constatant que les premiers juges n'avaient pas statué sur les conclusions dirigées contre les arrêtés du 30 avril 2016, renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Besançon.

L'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, ainsi que M. U..., M. C..., Mme Q..., M. X..., Mme Y..., M. J..., Mme T..., M. L..., M. Z..., M. H... AA..., Mme N..., M. R... AA..., M. M..., Mme AD..., Mme I..., M. F... ont demandé au tribunal administratif de Besançon, l'annulation des deux arrêtés du 30 avril 2016 portant permis de construire une maison d'habitation de berger et un bâtiment agricole à usage de bergerie, ainsi que l'annulation des deux arrêtés du 22 août 2019, portant permis de construire modificatifs.

Par un jugement n° 1900746 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif a fait droit à cette requête et a annulé les arrêtés contestés.

L'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, ainsi que M. B... U..., M. K... X..., M. D... L..., M. V... Z..., M. H... AA..., Mme P... N..., Mme E... AD..., ont demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation des deux arrêtés du 22 février 2019, portant permis de construire une maison d'habitation de berger et permis de construire un bâtiment agricole à usage de bergerie.

Par un jugement no 1900724, 1900725, du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020 sous le N° 20NC02635, M. W... représenté par la société DSC Avocats, prise en la personne de Me Catherine Suissa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900746 du tribunal administratif de Besançon du 8 juillet 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, M. B... U..., M. A... C..., Mme G... Q..., M. K... X..., Mme S... Y..., M. AE... J..., Mme O... T..., M. D... L..., M. V... Z..., M. H... AA..., Mme P... N..., M. R... AA..., M. AC... M..., Mme E... AD..., Mme AB... I... et M. D... F..., une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour chacune des requêtes.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les requérants personnes physiques avaient un intérêt à agir pour contester les arrêtés des 30 avril 2016 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les dossiers de demande de permis de construire étaient insuffisants ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a jugé que les arrêtés du 30 avril 2016 méconnaissaient les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les arrêtés du 30 avril 2016 méconnaissaient les dispositions du règlement sanitaire départemental de la Haute-Saône ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les arrêtés du 30 avril 2016 méconnaissent les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 15 février 2021, l'Association Nature et Patrimoine Champ du Quartier, représentée par la SELARL Helios Avocats, prise en la personne de Me Thibault Soleilhac, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. W..., le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé ;

- d'autres moyens soulevés en première instance sont susceptibles de fonder l'annulation des arrêtés litigieux dès lors que :

- les annulations des arrêtés des 15 mars et 21 août 2012, relatifs à la bergerie et de l'arrêté du 4 décembre 2012 relatif à la maison d'habitation de berger, ainsi que des arrêtés du 25 mai 2018 devenues définitives, impliquent, en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée, l'annulation des arrêtés du 30 avril 2016 et du 22 août 2019 ;

- les arrêtés litigieux méconnaissent les dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés litigieux méconnaissent les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme ;

- les permis de construire et les permis de régularisation sont entachés de fraude ;

- la construction d'une maison d'habitation est contraire à la vocation de la zone et méconnaît les dispositions des articles L. 111-3, L. 111-4, L. 111-5 et R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés contestés méconnaissent les dispositions de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;

- les arrêtés en litige sont entachés d'un détournement de pouvoir ;

- l'arrêté de délégation de signature méconnaît les dispositions des articles L. 221-3 du code des relations entre le public et l'administration et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ;

- les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions des articles L. 111-11, R. 111-8 et R. 111-9 du code de l'urbanisme.

II. Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020 sous le N° 20NC02636, le GAEC W..., représenté par la société DSC Avocats, prise en la personne de Me Catherine Suissa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1900724, 1900725 du tribunal administratif de Besançon du 9 juillet 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, M. B... U..., M. A... C..., Mme G... Q..., M. K... X..., Mme S... Y..., M. AE... J..., Mme O... T..., M. D... L..., M. V... Z..., M. H... AA..., Mme P... N..., M. R... AA..., M. AC... M..., Mme E... AD..., Mme AB... I... et M. D... F..., une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour chacune des requêtes.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les requérants personnes physiques avaient un intérêt à agir pour contester les arrêtés du 22 août 2019 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les dossiers de demande de permis de construire était insuffisants ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a jugé que les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissaient les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissaient les dispositions du règlement sanitaire départemental de la Haute-Saône ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a estimé que les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2021, l'Association Nature et Patrimoine Champ du Quartier, représentée par la SELARL Helios Avocats, prise en la personne de Me Thibault Soleilhac, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du GAEC W..., le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé ;

- d'autres moyens soulevés en première instance sont susceptibles de fonder l'annulation des arrêtés litigieux dès lors que :

- les annulations des arrêtés des 15 mars et 21 août 2012, relatifs à la bergerie et de l'arrêté du 4 décembre 2012 relatif à la maison d'habitation de berger, ainsi que des arrêtés du 25 mai 2018 devenues définitives, impliquent, en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée, l'annulation des arrêtés du 30 avril 2016 et du 22 août 2019 ;

- les arrêtés litigieux méconnaissent les dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés litigieux méconnaissent les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme ;

- les permis de construire et les permis de régularisation sont entachés de fraude ;

- la construction d'une maison d'habitation est contraire à la vocation de la zone et méconnaît les dispositions des articles L. 111-3, L. 111-4, L. 111-5 et R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés contestés méconnaissent les dispositions de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;

- les arrêtés en litige sont entachés d'un détournement de pouvoir ;

- l'arrêté de délégation de signature méconnaît les dispositions des articles L. 221-3 du code des relations entre le public et l'administration et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ;

- les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions des articles L. 111-11, R. 111-8 et R. 111-9 du code de l'urbanisme.

III. Par une requête enregistrée le 21 septembre 2020 sous le n° 20NC02741, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) à titre principal, de prononcer l'annulation du jugement du 9 juillet 2020 ;

2°) à titre subsidiaire, de mettre en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a considéré que les requérants personnes physiques avaient un intérêt à agir pour contester les arrêtés du 22 août 2019 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a considéré que les dossiers de demande de permis de construire étaient insuffisants ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a considéré que les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a considéré que les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions du règlement sanitaire départemental de la Haute-Saône ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a considéré que les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, au greffe de la cour, l'Association Nature et Patrimoine Champ du Quartier, représentée par la SELARL Helios Avocats, prise en la personne de Me Thibault Soleilhac, conclut au rejet de la requête et à ce que soit respectivement mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé ;

- d'autres moyens soulevés en première instance sont susceptibles de fonder l'annulation des arrêtés litigieux dès lors que :

- les annulations des arrêtés des 15 mars et 21 août 2012, relatifs à la bergerie et de l'arrêté du 4 décembre 2012 relatif à la maison d'habitation de berger, ainsi que des arrêtés du 25 mai 2018 devenues définitives, impliquent, en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée, l'annulation des arrêtés du 30 avril 2016 et du 22 août 2019 ;

- les arrêtés litigieux méconnaissent les dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés litigieux méconnaissent les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme ;

- les permis de construire et les permis de régularisation sont entachés de fraude ;

- la construction d'une maison d'habitation est contraire à la vocation de la zone et méconnaît les dispositions des articles L. 111-3, L. 111-4, L. 111-5 et R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés contestés méconnaissent les dispositions de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;

- les arrêtés en litige sont entachés d'un détournement de pouvoir ;

- l'arrêté de délégation de signature méconnaît les dispositions des articles L. 221-3 du code des relations entre le public et l'administration et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ;

- les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés du 22 février 2019 méconnaissent les dispositions des articles L. 111-11, R. 111-8 et R. 111-9 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le règlement du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Saône ; ;

- Le règlement sanitaire départemental de la Haute-Saône ;

- Le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Wallerich, président,

- Les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- Et les observations de Me Perrin pour l'Association Nature et Patrimoine Champ du Quartier.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 30 avril 2016, le premier adjoint de la commune d'Errevet a, par délégation et au nom de l'Etat, délivré un permis de construire un bâtiment agricole à usage de bergerie, d'une surface de plancher de 577 mètres carrés, destiné à accueillir 400 brebis, et un permis de construire une maison d'habitation de berger d'une surface de 71 mètres carrés. Par un jugement nos 1601020, 1601022 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a sursis à statuer pour un délai de trois mois, sur les conclusions tendant à l'annulation de ces arrêtés, en vue de la régularisation du vice d'incompétence les entachant. Des permis de construire modificatifs ont été délivrés par deux arrêtés du 25 mai 2018. Par un jugement du 15 novembre 2018, le tribunal administratif a annulé ces arrêtés, estimant que le vice n'avait pas été régularisé. Par un arrêt n° 18NC01732 du 25 avril 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la partie du jugement mettant en œuvre l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, annulé la partie statuant sur les autres moyens dirigés contre les permis de construire du 30 avril 2016 et, renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Besançon, constatant que les premiers juges n'avaient pas statué sur les conclusions dirigées contre ces arrêtés. Par des arrêtés du 22 août 2019, pris à la suite de l'annulation des arrêtés du 25 mai 2018, deux permis de construire modificatifs ont été délivrés à M. W.... Par une requête introduite devant le tribunal administratif de Besançon, l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, ainsi que M. U..., M. C..., Mme Q..., M. X..., Mme Y..., M. J..., Mme T..., M. L..., M. Z..., MM. AA..., Mme N..., M. M..., Mme AD..., Mme I..., M. F... ont sollicité l'annulation des arrêtés du 30 avril 2016 et du 22 août 2019. Par un jugement n° 1900746 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à cette requête. M. W... relève appel de ce jugement.

2. Par deux arrêtés du 22 février 2019, un permis de construire un hangar à usage de bergerie d'une surface de 576,75 mètres carrés et un permis de construire une maison d'habitation de berger de 71 mètres carrés ont été délivrés à M. W... et au GAEC W.... Par une requête introduite devant le tribunal administratif de Besançon, M. U..., M. X..., M. L..., M. Z..., M. AA..., Mme N... et Mme AD..., propriétaires des parcelles immédiatement voisines du terrain d'assiette de ces projets, ainsi que l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier ont sollicité l'annulation des arrêtés du 22 février 2019. Par un jugement nos 1900724, 1900725 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif a fait droit à cette requête. Le GAEC W... et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relèvent appel de ce jugement.

3. Il y a lieu de joindre les trois requêtes pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel de M. W... dirigé contre le jugement n° 1900746 du 8 juillet 2020 annulant les arrêtés du 30 avril 2016 et du 22 août 2019 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence d'un intérêt conférant la qualité pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

6. Dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour que le juge puisse, au vu d'un moyen soulevé par ce requérant, faire droit à ces conclusions communes.

7. M. W... fait valoir que la requête de première instance était irrecevable dès lors que les requérants personnes physiques n'avaient pas d'intérêt à agir ni contre les arrêtés du 30 avril 2016 portant permis de construire un bâtiment agricole à usage de bergerie et permis de construire une maison d'habitation de berger, ni contre les arrêtés du 22 août 2019 portant permis de construire modificatifs. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme Y..., M. Z... et Mme Q..., sont propriétaires terrains contigus à la parcelle de M. W.... Ils justifient ainsi de la qualité de voisins immédiats. Si les autres requérants ont des parcelles plus lointaines, il n'en demeure pas moins que le projet créera des vues directes, ainsi que des nuisances sonores et olfactives dues à l'activité agricole projetée, de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens. Par voie de conséquence le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularités en rejetant la fin de non-recevoir opposée par M. W....

En ce qui concerne la légalité des arrêtés du 30 avril 2016 et du 22 février 2019 :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.

S'agissant de l'insuffisance des dossiers de demande de permis de construire :

9. D'une part, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) ".

10. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les document produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. D'autre part, aux termes de l'article 153 du règlement sanitaire départemental de la Haute-Saône : " 153-1- Présentation du dossier. / Toute création ou extension d'un bâtiment d'élevage ou d'engraissement (...) doit faire l'objet, de la part du demandeur de l'établissement, d'un dossier comprenant les informations suivantes : / a) Le plan de masse à l'échelle du cadastre sur lequel doivent figurer notamment : /- le ou les points de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation humaine ou animale ou à l'arrosage des cultures maraîchères et situés dans un rayon de 100 mètres autour de l'installation ; - l'emplacement des immeubles habités ou occupés habituellement par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public dans un rayon de 100 mètres ; / b) Un plan détaillé de l'installation d'élevage (échelle 1/100ème) précisant notamment l'emplacement des stockages de déjections et des installations de traitement ; / c) Une note explicative précisant la capacité maximale instantanée de l'établissement d'élevage les volumes de stockage de déjections, le lieu de rejet de l'effluent traité dans le milieu naturel. / d) Le cas échéant, le plan d'épandage des eaux résiduaires et des déjections. / Le dossier sera adressé au Maire de la commune (en 5 exemplaires avec demande de permis de construire afin de permettre la consultation simultanée des services) ".

12. Les dispositions des règlements sanitaires départementaux ne peuvent être utilement invoquées au soutien de la contestation de la légalité d'un permis de construire que lorsqu'elles concernent l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords, au sens des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.

13. Contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions de l'article 153-1 du règlement sanitaire départemental sont invocables dans le cadre de la contestation d'une autorisation d'urbanisme, dès lors qu'elles concernent la création d'un bâtiment d'élevage et qu'elles portent sur les règles de distances d'éloignement des bâtiments abritant des animaux des points d'eau, des habitations et autres installations accueillant des activités susceptibles d'être impactées par la présence trop proches de tels bâtiments et qu'elles ont pour objet de permettre la production par le demandeur de documents de nature à vérifier la conformité du projet de construction avec les règles de fond que ce règlement instaure. Or, il ressort des pièces du dossier que M. W... n'a pas produit les informations exigées par les dispositions du règlement sanitaire départemental à l'appui de sa demande de permis de construire un bâtiment agricole à usage de bergerie du 22 mars 2016, pas plus que dans celui du 19 novembre 2018. Par suite, l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire a été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur, quant à la conformité du projet au regard des règles en vigueur. Partant, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Besançon a retenu ce premier motif d'annulation des arrêtés du 30 avril 2016 et du 22 février 2019 portant permis de construire un bâtiment agricole à usage de bergerie.

S'agissant de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme :

14. Aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic ".

15. Si le recours pour excès de pouvoir implique pour le juge de se placer à la date d'édiction de l'acte contesté pour apprécier sa légalité, il n'en demeure pas moins qu'il peut tenir compte d'éléments postérieurs, dès lors qu'ils ont pour effet de révéler des circonstances de droit et de fait existantes à cette date.

16. Le tribunal a également retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme qui prévoit que le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dont les caractéristiques permettent la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de la maison d'habitation et de la bergerie de M. W... est accessible par un pont qui surplombe la ligne de chemin de fer et qui constitue le seul point de passage carrossable, lequel doit pouvoir supporter le passage de véhicules de 15 à 16 tonnes pour respecter les règles de sécurité incendie. Or, l'accès de ce pont a été interdit à la circulation des véhicules de plus de six tonnes, par arrêté municipal du 2 mai 2003, et un procès-verbal d'inspection détaillée et de visite intermédiaire, dressé par la SNCF à la suite de l'examen de l'ouvrage les 20 avril et 18 mai 2011, a rappelé la limitation à six tonnes de la portance. Toutefois, alors que le directeur départemental d'incendie et de secours de la Haute-Saône notait, par courrier du 11 juin 2012, que l'arrêté du 2 mai 2003 devrait être modifié en précisant " sauf véhicules de secours ", la commune a décidé en 2015 de confier à un cabinet d'expertise une étude sur les surcharges admissibles sur le pont SNCF en question. Elle a également dès le 1er mars 2016 abrogé son arrêté du 2 mai 2003 et édicté la même interdiction de circulation des véhicules de plus de six tonnes, à l'exception des engins de secours ", mais cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal n° 1600634 du 6 mars 2018 devenu définitif.

17. Ainsi, le tribunal a pu, sans commettre d'erreur, écarter l'arrêté du 1er mars 2016 interdisant le passage des véhicules de plus de 6 tonnes sur ce pont, sauf véhicules de secours, Eu égard au caractère rétroactif de l'annulation, l'arrêté ne pouvait en effet plus être pris en compte par les premiers juges. Pour autant, le diagnostic réalisé par le bureau CEREMA en mars 2017 a confirmé la portance du pont SNCF en question et proposé d'autoriser le passage de véhicules de dix-neuf tonnes à une vitesse maximale de 30 km/h sur cette voie. Même si cette étude est postérieure à la délivrance des arrêtés litigieux, elle porte sur le constat de la solidité d'un ouvrage qui existait déjà à la date de ces arrêtés, alors qu'il n'est pas établi, ni même soutenu que des travaux confortatifs de l'ouvrage auraient été réalisés entre cette dernière date et le diagnostic réalisé.

18. Par conséquent, contrairement à ce qu'ont pu estimer les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle les permis litigieux ont été délivrés, les conditions d'accès au terrain de M. W... n'étaient pas conformes aux exigences émises en matière de lutte contre l'incendie et l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu un deuxième moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme et des dispositions du règlement sanitaire départemental de la Haute-Saône :

19. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". Aux termes de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental de la Haute-Saône : " Les bâtiments renfermant des animaux à demeure ou en transit ne doivent pas être à l'origine d'une pollution des ressources en eau. (...) Lorsqu'il existe un point d'eau à proximité, l'ensemble de l'installation devra être conçu de manière à éviter tout écoulement polluant vers celui-ci ". Aux termes de l'article 154-2 de ce règlement : " (...) Les bâtiments sont approvisionnés en quantité suffisante d'eau de bonne qualité pour l'abreuvement des animaux et d'eau de lavage pour l'entretien des établissements et des installations (...) ". L'article 154-3 de ce règlement dispose que : " Stabulation libre. (...) Les déjections et les éventuelles eaux de lavage des locaux sont collectées. Les caniveaux conduisant aux ouvrages de stockage, ainsi que ces ouvrages sont étanches. / Toutes dispositions doivent être prises pour que les eaux pluviales issues des toitures et les eaux de ruissellement provenant de l'extérieur ne s'écoulent pas sur les aires d'exercice ". L'article 155 de ce règlement prévoit, au titre de l'évacuation et du stockage des fumiers et autres déjections solides, que les dépôts ne doivent pas entraîner une pollution des ressources en eau et précise que, soit le dépôt est permanent et doit notamment " être conçu de manière à éviter tout écoulement, même accidentel, vers les points d'eau et les fossés des routes ", soit le dépôt est provisoire et les fumiers doivent notamment être " déposés sur une aire étanche, munie au moins d'un point bas, où sont collectés des liquides d'égouttage et les eaux pluviales, qui doivent être dirigées, à l'aide de canalisations étanches et régulièrement entretenues, vers des installations de stockage étanches ou de traitement des effluents d'élevage ". A ce titre, l'article 156 relatif à l'évacuation et au stockage des purins, lisiers, jus d'ensilage et eaux de lavage des logements d'animaux et de leurs annexes dispose que : " Les urines et déjections recueillis sous forme de lisiers et jus d'ensilage et eaux de lavage sont évacuées vers des ouvrages de stockage ou de traitement, implantés suivant les conditions prévues à l'article 155-1 concernant les dépôts de fumier ". Les dispositions des articles 153-2, 154-2, 154-3, 155 et 156 du règlement sanitaire départemental sont invocables dès lors qu'elles édictent des règles relatives à l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords.

20. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de construction d'une bergerie se trouve à proximité de plusieurs points d'eau, situés notamment à 28,36 mètres, 61,29 mètres, 77,93 mètres et 147,32 mètres dudit terrain. Ainsi, eu égard à ces faibles distances ces points d'eau sont effectivement susceptibles d'être impactés par la construction de la bergerie. Le règlement sanitaire départemental impose que des installations pour le traitement et le stockage des eaux pluviales et de ruissellements, les modalités de raccordement au réseau d'eau potable ou pluviale pour la bergerie, un aménagement pour l'évacuation et/ou le stockage des fumiers, déjections et lisiers, jus d'ensilage et eaux de lavage visant à éviter la pollution des ressources en eau soient prévus dans le projet. Or le dossier de demande de permis ne prévoit aucune installation pour le traitement des eaux pluviales et de ruissellements et ne mentionne pas les modalités de raccordement de la bergerie au réseau d'eau potable ou pluviale, ni l'installation d'un système de collecte ou de stockage des eaux pluviales et/ou de ruissellement destiné à empêcher leur écoulement sur les aires d'exercice. Enfin, le projet de bergerie ne prévoit aucun aménagement pour l'évacuation et/ou le stockage des fumiers et déjections. Si M. W... procède à un stockage temporaire " en bout de champ " du fumier, il résulte des dispositions des articles 155 et 156 du règlement sanitaire départemental que, même temporaire, le stockage de fumier doit s'effectuer sur une aire étanche. Enfin, en se prévalant d'un diagnostic du bassin versant réalisé par un bureau d'études en 2013, M. W... ne démontre pas que son installation respectait les dispositions du règlement sanitaire départemental relatives aux règles d'installation et d'assainissement.

21. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen précisé ci-dessus pour annuler les arrêtés litigieux.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

22. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

23. Les requérants font valoir que le fonctionnement de la bergerie n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique et à la salubrité publique. Il ressort des éléments précisés aux points précédents que le projet méconnaît les règles d'hygiène et de salubrité publique en contrevenant aux dispositions de règlement sanitaire départemental. Partant, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que les arrêtés des 30 avril 2016 et 22 février 2019 avaient été adoptés en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

24. Si les arrêtés du 22 août 2019 portant permis modificatifs tendent à régulariser le vice d'incompétence retenu dans le cadre du jugement rendu le 26 avril 2018, ils n'ont ni pour objet ni pour effet de régulariser les vices précités tirés de l'insuffisance des dossiers de demande de permis de construire, ainsi que de la méconnaissance des dispositions des articles L. 421-6, R. 111-2 du code de l'urbanisme et des articles 153-2 et 154-2 du règlement sanitaire départemental, par les arrêtés du 30 avril 2016. Par voie de conséquence, les arrêtés du 22 août 2019 sont entachés d'illégalité. M. W... n'est ainsi pas fondé à se plaindre que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé ces arrêtés.

Sur les appels du GAEC W... et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires dirigés contre le jugement n° 1900724, 1900725 du 9 juillet 2020 annulant les arrêtés du 22 février 2019 :

25. Il résulte de ce qui précède pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points cités précédemment, que les moyens tirés de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire dès lors que le dossier déposé le 19 novembre 2018 ne comportait pas plus les informations exigées par le RSD, de la violation des dispositions du RSD relatives aux règles d'implantation des bâtiments d'élevage et aux règles de construction et d'aménagement des logements d'animaux et de la violation de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, sont fondés et de nature à entacher d'illégalités les arrêtés du 22 février 2022.

26. En revanche, s'agissant de l'accessibilité du terrain aux véhicules d'incendie et de secours, le pétitionnaire justifie en se prévalant du constat réalisé le 7 juillet 2020 et du courrier du directeur départemental d'incendie et de secours du 28 juillet 2020 que les caractéristiques du chemin rural permettant d'accéder à son terrain, notamment au regard de sa largeur, permettent aux engins de secours de s'y rendre et d'effectuer une manœuvre de retournement, sans difficulté, sur le chemin privé perpendiculaire au chemin rural. Même si ces deux documents ont été établis postérieurement à la délivrance des arrêtés litigieux, ils portent sur le constat d'une situation de fait qui existait déjà à la date de ces arrêtés.

27. Par conséquent, contrairement à ce qu'ont pu estimer les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle les permis litigieux ont été délivrés, les conditions d'accès au terrain de M. W... n'étaient pas conformes aux exigences émises en matière de lutte contre l'incendie et il apparait ainsi que c'est à tort qu'ils ont retenu une méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

28. Il résulte de ce qui précède que le GAEC W... et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne sont pas fondés à se plaindre que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé ces arrêtés.

Sur la régularisation :

29. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

30. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut, à titre subsidiaire à la régularisation des vices susceptibles de fonder l'annulation des arrêtés du 22 février 2019. Toutefois, aucun des vices retenus dans la présente décision n'est susceptible d'être régularisé par un permis de construire modificatif, tant pour ces arrêtés, que pour ceux des 30 avril 2016 et 22 août 2019. Par suite, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Sur les frais d'instance :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. W... et le GAEC W..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. W..., la somme de 1 000 euros, du GAEC W..., la somme de 1 000 euros et de l'Etat, la somme de 1 000 euros à verser à l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes présentées par M. W..., le GAEC W... et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires à l'encontre des jugements n° 1900746 et nos 1900724, 1900725, des 8 et 9 juillet 2020, sont rejetées.

Article 2 : M. W..., le GAEC W... et l'Etat, verseront chacun à l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... W..., au GAEC W..., à l'Association Préservation Nature et Patrimoine Champ du Quartier, représentant unique des autres défendeurs en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et au ministre de la transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la commune d'Errevet et au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023

Le président- rapporteur,

Signé : M. WallerichL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : J.B. Sibileau

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC02635-20NC02636-20NC02741020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02635
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-17;20nc02635 ?
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