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06/07/2023 | FRANCE | N°22NC03177

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC03177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2022, par lequel le préfet du territoire de Belfort a implicitement refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un délai d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement.>
Par un jugement n° 2201781 du 9 novembre 2022, la magistrate désignée par le présid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2022, par lequel le préfet du territoire de Belfort a implicitement refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un délai d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2201781 du 9 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, aux fins d'injonction et au paiement des frais au litige à une formation collégiale et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Mouheb, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté 3 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du territoire de Belfort de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêté, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle eu égard à l'ancienneté de son séjour en France et de son insertion professionnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est injustifiée dans la mesure où il n'a jamais été condamné en France ;

- la décision portant assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire enregistré le 20 févier 2023, le préfet du territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 11 janvier 1987, est arrivé en France le 24 novembre 2014, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour valable du 10 octobre 2014 au 8 avril 2015. Il a fait l'objet de deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français les 11 juillet 2016 et 12 janvier 2019. Par courriers datés du 17 novembre 2021 et du 20 janvier 2022, M. B... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien avec la mention " salarié ". Le 3 novembre 2022, le préfet du territoire de Belfort a implicitement refusé de l'admettre au séjour et l'a explicitement obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du 9 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a renvoyé ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, au prononcé d'une injonction d'un tel titre et au paiement des frais au litige à une formation collégiale et a rejeté le surplus de sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Ces dispositions, qui sont relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens dès lors que la situation de ces ressortissants est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Un ressortissant algérien ne peut par conséquent pas utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte-tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

3. Si M. B... serait présent en France de manière continue depuis 2014, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré l'édiction de deux mesures d'éloignement prises à son encontre en 2016 et 2019 et n'a sollicité sa régularisation qu'à compter de novembre 2021. Son activité professionnelle entre 2018 et 2022, en qualité de technicien fibre puis de responsable technique auprès de deux sociétés différentes, au demeurant non autorisée, ne permet pas à elle seule de justifier d'une intégration telle au sein de la société française qu'elle justifierait son admission exceptionnelle au séjour. De plus, célibataire et sans enfant, il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans et où demeure son père et une partie de sa fratrie. Dans ces conditions, le préfet du territoire de Belfort n'a pas entaché da décision portant refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. M. B... n'est par conséquent pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision par laquelle le préfet du territoire de Belfort l'a obligé à quitter le territoire français.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". D'autre part, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

5. En l'espèce, il ressort des termes de l'arrêté du 3 novembre 2022 que la décision contestée n'est pas motivée par la seule circonstance que M. B... est défavorablement connu des services de police et que, nonobstant l'absence de condamnation pénale, son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Elle se fonde également sur le fait que M. B..., célibataire et sans enfant à charge, se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis 2014 malgré l'édiction de deux mesures d'éloignement à son encontre, qu'il a attendu sept ans avant de chercher à régulariser sa situation et qu'outre son activité professionnelle, il ne démontre pas avoir développé d'intenses liens sociaux en France alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, à supposer même que son comportement ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet du territoire de Belfort n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

6. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du territoire de Belfort.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- Mme Brodier, première conseillère,

- Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC03177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03177
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : MOUHEB AMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc03177 ?
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