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06/07/2023 | FRANCE | N°22NC03021

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC03021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201956 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, Mme A..., représent

e par Me Ceviz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201956 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Ceviz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en fait ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant.

La requête a été transmise à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 7 août 1988, de nationalités turque et algérienne, déclare être entrée en France le 29 mai 2018 avec ses trois enfants mineurs afin de rejoindre son époux, titulaire d'une carte de résident. Le 16 septembre 2020, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 15 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 15 février 2022.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en mai 2018 avec ses trois enfants nés en 2006, 2008 et 2015 pour rejoindre son époux avec lequel elle s'est mariée en Algérie le 5 janvier 2006. Ce dernier, entré en France en 1997, est titulaire d'une carte de résident depuis 2001. Si le couple a vécu séparément entre 2006 et 2018, M. A... justifie avoir fait de multiples allers-retours en Egypte et en Turquie où son épouse et ses enfants sont nés et ont vécu. De plus, leur communauté de vie est justifiée par les pièces versées au dossier depuis mai 2018, soit un peu moins de quatre ans à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, l'ancienneté et la stabilité de la relation entre les époux sont démontrées. En outre, leurs trois enfants mineurs sont scolarisés depuis leur arrivée sur le territoire français. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin a porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, la décision en litige méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 15 février 2022.

5. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 15 février 2022 implique, compte tenu de l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, que la préfète du Bas-Rhin délivre à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer ce titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ceviz, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ceviz de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mai 2022 et l'arrêté du 15 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compte de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ceviz une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ceviz renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Ceviz.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laubriat, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : A. Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC03021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03021
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CABINET CEVIZ AVOCATS et CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc03021 ?
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