La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°22NC03042

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC03042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 25 mai 2021 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.

Par un jugement n° 2102728-2102729 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6

décembre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Levi-Cyferman, demandent à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 25 mai 2021 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.

Par un jugement n° 2102728-2102729 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Levi-Cyferman, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 25 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer à chacun un titre de séjour les autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et dans l'attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés sont insuffisamment motivés en droit et en fait ;

- ils méconnaissent les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard aux conditions de leur séjour en France ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M.et Mme B... ne sont pas fondés.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- et les observations de Me Levi-Cyferman, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., nés respectivement en 1975 et 1987, de nationalité albanaise, ont déclaré être entrés en France le 12 mai 2016 avec leurs deux enfants mineurs. Ils ont formé des demandes d'asile qui ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 20 mars 2017. Le 25 avril 2017, ils ont sollicité leur admission au séjour en raison de leur état de santé, ce qui leur a été refusé le 19 février 2018. Par courriers des 24 novembre 2020 et 10 décembre 2020, M. et Mme B... ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour. Par des arrêtés du 25 mai 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a opposé un refus à leurs demandes et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 23 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 25 mai 2021.

2. En premier lieu, les arrêtés attaqués comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent les fondements. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. et Mme B..., a notamment précisé les conditions d'entrée et de séjour des requérants sur le territoire français et a fait référence à la scolarisation en France de leurs enfants. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il est constant qu'à la date des arrêtés en litige, M. et Mme B... séjournaient en France avec leurs deux enfants mineurs depuis près de cinq ans. Toutefois, la durée de leur présence sur le territoire français n'est due qu'au temps nécessaire à l'instruction de leurs demandes d'asile puis de leurs demandes de titres de séjour. La scolarisation de leurs deux enfants en France pendant plus de trois ans n'est pas de nature à justifier d'une intégration particulière au sein de la société française. Si Mme B... justifie d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'aide à la personne depuis mars 2021 et si M. B... bénéficie de deux promesses d'embauche, Mme B... exerce une activité professionnelle sans être munie d'une autorisation de travail en cours de validité tandis que M. B... ne justifie d'aucune expérience préalable pour les emplois en cause. Ni les attestations de bénévolat, ni le fait pour Mme B... de suivre des cours de français, ne sont de nature à justifier que les requérants ont fixé en France le centre de leurs intérêts personnels. En outre, M. et Mme B... ne sont pas dépourvus de toute attache en Albanie où ils ont vécu jusqu'à l'âge respectivement de 40 et 29 ans. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas porté au droit de M. et Mme B... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels les arrêtés contestés ont été pris. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

6. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. et Mme B... sont présents en France depuis plusieurs années, apprennent la langue française et leurs enfants sont scolarisés. Toutefois, en dépit de leurs efforts d'intégration, les requérants ne peuvent être regardés comme présentant des circonstances humanitaires justifiant qu'ils bénéficient à titre exceptionnel d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". D'autre part, si Mme B... se prévaut de son activité en tant qu'aide à la personne et M. B... de plusieurs promesses d'embauche, il ressort des pièces du dossier que Mme B... exerce principalement son activité à temps partiel et que les salaires mensuels dont elle justifie pour 2020 sont très faibles. S'agissant de M. B..., il ne dispose d'aucun diplôme ou expérience professionnelle préalable dans les emplois en cause. Dans ces conditions, ils ne justifient pas à ce stade d'un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées justifiant qu'ils soient admis au séjour à titre exceptionnel en qualité de salarié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si M. et Mme B... font valoir que leurs deux enfants mineurs sont scolarisés, il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie, pays dont ils sont tous deux ressortissants. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Levi-Cyferman.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laubriat, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : A. Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC03042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03042
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc03042 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award